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063 GIDON M. (1974). - L'arc alpin a-t-il une origine tourbillonnaire ? C.R.Acad.Sc. Paris, t.278, p. 21-24.


GÉOTECTONIQUE.-

L'arc alpin a-t-il une origine tourbillonnaire ?

Note (*) de M. Maurice Gidon, transmise par M. Maurice Collignon.


figures

On examine un modéle dynamique dans lequel la disposition sigmoide de l'orogène alpino-apenninique est attribuée à des mouvements giratoires: il semble que les faits géologiques et les données de la tectonique des plaques puissent s'accorder avec un tel modèle.


Une comparaison entre l'arc alpino-apenninique et un système météorologique dépressionnaire révèle une étonnante analogie de formes et de dimensions: celle-ci est telle que certaines photos de satellites de systèmes nuageux sont pratiquement superposables à une carte à même échelle des chaînes de la Méditerranée nordoccidentale. Or il apparaît qu'il ne s'agit peut-être pas là d'une coïncidence fortuite, mais que des analogies assez fondamentales peuvent être mises en évidence, fournissant ainsi une hypothèse de travail intéressante et nouvelle dans certains de ses aspects.

L ANALOGIE DE FORME des deux dispositifs porte sur le dessin des zones tectonisées et des zones nuageuses (fig. 1 a): dans les deux cas l'apparition de ces zones perturbées résulte clairement d'un mouvement tangentiel tendant à produire un chevauchement relatif des masses affrontées. Une différence réside certes en ce que la position relative des masses chevauchantes et chevauchées est inverse, symétrique par rapport à un plan horizontal (fig. 1 b) (cette inversion se manifeste également par le fait que la masse italo-adriatique, dotée d'un enfoncement subsident synchrone de la formation des chaînes voisines, représenterait l'homologue de l'air chaud cyclonique qui est affecté quant à lui d'un mouvement ascendant).

LES MOUVEMENTS des masses d'air présentent d'autre part, dans le système dépressionnaire météorologique, une triple particularité:

a. L'air chaud y forme une volute qui s'insinue dans un dispositif tourbillonnaire où il est « injecté » par la circulation de l'air tropical; il en résulte que, par rapport à l'air froid il possède un mouvement différentiel dextre du côté du front chaud.

b. Ces mouvements se font suivant des trajectoires courbes dont la direction se modifie de proche en proche comme celle des fronts.

c. Enfin, la largeur de la volute se rétrécit progressivement au niveau de la surface du sol, à la faveur de ces mouvements et du mouvement ascensionnel de l'air chaud.

Il semble que ces trois caractères dynamiques sont décelables dans la structure de l'arc alpin, encore qu'ils ne soient pas évoqués dans les schémas classiques:

a. En ce qui concerne les mouvements de coulissement relatifs, horizontaux, mes recherches dans l'arc des Alpes occidentales m'ont précisément amené à la conviction que l'on avait sous-estimé le rôle des failles coulissantes longitudinales (par rapport à l'allongement de la chaîne). Dans la majorité des cas d`ailleurs le rejet qu'on est amené à leur attribuer est dextre. Il semble bien que des accidents de ce type sont reconnus désormais partout dans les Alpes, à commencer par les grandes cassures de la limite alpino-dinarique ou de la ligne insubrienne (les failles sénestres par contre semblent moins nombreuses et généralement beaucoup plus obliques par rapport à l'allongement de la chame). De plus, dans les Alpes occidentales externes aussi bien qu'internes, I'étude microtectonique révèle souvent l'importance des phénomènes d'allongement horizontal longitudinal: il semble donc bien qu'aux mouvements tangentiels par plissement et charriage ont du s'associer des mouvements longitudinaux multiples et de type varié, suivant un dispositif très voisin de celui suggéré par l'analogie météorologique.

b. La direction courbe des mouvements semble se traduire également dans la structure alpine au moins de deux façons: d'abord par la disposition cartographique en éventail (fig. 1 c et 2) affectant les axes des plis dans les zones externes (principalement si l'on considère les plis d'âge approximativement oligocène); ensuite par des phénomènes de rotation apparente, sénestre, qu'il est permis d'attribuer à un transport avec pivotement, parallèlement à la direction de l'arc: « rotation » des structures hercyniennes et des directions paléomagnétiques des volcanites finihercyniennes entre Alpes occidentales du Sud et du Nord, rotation des blocs sud-alpin et corsosarde par rapport à l'Europ-e, etc.

c. L'etilement des masses entralnées vers l'axe du tourbillon semble également très apparent dans le dispositif alpino-apenninique (où l'on peut supposer un point de convergence situé aux abords sud de Turin): ayant particulièrement étudié l'effilement de la zone briançonnaise dans les Alpes graies à l'Ouest de Cuneo, je puis préciser que celui-ci est apparemment dû au jeu des fractures longitudinales, ici nord-ouest- sud-est, et qu'il n'y a là (contrairement au modèle de H. P. Laubscher) aucun indice de déplacements sénestres est-ouest lors de la tectonisation. Enfin, il faut sans doute souligner que c'est précisément dans ce secteur que s'accentue le mouvement de chevauchement vers l'Est du domaine alpin par-dessus celui de la plaine du Pô, comme si le dernier passait sous le premier, en même temps que sous l'Apennin, disposition qui n'est pas sans évoquer la réunion des fronts chauds et froids et le décollement de la volute d'air chaud par rapport au sol dans le modèle météorologique .

Il n'est pas jusqu'au cadre cinématique dans lequel se développent les mouvements tourbillonnaires météorologiques qui ne puisse trouver son équivalent sur le plan de l'évolution de la Méditerranée occidentale: les systèmes cycloniques naissent de l'affrontement et du cisaillement entre les mouvements de l'air polaire descendant vers le Sud-Ouest et de l'air tropical remontant vers le Nord-Est: il se trouve que précisément l'arc alpino-apenninique se place dans un contexte analogue puisqu'il s'est développé aux dépens d'un véritable joint structural entre les plaques lithosphériques européenne et africaine et que l'expansion occanique atlantique a imposé à ces dernières d'importants mouvements relatifs cisaillants, sénestres, du Toarcien au début de l'Eocène. Il ne paraît donc pas inconcevable (fig. 3 b) que les microplaques mésogéennes (et notamment le bloc italo-adriatique) aient été de ce fait entraînées dans un mouvement giratoire « anti-horaire », longuement « lancé » au cours du Mésozoïque. Ce mouvement par contre n'a pu qu'être freiné de l'Eocène au Miocène, par le déplacement des masses lié au mouvement de l'Afrique (qui, de Nord-Est - SudOuest devient du Sud-Est vers le Nord-Ouest); le serrage transverse de la microplaque contre le bord européen s'ajoutant à son mouvement rotatif il en découle que les serrages résultants seront obliques (fig. 3 a): d'abord orientés presque suivant l'allongement de l'arc ils deviendront, avec le freinage de la rotation, de plus en plus transversaux (ce qui est bien en accord avec les changements d'orientation des systèmes de déformation aux différents points, au cours du Tertiaire).

Pour conclure, le modèle examiné ici paraît donc mériter d'être pris en considération; d'autant plus que son originalité principale consiste, sans doute, en ce qu'il oblige à tenir compte de déplacements longitudinaux (dextres), généralisés, suivant l'arc alpin, pour l'établissement des reconstitutions paléogéographiques: il paraît certain qu'un tel changement d'optique serait susceptible de renouveler la manière d'aborder certains problèmes tels que ceux des rapports initiaux entre fosses valaisanne et piémontaise ou de la place et de la configuration des bassins des flyschs néocrétacés.

(*) Seance du 5 décembre 1973.

Laboratoire de Géologie ·alpine associé au CNRS,
Institut Dolomieu,
Université Scientifique et Médicale de Grenoble.

 

 

 

A/ Assemblage de clichés satellitaires
(rajout de l'auteur, pour le site GEOL-ALP)

On croirait voir les Alpes et les Apennins enneigés ou ennuagés.
En fait il s'agit d'un système perturbé qui se situait sur l'atlantique, entre les Açores et la péninsule ibérique (le méridien 0 est celui de Paris)

comparer avec la carte de la fig.1a, ci-après ...

B/ Planche originelle de l'article

Planche des figures ( figure agrandissable)

Fig. 1 a. - L'arc alpin interprété par comparaison avec un système cyclonique: 1. « Front froid »; 2. « Front chaud »; P, zones perturbées; A, éléments ayant des mouvements comparables à ceux de l'air chaud tropical (microplaque adriatique); E, plaque européenne (comparable à l'air froid polaire); S.V., ligne Sestri-Voltaggio.

Fig. 1 b. - Coupe de la « volute » adriatique (même légende).

Fig. 1 c. - Carte des mouvements liés au déplacement d'une volute en rotation anti-horaire: directions de plis (pointillés), coulissements (demi-flèches couplées), serrages (flèches opposées).

Fig. 2. - Carte très schématisée des Alpes occidentales et du Jura: 1. Mouvements tertiaires précoces (a. Plis; b. Coulissages et torsions; c. Chevauchements); 2. Mouvements tertiaires tardifs.

N. B.: Le domaine insubrique est hachuré et le domaine appenninique marqué de points de façon à figurer leurs limites, hypothétiques, sous la plaine du Pô.

Fig 3 a. - Modification des directions structurales depuis les mouvements tertiaires précoces (1) jusqu'aux plus tardifs (2) par atténuation de la rotation et modification de la translation de l'ensemble en rotation (on a indiqué la direction des résultantes de compression et celle des failles de coulissement connexes).

Fig. 3 b. - le contexte mésogéen : trajectoire de 2 points (supposés liés à l'Afrique) par rapport à l'Europe (d'après Dewey et coll., 1973), montrant le mouvement giratoire anti-horaire, de-180 MA à-- 53 MA, et le changement de direction, à-53 MA, enfraînant le déplacement vers le Nord-Ouest des microplaques à mouvement giratoire.