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156 - Eclogae geol. Helv., Vol.85/2, p. 327-359 (1992).

Relations entre le charriage de la Nappe de Digne et la structure de son autochtone dans la vallée du Bès (Alpes de Haute-Provence, France).

par Maurice GIDON*) et Jean Louis PAIRIS*)

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*) Université scientifique technologique et médicale de Grenoble, Institut Dolomieu, 15 rue M.Gignoux, 38031 Grenoble cedex.

FIGURES


RÉSUMÉ : Les déformations liées au charriage de la nappe de Digne sont mises en évidence et analysées dans la coupe classique de la vallée du Bès. Les structures directement induites par le passage de cette nappe n'intéressent qu'une tranche d'épaisseur hectométrique sous la surface de charriage et consistent en plis mineurs et en fractures soit extensives (de type Riedel 1) soit coulissantes. Elles ne comportent pratiquement pas d'imbrications compressives. Le charriage a été précédé en outre, au cours de la sédimentation miocène, par une déformation générale consistant surtout en un cisaillement tangentiel affectant la tranche supérieure de l'autochtone : les plis préexistants ont été rabattus vers le S et les marges du bassin de Valensole se sont renversées dans le bassin avant l'arrivée de la nappe. Dans la nappe comme dans l'autochtone des déchirures de coulissement décakilométriques ont joué un rôle non négligeable pendant ces déformations. L'antiforme de la demi-fenêtre de Barles semble résulter du cumul des déformations préalables au charriage et de celles que ce dernier a induites à ses différentes étapes, plutôt qu'à un plissement franchement postérieur.

Du point de vue cinématique et chronologique on est conduit : 1) à rejeter la notion de "phase aquitanienne" précédemment admise ; 2) à mettre en évidence le caractère progressif des déformations, qui n'ont abouti au charriage de la nappe de Digne qu'après une étape préparatoire qui a duré pendant presque tout le Miocène ; 3) à montrer que, si une interruption des déformations est peut-être intervenue à la fin du Pliocène, elle n'a pas précédé l'étape principale du charriage de la nappe de Digne.


ABSTRACT : The Digne thrust is the most prominent structure in the French Southern Subalpine Chain. It is known as a good example of a thrust-sheet partly emplaced by open-air gliding along a sole of gypsiferous Triassic beds. It has been believed that during its emplacement no deformation occurred inside the foreland. We show here that, on the contrary, it induced several kinds of structures, which developped at the expense of previous post-oligocene folds and faults.

The most recent structures appear as due to the thrusting, as they are developped only within a two hundred meters thick zone, beneath the nappe's sole and because they are all South-verging and cross-cutting pre-existing large regional folds. They consist mainly in minor folds, ten to hundred meters wide, and faults with very low angle dip, interpreted as "Riedel 1 faults". No horses nor compressional duplexes are observed.

A previous step of deformation is also documented. It consisted in a strong horizontal tightening of the cover, which characterises the Barles half-window with respect to the more western Valavoire thrust plate. This was favoured by a dextral motion, contemporaneous with the Digne thrust first motion, along the "Monges fault". This first deformation was followed or, more likely, combined with a tangential shear, acting a few hundred meters above the Bès valley level. Their effect was a southward overturning of the upper part of every fold, particularly of the Chine series and of the northern margin of the Valensole neogene basin which was progressively turned into a wide recumbent fold during the deposition of the Miocene sequences, until the very nappe's first emplacement occurred. These movements could therefore be considered as preliminary ones in a progressive phenomenon which began as early as the lower Miocene and ended during upper Miocene with the nappe's decollement and emplacement.

The thrust surface shows only one bend, which is the Barles's half-window antiforme. It is proposed that this formed mainly before the nappe's emplacement and was accentuated by late, mainly pliocene, compressions (as a consequence of shortening below the thrust), instead of resulting from a Quaternary folding stage.

On the other hand, two previously distinguished steps of the tectonic evolution of this region, the "Aquitanian phase" of folding and the "residual basin" stage (which was supposed to have occurred, before the nappe emplacement, by infilling of erosional depressions inside the Valensole basin area at the end of pliocene times) have not been confirmed in the studied area.


Table des matières :

1/ Introduction

2/ Schéma structural et chronologie des déformations

a) Le contexte régional de la demi-fenêtre de Barles.

1 - Les secteurs plus septentrionaux

2 - La demi-fenêtre de Barles

b) Les données sur la chronologie de la déformation.

1 - Chronologie du charriage.

2 - Plissement de l'autochtone

3 - Déformation de la marge nord-est du bassin de Valensole

c) L'extension et les limites de l'Unité de Chine
d) La géométrie de la nappe à la limite N de la demi-fenêtre de Barles.

3/ Les déformations de l'autochtone proprement dit.

a) Les structures d'entraînement de la rive gauche du Bès
b) Les Déformations de détail enregistrées par les grands plis régionaux.
c) Les Déformations d'ensemble des grands plis régionaux.

4/ Le rôle du charriage dans la structuration de l'Unité de Chine

a) Le concept de l'"Unité de Turriers"
b) Le chevauchement de l'Unité de Chine
c) L'interruption, vers le NW, du chevauchement de l'Unité de Chine
d) Le renversement de la série de Chine

5/ L'origine des ondulations de la nappe

a) La "synforme de La Robine"
b) L'antiforme de Barles

1 - L'inflexion d'Esclangon

2 - L'inflexion de Barles.

6/ Conclusions

a) Chronologie des épisodes tectonosédimentaires
b) Géométrie structurale
c) Déroulement des déformations


1/ Introduction

(Place de la Fig.1 et de la Fig.2)

La nappe de Digne, élément structural majeur des chaînes subalpines méridionales (fig.1 et fig.2), recouvre, au S de Digne, les conglomérats continentaux néogènes du bassin de Valensole [HAUG, 1891 et 1894 ; GOGUEL, 1939]. Vers le N (fig.2) elle s'étend au moins jusqu'au Dôme de Remollon [GIDON, 1975], secteur dans lequel il a été montré que sa microstructuration impliquait un déplacement par poussée arrière [SIDDANS, 1979].

Sous la nappe l'autochtone anténéogène est bien observable, une quinzaine de kilomètres au N de Digne, dans la "demi-fenêtre de Barles" qu'entaille la vallée du Bès (fig.3 et fig.4). Depuis la note fondamentale de GIGOT et al. (1974a) il était admis que cette nappe s'est avancée là par glissement épiglyptique, sans avoir occasionné de déformations dans cet autochtone, et que les ondulations de la surface de charriage, responsables notamment de cette demi-fenêtre témoignent d'un plissement postérieur au charriage, d'âge quaternaire. Ce sont ces interprétations qui sont reprises par la récente carte géologique LA JAVIE [HACCARD et al., 1989].

L'objet principal de la présente note est de montrer que cette région, devenue d'ailleurs classique, fournit au contraire un exemple de la diversité des structurations annexes qui sont susceptibles d'accompagner, dans l'autochtone, un charriage qui s'est effectué, comme celui-ci, dans les niveaux très superficiels. En effet on y voit des accidents directement induits par le charriage, reconnaissables aux caractères suivants : il s'agit d'accidents tardifs formés aux dépens de structures plus grandes ; ils présentent une vergence qui est à la fois particulièrement accusée et de sens conforme au mouvement de la nappe ; enfin leur fréquence et leur importance s'accroissent aux approches de la base de la nappe. En outre on montrera que plusieurs autres traits structuraux de ce secteur sont attribuables moins directement à la mise en place de la nappe, soit à titre de déformations préliminaires soit à celui de déformations concommitantes affectant l'autochtone et la nappe elle-même.

(Place de la Fig.3 et de la fig.4)

2/ Schéma structural et chronologie des déformations

Avant d'étudier les structures répondant aux critères énoncés ci-dessus, il est nécessaire de préciser que diverses retouches significatives doivent être apportées au schéma structural et au scénario cinématique le plus récemment proposé pour cette région [HACCARD et al., 1989].

a) Le contexte régional de la demi-fenêtre de Barles.

Le contexte régional [GIDON & PAIRIS, 1986b], comme les analyses microtectoniques [FAUCHER et al., 1988], indiquent que la nappe s'est déplacée essentiellement vers le SSW mais que des mouvements orientés plus vers l'W sont également intervenus localement, notamment là où elle recouvre le Néogène du bassin de Valensole.

Il faut remarquer que la coutume s'est imposée depuis plusieurs décennies de considérer que la nappe de Digne est caractérisée par sa série à Lias-Dogger épais, qui l'oppose de façon frappante à son "autochtone" (fig.2). Cette notion d'autochtone est donc toute relative car plusieurs chevauchements sont aussi présents dans les domaines à séries Lias-Dogger réduit, dits "autochtones", même s'ils sont effectivement d'une ampleur visiblement plus modeste. Ici (comme souvent ailleurs aussi) l'emploi du mot "autochtone" ne signifie donc pas qu'il n'y a pas eu de transport tangentiel. Les remarques de FRY (1979) sur la diffusion du transport tectonique entre de multiples chevauchements (notamment dans les secteurs plus septentrionaux) sont pertinentes, même s'il n'est pas toujours possible de suivre cet auteur dans son analyse des structures locales (pour plus de détails sur celles-ci voir GIDON et al., 1992).

1 - L'étude des secteurs plus septentrionaux que ceux analysés ici (fig.2) révèle que la nappe s'est partagée, lors de son charriage, en plusieurs lobes à déplacement relativement indépendant, délimités par des déchirures coulissantes à fort pendage [GIDON & PAIRIS, 1986a]. La partie plus précisément étudiée ici est celle qui a été recouverte par le lobe principal, dont le front d'érosion actuel est peu oblique par rapport au déplacement. En fait ce front d'érosion correspond d'assez près à l'une de ces déchirures, la faille de la Frayssinie, à la faveur de laquelle ce lobe s'est déplacé latéralement, vers le S, par rapport au bloc d'autochtone situé plus à l'W.

Ce bloc d'autochtone passe en continuité, du côté S, à l'"écaille de Valavoire" (ou "Lobe de Mélan-Clamensane", [GIGOT et al., 1974a]). Celle-ci est elle-même délimitée vers le S par un chevauchement sans connexion directe avec celui de la nappe mais qui a joué sensiblement en même temps.

Une telle correspondance chronologique est d'ailleurs imposée par le fait que l'écaille de Valavoire se raccorde à la série épaisse, "de la nappe", du côté N, dans la zone de hiatus de charriage du secteur de Bréziers (fig.2) : il y a là, en effet, continuité structurale entre les séries épaisses de Bréziers (seulement séparées du reste de la nappe par des failles coulissantes) et celles de Turriers, réduites et indissociables de l'écaille de Valavoire [GIDON & PAIRIS, 1986a]. Mais l'écaille de Valavoire n'a pas subi un déplacement aussi important que la nappe, d'abord parce que la limite paléogéographique entre le domaine sédimentaire à Lias épais et celui à Lias réduit y est restée en arrière d'une dizaine de kilomètres. De plus le déplacement au front de l'écaille de Valavoire est encore réduit par rapport à celui de la nappe car des plis y ont absorbé une grande partie par raccourcissement N-S (alors que de tels plis sont pratiquement absents dans la nappe, à la même latitude). Aussi le chevauchement s'y amortit-il d'W en E et s'annule au moment d'atteindre la demi-fenêtre de Barles (fig.3).

A son extrémité S, la faille de La Frayssinie se raccorde progressivement au front d'érosion du chevauchement de la nappe. Cela montre qu'elle a joué en rampe latérale, limitant du côté W le lobe principal de la nappe, de sorte que l'écaille de Valavoire n'a pratiquement pas été recouverte par le charriage [GIDON & PAIRIS, 1986a]. L'orientation de cette déchirure était, à vrai dire, oblique par rapport au mouvement de ce lobe, ce qui explique l'incurvation vers le SW du tracé de son raccord avec la surface de chevauchement et le "débordement" de la marge W du lobe principal de la nappe par dessus le bord E de l'écaille de Valavoire (fig.2).

Cette avancée en oblique de la nappe par rapport à la faille de la Frayssinie est également attestée, au sud d'Astoin, par l'analyse de la klippe du Cerveau (immédiatement au NW de Bayons, fig.2) [GIDON & PAIRIS, 1986a]. En effet cette dernière, qui est constituée de matériel emprunté à l'autochtone local, possède une surface basale qui prolonge exactement celle de la nappe, ce qui veut dire qu'elle a été détachée par l'avancée de la marge W de cette dernière. Or elle est limitée du côté NW par des accidents indiquant un coulissement latéral vers l'W-SW : son mouvement a donc été moins méridien que celui de la nappe, ce qui est attribuable à une composante transpressive exercée par le mouvement de celle-ci sur la marge E de l'écaille de Valavoire.

L'absence de recouvrement du secteur de Turriers par la nappe trouve une confirmation supplémentaire dans la présence de la klippe de l'Aubrespin [GIDON & PAIRIS, 1986a], qui est posée sur les Terres noires autochtones de ce dernier, au N d'Astoin (fig.2). En effet cette klippe est formée d'Apto-Albien et ne peut rigoureusement pas représenter, notamment pour des raisons paléogéographiques, une écaille d'autochtone traînée sous la nappe : on peut par contre envisager pour elle une origine par glissement de type collapse vers l'W, depuis les termes supérieurs de la tranche charriée, lors d'une phase d'érosion postérieure au charriage (ou même synchrone).

2 - La demi-fenêtre de Barles se caractérise par un faisceau serré de grands plis post-oligocènes (fig.3), orientés en moyenne N130°, qui reprennent en fait des plis plus anciens orientés NNE-SSW. Ce faisceau est tranché du côté ouest par un couloir N-S de fractures subverticales, l'accident des Monges, qui s'amortit en direction du S près de Lambert, dans le secteur même ou s'amortit aussi le chevauchement de l'écaille de Valavoire (fig.2 et fig.3). Plus à l'W on reconnaît bien, dans cette dernière, les prolongement des plis de la demi-fenêtre, mais ils ont un dessin sensiblement différent, indiquant principalement un raccourcissement beaucoup plus faible (fig.3 et fig.5). Cela montre que l'accident des Monges n'est pas un décrochement, postérieur aux plis, mais une déchirure à jeu synchrone de l'étape finale de déformation de ces plis.

D'autre part l'accident des Monges s'enfonce sous la nappe vers le N et ne saurait donc représenter un coulissement postérieur au charriage. Toutefois on constate au NW de Barles (environs orientaux du col de Clapouse) qu'il dénivelle brutalement la surface basale de la nappe, par abaissement de son compartiment E, et qu'à son aplomb les couches liasiques de cette dernière décrivent une flexure monoclinale orientée N-S. De plus les gypses et cargneules de la base de la nappe remplissent même la partie haute d'un graben, de largeur décamétrique, ouvert le long de l'une des cassures du faisceau de failles des Monges. Ces dispositions attestent au moins d'une certaine persistance du jeu de cet accident après même qu'il ait été recouvert par la nappe, voire même d'un fonctionnement synchrone de l'avancée de cette dernière.

De plus l'accident des Monges présente des similitudes remarquables avec la faille de La Frayssinie : il a joué comme elle, en coulissement dextre de direction N-S ; l'un comme l'autre définissent la limite E de l'écaille de Valavoire, masquée, entre Astoin et Chine, par le débordement de la nappe vers le SW ; enfin la carte (fig.2) montre que ces deux accidents se disposent d'une façon telle qu'ils devaient être connectés (au moins par relais), à la latitude de Bayons, au moins originellement, avant que le plus septentrional soit réutilisé (et tordu dans le sens horaire) lors de la mise en mouvement du front de la nappe. Il découle de ces considérations que ces deux accidents ont fonctionné de façon solidaire, en tant que déchirures parallèles au déplacement, lors des mouvements N-S post-oligocènes de la couverture, mouvements dont fait partie intégrante le charriage de la nappe. On doit donc considérer que les déformations plicatives tardives qui sont associées à leur jeu coulissant, tant dans la demi-fenêtre de Barles que dans l'écaille de Valavoire sont donc également induites par ces mouvements.

En conséquence il faut souligner d'ores et déjà que, par l'intermédiaire du jeu des grandes failles de coulissement de ce secteur, l'acquisition des particularités géométriques des plis qui caractérisent la demi-fenêtre de Barles est en relation avec le charriage.

(Place de la fig.5)

b) Les données sur la chronologie des déformations.

1 - Chronologie du charriage

Diverses données indiquent que le charriage s'est effectué en plusieurs étapes [GIDON & PAIRIS, 1988 et 1989; LABAUME et al., 1989], dont la dernière a fait avancer la nappe, au S de Digne, sur la surface de colmatage du bassin de Valensole d'age fini-pliocène [GUÉRIN et al., 1970 ; JORDA, 1983 ; COMBES, 1984, JORDA et al., 1988]. Toutefois cette phase tardive concerne essentiellement le lobe le plus oriental de la nappe (lobe de Cousson), qui a alors été désolidarisé du lobe de La Robine par la faille du Bès [GIDON & PAIRIS, 1988]. D'autre part aucune donnée (et notamment aucune datation) ne permet d'attribuer le même age au sommet des formations néogènes du secteur étudié ici. Au contraire des niveaux de marnes jaunes, interstratifiés une centaine de mètres sous le contact basal du lobe de la Robine (au col d'Ainac, au SW de Lambert), dans les couches les plus élevées des conglomérats de Valensole de ce secteur, ont été datés du Miocène moyen (Serravallien) [CLAUZON et al., 1987] : compte tenu du fort taux de sédimentation qui caractérise ces formations il en résulte qu'ici l'arrivée de la nappe doit avoir eu lieu avant la fin du Miocène.

(Place de la fig.6)

2 - Plissement de l'autochtone

Il avait été admis [GRANDJACQUET et al., 1972, GIGOT et al., 1974a ; HACCARD et al., 1989] qu'il y avait dans cette région une discordance des terrains néogènes sur les molasses rouges de l'Oligocène, plissées et schistosées. De fait les terrains tertiaires des synclinaux plus septentrionaux que celui d'Auribeau sont seulement des molasses continentales oligocènes et aquitaniennne. Mais si les termes aquitaniens de ces dernières s'y appuient parfois directement sur des terrains anté-cénozoïques cela n'est du qu'à un onlap de la série sur des reliefs structuraux hérités de la phase de plissement anté-oligocène. Cette disposition, très bien caractérisée, a pour résultat que seuls les termes élevés de la succession ont ennoyé les voûtes anticlinales (fig.6). D'autre part les plis décamétriques qui se rencontrent par place dans les molasses rouges (notamment au nord et au sud des ruines d'Esclangon) ne sont pas cachetés par l'Aquitanien mais s'y amortissent par plissement disharmonique [GIDON, 1989]. Enfin la schistosité de plan axial des plis post-oligocènes ne saurait être anté-aquitanienne : en effet on l'observe encore dans les molasses marneuses aquitaniennes, jusqu'à la base des molasses très calcaires du Miocène marin et même, plus haut, dans les niveaux miocènes les plus marneux (sa disparition apparente vers le haut n'est donc due qu'aux changements de nature de la roche). En définitive rien ne justifie donc de distinguer une phase anté-aquitanienne de plissement.

3- Déformation de la marge nord-est du bassin de Valensole

Les couches du Miocène proprement dit, qui ne sont présentes que dans le plus méridional des plis de la demi-fenêtre de Barles (ou synclinal d'Auribeau), ont enregistré de nombreux témoignages d'activité tectono-sédimentaire (fig.6). Ces derniers confirment que ce pli correspond bien à la marge septentrionale du bassin néogène de Valensole, et s'est formé par soulèvement progressif des reliefs bordiers de ce bassin. Toutefois une analyse plus approfondie montre qu'il faut distinguer là deux secteurs, dont l'évolution a été notablement différente :

- En rive droite du Bès, au NW de Tanaron (fig.3), l'évolution s'inscrit dans le cadre du plissement général, d'axe E-W. Les manifestations tectono-sédimentaires n'apparaissent qu'à la fin du Miocène marin, dans le flanc nord du synclinal d'Auribeau. Elles se limitent à des biseaux de discordance progressive, d'ailleurs de plus en plus marqués sur le tard, au cours du dépôt des couches continentales de la formation de Valensole. Les apports olistolitiques vrais (englobés de toutes parts dans la sédimentation) y sont inconnus, sauf peut-être tout à fait au sommet de la série continentale, sous les contacts tectoniques de base de la nappe.

- En rive gauche du Bès, dans le secteur d'Esclangon (fig.3), ainsi qu'en rive droite, dans le secteur de Tanaron, l'activité tectono-sédimentaire est plus précoce, plus intense et plus complexe.

Elle débute, dès le début du Miocène marin, par de spectaculaires biseaux de discordance progressive. Ces biseaux se fermaient initialement vers le SE (avant leur renversement) et s'inscrivent donc dans un rebroussement progressif des couches vers le NW, autour de l'axe SW-NE d'un "synclinal d'Esclangon" (fig.6). Il faut évidemment les interpréter comme le résultat d'un basculement vers l'W-NW de la marge E du bassin.

La fin du dépôt du miocène marin, récemment datée ici même du Langhien terminal (CRUMEYROLLE et al, 1991) coïncide là avec la rupture du flanc E du synclinal d'Esclangon, ce qui se traduit par le chevauchement vers le NW d'une "écaille d'Aiguebelle" [GIDON, 1989] (= [pro parte] "écaille d'Esclangon" [HACCARD et al., 1989]) à matériel de Molasse rouge autochtone. Le front de cette unité se dilacère vers le NW, en olistolites, dans les premières couches continentales pour constituer ici une "formation olistolitique", qui s'imbrique ou passe latéralement vers le NW (dès ses niveaux inférieurs) à la formation conglomératique de Valensole [PAIRIS & GIDON, 1987]. L'origine sud-orientale des apports, qui persiste d'ailleurs dans toute la formation olistolitique, est confirmée à la fois par les particularités stratigraphiques de plusieurs olistolites, qui n'autorisent pas à leur accorder une origine septentrionale, et par l'association de certains autres à des microstructures intraformationnelles à vergence W à NW [PAIRIS & GIDON, 1987].

Cette interprétation diffère sensiblement de celle de GIGOT et al. [1974a] (reprise par la notice de la feuille LA JAVIE) qui considère que les arrivées d'olistolites proviennent du N et correspondent seulement au remplissage tardif (lié à un comblement messinien) d'un "bassin résiduel", ouvert ici dans la formation néogène de Valensole par une érosion continentale qui serait intervenue entre le colmatage du bassin et l'arrivée de la nappe.

Par leur vergence, dirigée presque à l'opposé du futur mouvement de la nappe, les structures synsédimentaires du secteur d'Esclangon s'avèrent être sans rapport direct avec la structuration par plis d'axes E-W du reste de l'autochtone. Elles sont en fait induites par le fonctionnement précoce d'un accident subméridien qui délimitait le bassin du côté E et qui est actuellement masqué sous la nappe. Celui-ci était vraisemblablement une faille parallèle à celle de la Frayssinie et de Monges, peut-être celle-là même dont l'activité lors des étapes tardives du charriage s'est exprimée par la déchirure de la nappe décrite sous le nom de "faille du Bès" (fig.3 et fig.4) [PAIRIS et al., 1987].

Pendant le dépôt des conglomérats de Valensole, le dispositif structural du secteur d'Esclangon-Tanaron s'est encore compliqué par l'enroulement du synclinal d'Esclangon autour d'un pli N130°, l'"anticlinal du Martelet" [PAIRIS et al., 1987]. Ce dernier ne représente qu'un repli du synclinal d'Auribeau, visiblement induit par la présence du synclinal d'Esclangon (antérieur et transversal au nouveau plissement). Il s'amortit, vers l'W, ainsi que vers le haut, au sein de la formation de Valensole (fig.6) .

Le résultat est une structure remarquable, apparemment annulaire (fig.7), désignée sous le nom imagé de "vélodrome" par GIGOT et al. [1974a], qui constitue la terminaison du synclinal d'Auribeau du côté E. Il est important de noter que cette structure n'affecte pas les conglomérats de Valensole de rive droite du Bès, sous lesquels le synclinal d'Esclangon, qui en est l'élément essentiel, s'ennoie notamment et disparaît par cachetage (fig.6).

(Place de la fig.7)

c) L'extension et les limites de l'Unité de Chine

Intercalée entre la nappe et le véritable autochtone, sur la marge nord de la demi-fenêtre de Barles, cette unité est séparée du reste de l'autochtone par un chevauchement qui passe essentiellement au sein des Terres noires. Le tracé exact, l'importance et la signification de ce chevauchement seront discutés plus loin.

L'Unité de Chine proprement dite est constituée par une série renversée, allant du Trias terminal aux Terres noires. Elle est disposée subhorizontalement sur près de 4 km dans le sens NE-SW et se raccorde du côté NE, par un ploiement antiforme, avec l'autochtone vertical de Barles (fig.8). Elle se prolonge en outre vers le SE, sans discontinuité, par une lame de Mésozoïque et de Molasse rouge (toujours en série renversée) épaisse d'une centaine de mètres. Cette lame s'intercale sur plus de 3 km, en rive gauche du Bès, entre la nappe et l'autochtone (fig.3) et mérite de ce fait le nom d'"Unité intermédiaire" [GIDON, 89]. Les auteurs de la carte [HACCARD et al., 1989] y voient un témoin du remplissage de leur "bassin résiduel" pliocène. Cette interprétation n'est pas fondée car on n'y trouve aucune trace de terrains néogènes et la structure de cette unité n'a nullement l'aspect chaotique d'un olistostrome (fig.9).

Du côté W, le chevauchement de l'Unité de Chine se connecte latéralement avec la plus orientale des failles verticales du faisceau de l'accident des Monges. On voit en effet, au NW du col de Baran, que l'on passe de l'un à l'autre par un dispositif en marches d'escalier, avec des stries parallèles, faiblement inclinées et dirigées vers le S, aussi bien sur les tronçons de fractures horizontaux que sur ceux subverticaux. L'accident des Monges correspond donc à un coulissement contemporain du chevauchement de l'Unité de Chine. Il a joué, vis-à-vis de cette dernière, le rôle d'une rampe latérale, qui a permis son déplacement autonome, vers le S, par rapport à l'écaille de Valavoire (de la même façon que la faille de La Frayssinie vis-à-vis du lobe principal de la nappe).

(Place de la fig.8)

d) La géométrie de la limite N de la demi-fenêtre de Barles.

Au N de Barles se pose la question du tracé de la base de la nappe et de l'appartenance, à la nappe ou à l'Unité de Chine, des affleurements de terrains antéliasiques de la boutonnière anticlinale des Clues de Verdaches (fig.2 et fig.3). La plupart des auteurs (et notamment ceux de la carte [HACCARD et al., 1989]) les ont considéré comme le soubassement stratigraphique de l'Unité de Chine et font passer la surface de chevauchement dans le niveau du Keuper qui les sépare du Lias de la nappe. En fait rien n'incite à croire que le décollement qui marque, plus au S, la base de la nappe se poursuive dans ce niveau. En effet ce Keuper présente toutes les apparences d'une concordance stratigraphique tant avec le Lias de la nappe qu'avec le Trias sous-jacent : il présente une épaisseur très régulière, ne montre aucune tectonisation apparente et ne contient en outre pratiquement pas de gypse.

Par contre une large bande de gypses sépare le Lias de l'Unité de Chine des terrains de la boutonnière de Verdaches. En outre seuls de ces gypses ceux affleurant au S d'une ligne E-W passant par Barles ont conservé un litage régulier et se montrent en parfaite continuité stratigraphique avec le Rhétien et l'Hettangien de l'Unité de Chine. Au contraire les gypses qui affleurent plus au N (dans la butte de Pégneli et le talweg du Val Haut) ont des litages désordonnés et contiennent des amas de cargneules et des panneaux de dolomies triasiques de taille hectométrique. Ils constituent ce qui sera appelé ici le complexe chaotique de Barles.

Ce complexe a été interprété comme un témoin du remplissage d'un "bassin résiduel" fini-miocène [GIGOT et al., 1974a]. En fait il ne montre aucun indice sédimentologique convaincant en faveur de cette hypothèse d'une origine par resédimentation : en particulier la présence locale de galets arrondis dans les cargneules (mais jamais dans le gypse) parait dûe à un remaniement quaternaire, car le matériel cargneulique a migré sur les pentes au point de recouvrir en plusieurs points de basses terrasses alluviales du Bès ; d'autre part les panneaux exotiques forment le plus souvent des lames subverticales, disposées parallèlement aux épontes du complexe.

A cela s'ajoute le fait que la cartographie montre, en rive gauche du Bès (fig.8), que ce complexe chaotique s'engage tectoniquement, vers le bas, sous les dolomies triasiques du flanc S de l'anticlinal de Verdaches tandis qu'il se raccorde, vers le haut, aux cargneules du Pas de Blayeul (qui jalonnent la base de la nappe). Tout cela conduit à voir là le produit d'une tectonisation et à le considérer ce complexe chaotique de Barles comme le coussinet tectonique basal de la nappe, riche en gypses accumulés par bourrage tectonique dans un espace ouvert entre la base de la nappe et la semelle liasique de l'Unité de Chine.

Il en découle en outre que la surface de chevauchement dessine ici une rampe qui l'amène à s'enfoncer plus bas dans la pile stratigraphique, sous le matériel de l'anticlinal de Verdaches, sans doute jusque dans le socle. Les terrains de la boutonnière de Verdaches doivent donc être rattachés à l'ensemble charrié.

Cette circonstance permet de comprendre la présence des lambeaux décamétriques de micaschistes observables dans les cargneules du Pas de Blayeul [GIGOT et al., 1974a]. Celle-ci est totalement énigmatique dans l'hypothèse de la poursuite, au N de Barles, de la surface basale de nappe dans les niveaux du Keuper. Par contre, si cette rampe seprolonge en profondeur jusqu'au socle cristallin, on comprend que des copeaux de celui-ci aient été détachés et ensuite remontés au sein du complexe chaotique de Barles.

(Place de la fig.9)

3/ Les déformations de l'autochtone proprement dit.

a) Les structures d'entraînement de la rive gauche du Bès

La rive gauche du Bès est le secteur le plus favorable pour l'étude des déformations induites par le passage de la nappe car c'est le seul où l'on puisse suivre la surface de chevauchement à peu près en continu sur 5 km, depuis la Colle du Chateau jusqu'à Esclangon.

La base de la nappe elle-même, soulignée par une lame plurimétrique de cargneules à passées gypseuses, ne montre aucune structure significative. Par contre d'intenses déformations cisaillantes se concentrent dans une tranche épaisse d'une centaine de mètres, d'ailleurs nettement inclinée vers l'E, qui englobe l'"Unité intermédiaire" et l'interface entre cette dernière et l'autochtone (constitué ici de molasses rouges oligocènes). L'analyse y révèle une superposition de plusieurs types de structures (fig.9) dont les deux premiers sont bien représentés et les deux derniers plus exceptionnels :

- des failles presque plates, pentées en moyenne de 30 à 40° vers le SW et porteuses de stries orientées en moyenne N210°. Elles ont un rejet d'amplitude variable (de 1 à 100 m.), de type normal, le compartiment supérieur étant abaissé en même temps que rejeté vers le SSW. Elles s'amortissent vers le bas, en général au voisinage de l'interface entre Unité intermédiaire et autochtone. Vers le haut elles se connectent à la surface basale de la nappe, sans qu'aucune ne la décale. Cela conduit à les considérer comme des failles de Riedel "R1" et elles seront donc désignées dans la suite de ce texte comme les "Riedels de la nappe".

- des failles subverticales, ou à pendage SE plus ou moins fort, d'azimut NNE et à rejet dextre. En fait ces fractures, porteuses aussi de stries N210° inclinées en moyenne de 30° vers le SSW, passent latéralement, en continu par réduction de leur pendage, aux Riedels de la nappe. Cela indique que le cisaillement qui les a induit comportait une composante de mouvement coulissant subhorizontal ("décrochevauchement") par rapport à la surface basale, inclinée vers l'E, de la nappe. Ce mouvement latéral semble d'ailleurs prendre souvent le pas sur le mouvement tangentiel, par exemple dans les ravins situés immédiatement au SE de la Colle du Chateau, où précisément la surface de charriage s'infléchit autour de la voûte de l'anticlinal de la Grande Cloche (indiquant par là que cette dernière devait constituer un relief lors de la progression de la nappe).

- des plis décamétriques couchés, relativement fermés. Dans l'Unité intermédiaire ils ont un dessin "en Z", ce qui correspond à une vergence sud, compte tenu de l'orientation du versant. Dans les molasses rouges oligocènes et à la base de l'Unité intermédiaire ces microplis décamétriques voient leurs flancs inverses se biseauter sur la surface de chevauchement de l'Unité intermédiaire et ont donc le dessin d'autant de crochons d'entraînement par un cisaillement tangentiel vers le S (fig.9 C et E).

D'autre part la schistosité des molasses rouges, faiblement pentée vers le N et d'azimut moyen N120° est de plan axial pour ces plis. A proximité du chevauchement de l'Unité intermédiaire cette schistosité est de plus en plus fine et serrée et se montre abondamment recoupée par des plans de fracture mineurs, selon un schéma analogue à celui, classique, des "textures S/C" (de plus, d'autres clivages schisteux, de développement plus local, sont induits par le jeu de ces microfailles secondaires). Globalement ces microstructures traduisent un cisaillement orienté N210°, avec compartiment supérieur se déplaçant vers le S.

- des plis décamétriques ouverts, à dessin "en S". Compte tenu de l'orientation du versant ce dessin indique un sens de cisaillement inverse de celui induit par le charriage. Ces plis sont tout à fait comparables aux plis de même vergence que l'on rencontre partout dans le Dogger de l'Unité de Chine, où ils sont enroulés par le renversement de cette unité (fig.10A). Les uns et les autres sont donc nettement antérieurs au charriage et avaient en gros, avant renversement, une vergence vers le nord.

Au total les trois premières variétés de structures constituent visiblement une gamme de déformations attribuables à l'avancée de la nappe. Il est notable que ce cisaillement n'a pas créé ici une zone d'imbrications compressives du type "duplex". Au contraire l'"Unité intermédiaire" est une zone d'extension horizontale dont les éléments finissent par être disjoints par la fracturation et isolés en blocs-klippes (tels ceux, particulièrement spectaculaires, du sommet du ravin d'Aiguebelle, à l'E des ruines du village d'Esclangon).

(Place de la fig.10)

b) Les déformations de détail enregistrées par les grands plis régionaux.

Les grands plis E-W sont affectés en plusieurs points par des structures décamétriques à hectométriques, qui ont toutes une vergence S et dont l'analyse révèle le caractère tardif. Celles-ci se limitent à la tranche la plus élevée de l'édifice structural visible en rive droite du Bès, ce qui conduit à les considérer comme des structures d'entraînement sous la nappe, comparables à celles décrites sous cette dernière en rive gauche (cela suggère d'ailleurs que la surface basale de la nappe devait correspondre, à peu de chose près, à la courbe enveloppe des crêtes actuelles). On peut y distinguer :

- Des plis déversés à vergence S.

Certains affectent des couches antérieurement renversées, ce qui en souligne le caractère très tardif. C'est le cas de plusieurs des plis décamétriques de l'Unité de Chine, aussi bien dans le Dogger que dans Lias (fig.10A). D'autres affectent les plis mineurs, également renversés, du Tithonique du flanc sud de l'anticlinal de La Maurière (notamment au Mourre du Barri) [GIDON, 1989]. Ils se manifestent par une torsion vers le S, et même la rupture en plis-failles d'antiformes de série renversée (fig.11). Enfin c'est également le cas, au NW de Tanaron, pour la synforme déversée vers le sud qui reploie le Miocène marin de la lame de La Fubi (fig.10B).

- Des failles inverses à faible pendage N, mais à vergence S.

On les voit particulièrement bien dans le versant sud de la Grande Cloche (fig.12). Elles sont post-oligocènes et sectionnent franchement les flancs de plis, alors que ceux-ci ont un style souple avec plis secondaires "en feuille de chêne" (qui est probablement hérité de leur première phase anté-oligocène, de plissement). Elles contribuent pour une bonne part au déversement du pli vers le S. Leur effet étant assez comparable à celui des accidents précédents il est à présumer que leur origine est sans doute analogue, témoignant d'une déformation tardive en cisaillement vers le S. Toutefois on les observe jusqu'à des niveaux assez profonds de la structure (par exemple au sommet des abrupts des Clues de Barles) ce qui porte à les associer plutôt au cisaillement d'ensemble décrit plus loin.

- Enfin (et surtout) des failles que leur faible pendage sud et leur rejet extensif conduisent à attribuer à des "Riedels de la nappe".

Elles sont nombreuses dans les Barres de Chine (fig.10A) : elles y recoupent les structures, préalablement renversées, que sont les failles synsédimentaires datant du Lias-Dogger et les microplis, à vergence originelle vers le N, qui affectent surtout le Dogger mais aussi le Tithonique ( La Petite Cloche : fig.13).

Le flanc N du synclinal d'Auribeau est aussi l'objet d'un découpage par des failles de ce type. Ce sont elles qui sont à l'origine du détachement des copeaux plurihectométriques de la Coustagne et de la Fubi (fig.10B) : en effet on ne peut pas considérer ces derniers comme de véritables olistolites car ils reposent sur les conglomérats par une surface tectonique nette, sous laquelle les couches sont renversées par des crochons synclinaux couchés ouverts vers le S (qui indiquent donc un déplacement du N vers le S). De plus ce contact basal passe, vers le N, entre La Pousterle et Lambert, à une famille de failles normales à pendage S qui tranchent le Miocène renversé du flanc N du synclinal : bien que leur pendage soit là relativement fort, elles devaient, comme il convient pour des Riedels de la nappe, ne faire qu'un angle aigu avec la surface de charriage, puisque le plongement de celle-ci, vers le S, était ici nécessairement assez fort (fig.10B), conformément à ce qui se passe sur l'autre rive du Bès à la même latitude, d'ailleurs.

Ces masses exotiques ont en fait une situation structurale très analogue à celle des lambeaux de l'Unité intermédiaire qui affleurent sur l'autre rive du Bès. Leurs crochons basaux sont très comparables aux plis d'entraînement qui affectent la Molasse rouge en rive gauche du Bès. Cela porte donc à y voir, de la même façon, des structures résultant du même mécanisme d'entraînement sous la nappe. La différence est qu'elles ont été arrachées aux reliefs qui frangeaient le bassin de Valensole du côté nord et poussées dans le bassin encore en cours de sédimentation.

C'est à cette circonstance que l'on doit attribuer le fait que l'extrémité distale (SW) de la masse de La Fubi est recouverte (aux environs de Pudoyer) par quelques bancs de conglomérats de Valensole. Ces derniers s'engagent et se terminent rapidement sous les lames tectoniques, à matériel d'abord jurassique puis triasique, qui s'intercalent ici sous la base de la nappe (fig.10B).

Cela implique que l'arrivée de la nappe a donc eu lieu ici pendant le Miocène moyen, ou au pire peu après (puisque, comme déjà dit plus haut, l'age des couches datées, non loin de là, une centaine de mètres sous le contact de la nappe est serravallien [CLAUZON et al., 1987]). L'absence de hiatus chronologique entre le renversement synsédimentaire des dépôts de la formation de Valensole et le chevauchement de cette lame est également indiqué par le passage parfaitement continu entre ses crochons basaux et le reste du plissement des couches dans le synclinal d'Auribeau (fig.6).

Place des fig.11, 12 et 13

c) Les déformations d'ensemble des grands plis régionaux

On a vu que les particularités de la forme des plis de la vallée du Bès, par rapport à celle de leurs prolongements occidentaux appartenant (de l'autre côté de l'accident des Monges) à l'écaille de Valavoire devaient être attribuées à l'influence du charriage sur ce seul secteur oriental. Ces modifications de leur dessin en coupe, propres à la demi-fenêtre de Barles, sont de deux sortes (fig.3 et fig.5) :

- Ces plis ont une longueur d'onde beaucoup plus courte. Cela veut dire qu'à l'E de l'accident des Monges (et à la faveur du jeu coulissant de ce dernier) la couverture a subi un raccourcissement beaucoup plus important qu'à l'W [EHTECHAMZADEH-AFCHAR & GIDON, 1974]. Il faut probablement y voir un effet de compression dû à l'avancée de la dalle peu plissée du corps de la nappe, avant que celle-ci se détache et parte en charriage (alors qu'à l'W de l'accident des Monges la même tranche de terrains était à la fois moins poussée par l'arrière et libre de s'avancer en chevauchement vers le S).

- Ils sont affectés d'un déversement général, plus accusé, vers le S. Celui-ci se limite en fait à leurs seules parties hautes, leur plan axial basculant d'autant plus vers le S que l'on se trouve plus haut. La charnière de ce basculement, très ouverte et à plan axial subhorizontal, se suit, d'un bout à l'autre de la coupe du Bès, à une altitude à peine supérieure à celle du fond de la vallée (fig.5 et fig.10). Elle définit un vaste pli couché, à plan axial subhorizontal, qui reploie tous les plis postoligocènes de la vallée du Bès. En fait ce basculement n'est autre que celui qui affecte le flanc nord du synclinal d'Auribeau et qui a abouti à son renversement (fig.6).

Cette déformation s'est donc produite progressivement au cours du Miocène, préalablement au charriage proprement dit. Mais elle n'en consiste pas moins en un cisaillement tangentiel régional de vergence identique à celui du charriage de la nappe de Digne. De plus les lambeaux chevauchants découpés par les Riedels de la nappe dans le Miocène marin (déjà renversé) du flanc N du synclinal d'Auribeau (La Fubi) rebroussent les conglomérats de Valensole en crochons qui s'inscrivent sans discontinuité dans le renversement progressif de la charnière du synclinal (fig.6). Enfin on a vu plus haut que le contexte régional fournit de fortes présomptions pour qu'il ait des relations génétiques avec lui. Il est donc justifié de penser qu'au plan chronologique ces relations consistent simplement en un passage du simple basculement à une rupture correspondant à la mise en mouvement de la nappe (cette dernière représentant le flanc normal d'un anticlinal rompu aux abords de sa charnière). Ce cisaillement régional a donc la signification d'un long prélude au charriage.

4/ Le rôle du charriage dans la structuration de l'Unité de Chine

La manière de voir qui a été le plus souvent retenue, à la suite de Gigot et al. (1974b), envisageait ce rôle de deux façons : la première est que l'Unité de Chine ne serait qu'un fragment d'une unité allochtone de plus grande extension, l'"Unité de Turriers" (que l'on représente alors comme une écaille entraînée sous la nappe) ; la seconde est que son renversement aurait été antérieur au charriage de la nappe de Digne, donc totalement indépendant de ce dernier [GIGOT et al., 1974a ; HACCARD et al., 1989]. Outre que ces deux manières de voir sont plutôt contradictoires, diverses données s'inscrivent à l'encontre de l'une et l'autre de ces conceptions :

a) Le concept même d'une "Unité de Turriers" n'est pas conforme aux données de terrain, là même où elle a été définie. En effet dans ces secteurs plus septentrionaux que celui de Barles, aux abords de Turriers et de Bayons (fig.2) les éléments qui ont été considérés comme des klippes de cette unité ne correspondent là qu'à des chevauchements mineurs ou à des renversements locaux, d'origine et de situation d'ailleurs fort disparates [ARNAUD et al., 1977]. De plus ces prétendus éléments flottants ne sauraient avoir été entraînés là sous la nappe de Digne puisque, dans le secteur en question, il n'y a non seulement aucun chevauchement de la nappe mais encore continuité sans chevauchement entre les terrains de la nappe qui affleurent à Bréziers et ceux, considérés comme son autochtone relatif, qui se rattachent à l'écaille de Valavoire dans les environs de Turriers [GIDON & PAIRIS, 1986a].

D'autre part la présence du Nummulitique marin a été considérée comme un trait stratigraphique commun, justifiant de rassembler ces éléments tectoniques disparates en une seule unité [GIGOT et al., 1974b]. Or cet argument n'est pas valable puisque plusieurs de ces éléments ne montrent pas de Tertiaire et que le Nummulitique marin existe par ailleurs aussi dans leur autochtone. Cet argument ne saurait, en tous cas, être invoqué pour l'Unité de Chine puisque cette dernière ne possède au contraire que du Paléogène continental (représenté surtout par les molasses rouges de l'Unité Intermédiaire).

b) Le chevauchement de l'Unité de Chine proprement dite ne présente aucun caractère qui incite à y voir un accident majeur, d'importance régionale.

Son tracé cartographique est assez différent de celui adopté par la feuille LA JAVIE (tracé qui correspond en fait à une faille restée cachetée depuis l'Oligocène [GIDON, 1982]). Une cartographie des divers niveaux stratigraphiques des Terres noires conduit en effet à localiser ce chevauchement beaucoup plus au NE, et à lui faire franchir le Bès moins de 1,5 km au SW de Barles : en effet on le repère en rive droite du Bès, dans le ravin du Forest, où il fait reposer du Callovien renversé sur de l'Oxfordien à l'endroit qui se rebrousse en crochon (fig.10A). Il en découle que cette surface de chevauchement décrit le même ploiement antiforme que le reste de l'unité elle-même : bien loin de rejoindre vers le N la surface de chevauchement de la nappe pour s'y connecter, le chevauchement de l'Unité de Chine se prolonge donc sans doute en profondeur vers le S (fig.10A).

Cette géométrie plaide en faveur d'une origine par renversement, avec l'Unité de Chine, d'un accident antérieurement formé. Si tel a bien été le cas, une construction simple montre que cette surface, actuellement chevauchante, devait avoir un pendage sud très redressé et un rejet originel de faille normale, à compartiment S abaissé, lorsque la série de Chine était à l'endroit.

Or de nombreuses failles normales cachetées par l'Oligocène puis pliées par les serrages ultérieurs sont connues dans ce secteur [GIDON, 1982]. D'autre part il est de fait qu'à l'Oligocène l'Unité de Chine semble avoir constitué un domaine relativement surélevé par rapport à celui qu'elle chevauche maintenant. En effet les témoins de conglomérats de la molasse rouge y transgressent en général sur des terrains plus anciens que ceux présents sous son chevauchement. Par exemple, à la Petite Cloche (fig.13) ces conglomérats sont en contact stratigraphique direct sur le Tithonique (le tout étant renversé) alors que l'Apto-albien est présent, sous des conglomérats analogues, dans le compartiment chevauché. De même, à la Colle du Chateau (en rive gauche du Bès), des molasses rouges directement transgressives sur les Terres noires (et renversées avec elles) chevauchent en plusieurs points des conglomérats autochtones qui reposent au contraire sur du Berriasien.

Tout cela porte à ne voir dans le chevauchement de Chine que le résultat de la transformation en chevauchement, sous l'effet du cisaillement miocène vers le S, d'une simple faille normale anté-oligocène. A cet égard encore rien n'impose de séparer l'Unité de chine, en tant qu'entité distincte, du reste du flanc N du synclinal des Sauvans (et d'Esparron).

c) L'interruption, vers le NW, du chevauchement de l'Unité de Chine correspond à sa connexion sur l'accident des Monges.

On a vu que les rapports entre les structures de la demi-fenêtre de Barles et l'Écaille de Valavoire amènent à considérer que l'Unité de Chine, comme les plis plus méridionaux, a dû être détachée de ses prolongements occidentaux et déplacée vers le S à la faveur de la déchirure coulissante des Monges. Il est de fait qu'à l'W de cette dernière, mais 10 km plus au N, on reconnaît sans peine le prolongement de l'Unité de Chine, aux environs d'Astoin, dans les affleurements des Tourniquets. Ces derniers sont en effet constitués par une série liasique très analogue à celle de Chine et qui est également rebroussée vers le S sous le front d'érosion de la nappe [EHTECHAMZADEH-AFCHAR & GIDON, 1974]. Comme ces affleurements appartiennent sans conteste au flanc N du synclinal d'Esparron il en découle que l'Unité de Chine représente une simple portion du flanc N du synclinal des Sauvans, prolongement de celui d'Esparron du côté est de l'accident des Monges,

De plus ces affleurements des Tourniquets d'Astoin sont bien tranchés, sur leur limite orientale, par la déchirure dextre de la faille de la Frayssinie [GIDON & PAIRIS 1986a], dont on a vu qu'elle avait fonctionné, notamment lors du charriage, de la même façon que l'accident des Monges, avec lequel elle devait se connecter au moins originellement (fig.2).

d) Le renversement de la série de Chine est le trait le plus frappant de la structure et du paysage des environs de Barles. Il a été considéré comme le résultat d'un épisode précoce, indépendant du charriage, dont il aurait été séparé par une phase de sédimentation à l'air libre [GRANDJACQUET & HACCARD, 1973 et 1975]. A l'occasion de cette dernière, la série renversée aurait été cachetée par le complexe chaotique à matrice gypseuse de Barles, représentant le remplissage du "bassin résiduel". Or cette interprétation s'appuie sur des arguments qui, pour plusieurs raisons, ne sont pas recevables [ARNAUD et al., 1976, DEBELMAS et al.,1978] :

- d'abord (comme déjà dit plus haut) les panneaux dolomitiques hectométriques inclus dans le complexe de Barles sont noyés dans des gypses qui passent transitionnellement au reste du Trias et ils sont souvent disposés de façon subverticale. Cela ne plaide pas en faveur de l'hypothèse d'une arrivée d'olistolites dans des gypses resédimentés au Messinien.

- ensuite les sédiments à litages fluviatiles et ciment de matériel cargneulique, qui ont été présentés comme la preuve d'un épisode d'érosion anté-nappe à l'air libre [GRANDJACQUET & HACCARD, 1973], s'avèrent être plus vraisemblablement attribuables à des dépôts de remaniement récent, du type de ceux connus en de nombreux autres secteurs des Alpes [JEANBOURQUIN, 1988]. Il s'agit tantôt de brèches de pentes, à ciment de cargneule régénérée et à litage parallèle à la topographie quaternaire (notamment en contrebas sud du Pas de Blayeul), tantôt de coulées cargneuliques remaniant des cailloutis de terrasses quaternaires (rive droite du Bès en amont de Barles), tantôt encore de remplissages de cavités karstiques (notamment à Astoin).

En outre on ne peut observer nulle part que ces dépôts soient vraiment engagés sous la nappe. Par exemple on ne les trouve pas au Pas de Blayeul même (où l'on peut observer en détail le contact basal de la nappe), mais nettement en contrebas de ce dernier, surtout dans le versant sud de la montagne, où ils cachètent d'ailleurs les failles de la famille des "Riedels de la nappe" (fig.8). Ils sont donc vraisemblablement tardifs par rapport à l'arrivée de la nappe et à son érosion. Au demeurant leur recouvrement éventuel par la nappe trouverait une explication simple dans la remise en mouvement de cette dernière : en effet le dernier épisode de charriage reconnu est suffisamment tardif (fini-pliocène) pour qu'un épisode d'érosion l'ait séparé des mouvements d'arrivée de la nappe dans la région de Barles, d'age miocène moyen-supérieur.

Enfin le renversement de l'Unité de Chine n'est pas si singulier qu'il mérite une explication particulière : il s'intègre en effet simplement dans le basculement général vers le S qui affecte tous les plis du secteur. De plus il n'est pas surprenant que le renversement de cette unité soit particulièrement accentué, ni que cette unité ait été étirée en tronçons (dans l'"Unité intermédiaire", au NE d'Esclangon) puisque c'est elle qui a supporté le plus directement, en tant qu'élément supérieur de l'édifice autochtone, l'effet d'entraînement lié au passage de la nappe.

En définitive il n'y a pas de raison de voir dans l'Unité de Chine un témoin d'une unité exotique, d'origine plus ou moins lointaine. Il s'agit seulement d'une portion du flanc N du synclinal d'Esparron, délimitée originellement par des failles, qui a été détachée de ses prolongements occidentaux par les coulissements associés au déplacement du lobe majeur de la nappe le long de sa rampe latérale (faille de la Frayssinie) avant de subir de plein fouet le cisaillement tangentiel induit par le charriage lui-même.

5/ L'origine des ondulations de la nappe

Pour les auteurs de la carte [HACCARD et al., 1989] deux ondulations, la synforme de La Robine et le bombement antiforme de Barles, affectent l'ensemble de la nappe et de l'autochtone et s'expliquent par des mouvements quaternaires. Si cette interprétation est cohérente avec l'âge très récent, plio-quaternaire qu'ils attribuent à la mise en place de la nappe il faut toutefois remarquer que cet argument chronologique est caduc : en effet on a vu plus haut que seuls les derniers mouvements de charriage sont de cet âge et qu'en ce qui concerne le secteur qui nous intéresse l'arrivée de la nappe n'est vraisemblablement guère plus récente que le Serravallien.

a) La "synforme de La Robine"

Autour de La Robine la disposition des couches jurassiques dessine un large synclinal, ce qui porte à croire qu'une inflexion synforme analogue affecte aussi la surface basale de la nappe. Pourtant, si l'on suit cette surface le long de la lisière NW du lobe de La Robine, on ne lui voit dessiner aucune inflexion notable (pas plus d'ailleurs que le Néogène sous-jacent) : au contraire, son altitude s'abaisse assez régulièrement entre les abords de Lambert et ceux de Digne.

En réalité en atteignant le flanc S du synclinal de La Robine on quitte simplement la zone où les couches de la nappe ne manifestent que de larges ondulations pour pénétrer dans celle où elles sont affectées de plis de plus en plus serrés, en se rapprochant du front d'érosion méridional du lobe de La Robine. Mais rien n'indique qu'il y ait là une remontée de la surface basale de la nappe vers le S. Au contraire on a montré [GIDON & PAIRIS, 1989] qu'au S et à l'W de Digne, à la différence de ce qui se passe au SE de Digne (dans le lobe de Cousson, fig.3) le front de la nappe s'enfonce sous les termes supérieurs de la sédimentation du bassin de Valensole et que le chevauchement, très redressé, du Lias du lobe de La Robine sur la formation de Valensole supérieure n'est qu'un accident mineur attribuable aux ultimes mouvements de charriage (fig.5). Ainsi l'existence même d'une synforme de La Robine affectant la surface de charriage doit-elle être considérée comme non fondée.

b) L'antiforme de Barles

Entre Barles et Esclangon la surface basale de la nappe dessine par contre effectivement une voûte coffrée (fig.4 et fig.5) qui plonge d'environ 30° vers l'E. Elle est en fait constituée de deux inflexions symétriques, relativement brutales et apparemment indépendantes l'une de l'autre, qui correspondent chacune non seulement à un accroissement du pendage de la nappe (au N, ce dernier dépasse 45° à Barles ; au S, dans le secteur d'Esclangon, il approche de 70°) mais aussi à une modification des azimuts (fig.4).

L'amplitude de la déformation néotectonique que cela impliquerait si ces pendages résultaient d'un tel processus (admis par GIGOT et al., 1974a) a déjà de quoi surprendre. En tout cas elle imposerait que les terrasses quaternaires aient subi des basculements d'ordre analogue. Or même les témoins les plus élevés de ces dernières n'en montrent, à notre connaissance, nulle trace. C'est notamment le cas à l'aplomb même de l'inflexion d'Esclangon, où une terrasse très ancienne (située au col de l'Escuichière, plus de 450 m au-dessus du cours actuel du Bès) est restée pratiquement horizontale.

Enfin et surtout ces inflexions ne sauraient correspondre au simple ploiement de l'ensemble nappe-autochtone solidarisé par l'arrêt du charriage car elles coïncident l'une et l'autre avec des structures très remarquables de l'autochtone :

1 - L'inflexion d'Esclangon se situe à la limite même du domaine où la nappe chevauche l'autochtone anténéogène, fort plissé, et celui où elle commence à reposer sur les dépôts de comblement du bassin de Valensole. Or les premiers copeaux que l'avancée de la nappe a détaché par le jeu des failles de Riedel (La Fubi, fig.10B, voir plus haut) ont glissé dans le bassin et leur extrémité méridionale a été recouverte par des conglomérats de Valensole. C'est dire qu'elle s'engageait là dans le secteur déprimé de ce bassin encore en cours de comblement, après en avoir franchi la marge N en soulèvement actif : la surface de charriage devait donc, dès ce moment, être plongeante vers le S.

D'autre part ce n'est qu'entre Tanaron et les ruines de l'ancien village d'Esclangon (donc essentiellement en rive gauche du Bès), que s'observe réellement la voussure de la base de la nappe et que cette dernière aboutit à des pendages vraiment forts. On voit là que ce pli de la nappe ne fait que suivre la structure antiforme, fortement plongeante vers l'E, du Miocène marin renversé de l'autochtone (fig.4), dont elle n'est pas séparée par des conglomérats de Valensole. Cette antiforme résulte, comme on l'a vu plus haut, de l'enroulement d'un synclinal d'axe SW-NE, le synclinal d'Esclangon, autour d'un repli N130°, l'"anticlinal du Martelet" (fig.6 et fig.7).

À l'W de Tanaron, de l'autre côté de la faille du Bès, l'inflexion est beaucoup moins brutale et la nappe n'a plus qu'un pendage modéré vers le SW, comme les formations continentales miocènes sur lesquelles elle repose là. Cela vient de ce que ces couches cachètent l'ensemble des structures précédentes. En effet, et quoi qu'il en soit par ailleurs des rapports entre les conglomérats de Valensole et la formation olistolitique (qui sont discutés plus haut), il est indéniable que le synclinal d'Esclangon est recouvert en discordance par la formation olistolitique (fig.6), tandis que l'anticlinal du Martelet s'amortit vers le haut et vers l'W, à la faveur des discordances progressives synsédimentaires dans les conglomérats de Valensole. Il résulte de cette géométrie que l'enroulement du Miocène marin (renversé) de rive gauche du Bès est d'âge miocène (et non quaternaire).

L'absence des termes continentaux du remplissage du bassin de Valensole en rive gauche du Bès montre enfin que la nappe a recouvert là, directement, la structure saillante édifiée par le soulèvement précoce, au Miocène inférieur, de la marge E du bassin, puis par son reploiement (en une coupole à fort plongement vers l'E) au cours du Miocène moyen. Le fait que la nappe enveloppe ce dispositif, pourtant antérieur à son charriage, signifie qu'elle s'est moulée sur lui, sans doute parce qu'il constituait l'ossature de reliefs structuraux non ennoyés sous la sédimentation des conglomérats de Valensole. On peut rapprocher cette conclusion de celle suggérée par la répartition des microstructures de coulissement dextre décrites plus haut, à la base de la nappe : elle indique en effet un mouvement latéral du charriage et le contournement d'aspérités, à plongement E, du sommet de l'autochtone.

En définitive, si un basculement modéré vers le S est certainement intervenu, après l'arrivée de la nappe, dans le secteur de Tanaron et d'Esclangon, cela ne permet pas de définir une phase de plissement tardif postérieure au charriage (il est plus vraisemblable d'y voir l'effet d'une poursuite de la subsidence du bassin). Par contre l'essentiel de l'inflexion accusée dessinée par la nappe dans la coupe du Bès représente une structure déjà largement acquise dès le charriage, par suite de circonstances relevant finalement de la morphotectonique.

(Place de la fig.14)

2 - L'inflexion de Barles.

La demi-voûte qui affecte la base de la nappe près de Barles ne saurait être mise sur le compte d'un plissement post-charriage car elle ne se dessine pas de la même façon dans les couches de l'autochtone et dans celles de la nappe (fig.8), les couches post-triasiques de cette dernière étant globalement moins infléchies que la base de la nappe (fig.3). D'autre part elle coïncide avec plusieurs structures remarquables dont la première est la charnière de renversement de l'Unité de Chine et dont la seconde est la transformation de la surface de charriage en une rampe à pendage très redressé, qui coupe en oblique les bancs du Trias calcaréo-dolomitique. En outre la série post-triasique de la nappe y est affectée de plis à caractère tout à fait exceptionnel pour cette nappe puisqu'ils sont fortement déversés vers le NW, donc rétroverses par rapport au sens du charriage. Or un simple basculement de plis antérieurs au charriage et transportés lors de celui-ci ne saurait rendre compte de l'attitude paradoxale de ces plis car le plongement vers le N de leurs plans axiaux est tellement fort qu'ils auraient dû avoir déjà, antérieurement, une vergence NW. Il faut donc admettre que ces plis ont été créés par un cisaillement rétroverse, étroitement localisé à ce secteur.

L'interprétation de ce dispositif est certainement à rechercher dans ce fait remarquable que le prisme délimité par la rampe profonde (constitué au moins de Houiller et de Trias), a buté ici contre la marge N de l'Unité de Chine, au terme de sa progression vers le S (fig.14) : il n'a ni sectionné celle-ci, qui était pourtant déjà rebroussée en un pli couché (fig.15B et C) ni avancé plus loin en la chevauchant (comme le faisait auparavant la dalle de la série post-triasique, plus flexible et qui glissait en outre sur le niveau de décollement du Trias supérieur). Ce prisme profond, dont seul le bord d'attaque méridional s'est légèrement infléchi vers le haut, n'a donc pu progresser qu'en repoussant devant lui la charnière de Chine. Il l'a fait par l'intermédiaire du complexe chaotique de Barles, qui s'est sans doute formé à cette occasion (fig.15C et D) par bourrage dans l'espace ouvert par l'inflexion vers le haut ainsi infligée à la surface de charriage. L'attitude actuelle du flanc vertical de la série de Chine et celle, également très redressée, de la surface de charriage trouvent donc leur explication dans la déformation en compression horizontale qui en est résultée.

La véracité de ce processus apparaît encore plus probable si l'on prend en compte le fait le trajet parcouru par la nappe était alors très voisin de l'actuel et que cette étape de déformation correspond donc au stade, tardif (sans doute fini-Pliocène) de remise en mouvement puis d'immobilisation du front de la tranche supérieure de la nappe (après que ce front de la nappe ait été recouvert par la sédimentation finale du bassin de Valensole : fig.5).

Cela implique que l'avancée du prisme profond se poursuivait alors même que, dans les niveaux plus élevés de la structure, au toit de l'actuelle fenêtre, la nappe n'avançait au contraire plus. Cette circonstance fournit une bonne explication du cisaillement superficiel générateur des plis rétrodéversés du Lias de la nappe (fig.15D), qui peut donc finalement être assimilé à un rétrocharriage de rampe (plus précisément à un "hangingwall ramp backthrust").

Ce processus implique d'ailleurs qu'un nouveau serrage s'est alors exercé sur l'autochtone de la demi-fenêtre de Barles, puisque celui-ci était empêché de se déplacer en bloc vers le S par la présence du puissant comblement du bassin de Valensole. Le raccourcissement supplémentaire de l'autochtone qui a donc dû en résulter, alors que celui-ci était déjà recouvert par la nappe, a certainement été un deuxième facteur de surhaussement de la voûte de la demi-fenêtre (fig.15D) : cela a dû contribuer en outre à accentuer à la fois la tendance au rétrodéversement dans le secteur de Barles et celle au basculement vers le S de la nappe et de l'autochtone à la marge du bassin (secteur d'Esclangon).

(Place de la fig.15)

6/ Conclusions

Des données analysées ci-dessus il découle en définitive des conséquences de divers ordres :

a) Concernant d'abord la chronologie des épisodes tectonosédimentaires précédemment distingués ici [GIGOT et al., 1974a ; HACCARD et al., 1989] trois points sont à souligner.

1 - aucune observation de terrain n'autorise à individualiser ici une "phase aquitanienne" de plissement ;

2 - il faut également renoncer, dans le secteur ici étudié, à placer avant l'arrivée de la nappe l'étape de creusement, puis de colmatage d'un "bassin résiduel", connue ailleurs à la fin du Pliocène [DUBAR, 1983] : sa prétendue reconnaissance dans le domaine intéressé par le charriage résulte d'une interprétation erronée de données structurales ou sédimentaires disparates (qui relèvent en fait d'explications diverses selon les points) ;

3 - la part des déformations tectoniques quaternaires a été largement surestimée : dans le secteur étudié elles se traduisent peut-être par des soulèvements verticaux mais ce ne sont pas elles qui sont cause des ondulations de la surface de base de la nappe.

b) Du point de vue de la géométrie structurale

1 - Dans la plus grande partie du secteur parcouru par la vallée du Bès, le chevauchement de la nappe de Digne suit un palier de décollement ("plat") localisé dans les niveaux triasiques. Mais il s'avère que ce "plat" se raccorde vers le N à une "rampe profonde" (fig.14 et fig.15). Cette dernière coupe le soubassement antéliasique et tranfère la surface de détachement à un niveau inférieur, sans doute jusque dans le socle dans sa région actuellement située au NE de Barles. Le bord sud du prisme rocheux déplacé au toit de cette rampe se situait originellement environ 20 km plus au N que la rampe "superficielle" du détachement de la série post-triasique (fig.5 et fig.14). Il a été transporté par le charriage jusqu'aux actuels confins nord de la demi-fenêtre de Barles et la boutonnière de Verdaches en représente l'anticlinal de rampe frontal (fig.14).

Il est en outre probable, mais non certain, qu'à l'W de la rampe latérale de l'accident de la Frayssinie une telle rampe chevauchante pénétre aussi jusque dans le socle, à l'aplomb du dôme de Remollon : ce dernier représente vraisemblablement l'équivalent, décalé vers le NE, de la boutonnière de Verdaches.

2 - Le lobe principal de la nappe ne présente pratiquement pas de plis indiquant un raccourcissement associé au charriage : il mérite à ce titre d'être rangé dans le type 2 (dit "atypique") des "Strongly emergent thrust fronts" de MORLEY (1986). Il s'oppose, à cet égard, à l'écaille de Valavoire qui rentre plutôt, quant à elle, dans la catégorie des "Weakly emergent thrust fronts" de cet auteur. Il faut en outre souligner que les données présentées ici montrent que les rapports entre ces deux unités ne peuvent en aucune manière relever, contrairement à ce que suggère FRY (1989), d'une relation "in sequence" qui ferait transporter la nappe de Digne sur le dos ("piggy back") de l'écaille de Valavoire : cette dernière a eu, au contraire, un déplacement grossièrement contemporain de celui de la nappe.

Enfin le lobe de la Robine, par ses plis frontaux et sa remise en chevauchement tardive ("regressive overthrust"), présente les caractéristiques des "Tip-stick Thrust Front" de MORLEY (1986).

3 - La mise en place de la partie observable de la nappe de Digne a été facilitée par un glissement sur sa semelle de Trias gypsifère et par la progression de son front sur des sédiments frais (du moins pendant une grande partie de son mouvement). Elle s'est néammoins accompagnée d'une structuration non négligeable dans l'autochtone.

Une partie de cette structuration est antérieure au charriage, sans cependant pouvoir en être dissociée. On propose de l'attribuer à la progression d'un chevauchement profond, d'abord non émergent, affectant seulement la partie antéliasique de la série et n'induisant qu'une déformation plicative dans la tranche post-triasique de la future nappe ("blind-thrust"). C'est la rupture ultérieure de cette série post-triasique, dans la zone de changements de l'épaisseur et des faciès du Jurassique inférieur et moyen, qui est à l'origine du recouvrement actuellement accessible à notre observation.

4 - Les structures directement induites par le charriage sont visibles sur les deux rives du Bès mais surtout en rive gauche. Elles y affectent principalement l'Unité de Chine, qui représente un flanc de pli antérieur, rebroussé en crochon. La géométrie de son extrémité S (ou Unité intermédiaire), dissociée par un étirement discontinu, constitue un exemple assez remarquable de structures extensives crées par entraînement sous une nappe. Ce genre de dispositif paraît plutôt fréquent dans les chaînes subalpines [GIDON, 1989], alors qu'il en est rarement fait mention dans la littérature. Comme l'ont montré PLATT & LEGGETT (1986) son développement ne s'oppose pas à celui des imbrications compressives : ici toutefois ces dernières ne sont présentes qu'à titre d'ébauches (fig.11 et 12) et n'ont nulle part évolué jusqu'à donner de vraies écailles isolées ("horse") ou imbriquées ("duplex").

5 - L'antiforme de la demi-fenêtre de Barles résulte des jeux cumulés de plusieurs facteurs qui sont intervenus pendant la déformation miocène (et peut-être pliocène) :

- une disposition proprement morphotectonique : son arrivée dans un bassin en cours de comblement sédimentaire (dont le rebord était encore en cours de rebroussement), ce qui a contraint le front de la nappe à glisser sur une pente inclinée vers le S (ou plus vraisemblablement vers le SW) après avoir franchi ce rebord ;

- la déformation de l'avant-pays situé au N de ce bassin, qui s'est gonflé, avant le charriage (et sans doute encore après), en un bourrelet déversé vers le S par dessus la marge N de ce bassin : cette déformation s'est combinée avec celle de la marge E du bassin, rebroussée vers l'W dès le Miocène inférieur, pour donner là un relief particulièrement accentué ;

- enfin, au stade le plus tardif, la rencontre du prisme profond de soubassement antéliasique avec le bourrelet plissé de l'autochtone de la demi-fenêtre (fig.15) : la poursuite de la progression de ce prisme profond, lors de l'immobilisation frontale de la tranche superficielle (postriasique) de la nappe explique le caractère rétrodéversé de la fermeture N de la demi-fenêtre.

c) En ce qui concerne le déroulement des déformations on constate qu'il s'étend sur un grand laps de temps : en effet le début de l'avancée de la nappe sur son avant-pays, et notamment sa première arrivée dans le bassin de Valensole, à la fin du Serravallien, ne représente que le terme ultime d'une déformation préparatoire, préludant au charriage, qui s'est déroulée de façon quasi continue durant une grande partie du Miocène.

Les caractéristiques de la déformation tectonique ont par ailleurs évolué avec le temps (fig.15).

1 - Au début du Miocène, puis pendant le dépôt du Miocène marin, c'est à la marge E du bassin de Valensole que se manifeste d'abord un déversement vers l'intérieur du bassin (c'est à dire vers l'W). Celui-ci trahit le jeu (à composante compressive) d'un accident cassant presque N-S (sans doute de la famille de ceux visibles plus au N).

A ce stade le fonctionnement compressif de cet accident est peut-être un écho un peu tardif des mouvements qui sont intervenus dès l'Oligocène et ont déclenché, plus au N, des chevauchements à vergence NW dans la région de Faucon [ARNAUD et al., 1977]. Plus tard c'est probablement lui qui, réactivé en fonctionnement coulissant au cours des épisodes tardifs du charriage, a déterminé la localisation de la faille du Bès.

2 - Vers la fin du dépôt du Miocène marin (Langhien) et surtout lors de la sédimentation continentale à faciès Valensole (ici serravallienne), l'évolution a revêtu deux aspects distincts selon que l'on se trouve d'un côté ou de l'autre de l'accident N-S, coulissant, des Monges (fig.5) :

- à l'ouest de cet accident, le long de la marge N du bassin, une rupture au sein même des séries à soubassement de Lias réduit a déterminé la formation de l'écaille de Valavoire (dont le front se situe nettement au S de la zone de passage aux faciès liasiques épais). Son avancée (sans doute relativement précoce) sur le bassin néogène est facilitée par des coulissements, sur ses deux flancs, le long de failles qui coïncident sensiblement, en direction et en position, avec les limites W et E du bassin de Valensole.

- à l'est, dans la demi-fenêtre de Barles, les séries réduites de la marge N du bassin ne sont pas parties en chevauchement et ont subi, en contrepartie, un accroissement de la fermeture de leurs plis. Ce dernier s'est accompagné de leur déversement vers le S, entre la marge du bassin, constituant le coeur d'un vaste pli couché et l'anticlinal de Chine (dont la série de Chine représente le flanc S renversé, au même titre que les autres plis). La rupture de la couverture post-triasique, à la voûte de cet anticlinal, n'est pas intervenue avant la fin du Serravallien. Elle s'y est surtout localisée parce c'était là que les séries liasiques réduites de Chine et de l'actuel front de la nappe faisaient place, vers le NE, aux séries épaisses du dôme de Remollon et du corps de la nappe (fig.14).

Le tracé du futur chevauchement de la nappe devait être initialement connecté avec celui de l'écaille de Valavoire par un relais de failles coulissantes N-S comportant au moins l'accident des Monges et, plus au N, la faille de la Frayssinie. Ainsi le tracé global de ces dislocations avait-il un dessin en baïonnette, avec deux tronçons chevauchants, orientés WNW-ESE, raccordés par un tronçon N-S coulissant (fig.2).

La déformation qui a préludé au début du charriage proprement dit est vraisemblablement interprétable en termes de chevauchement profond affectant la seule tranche antéliasique de la série de la nappe ("blind thrust"), la tranche supérieure ne subissant qu'un raccourcissement par plissement, jusqu'à ce qu'un accroissement suffisant du déplacement sur la rampe profonde provoque sa déchirure par rupture de la charnière de l'anticlinal de Chine [GIDON, 1989] (fig.14 et 15B et C).

 

3 - À la fin du Pliocène, donc bien après la principale étape de mise en place de la nappe et sans doute après une phase d'interruption mio-pliocène, sont intervenus des mouvements ultimes de la nappe. Ils sont à l'origine des plis frontaux du Lobe de la Robine, de la déchirure de la faille du Bès et des chevauchements visibles au S de Digne. C'est la prise en compte de ces derniers mouvements qui permet aussi d'expliquer de façon satisfaisante les particularités géométriques de la région de Barles.

Bien que partant de données tout autres, cette conclusion chronologique converge d'une certaine manière (et avec certaines différences) avec celle exprimée, en ce qui concerne les secteur plus méridionaux, par VANN et al. (1986) quant à la remise en mouvement tardive, "out of sequence" du corps de la nappe.

En définitive, et quelle que soit la cause fondamentale de son charriage, il se confirme que la nappe de Digne est un exemple remarquable de structure dont l'évolution est liée au fonctionnement tectonique des marges d'un bassin sédimentaire : sa mise en mouvement, au cours des contractions miocènes, correspond fondamentalement à l'exacerbation finale d'un cisaillement tangentiel profond, atteignant alors la tranche la plus superficielle de la couverture subalpine voisine du bassin de Valensole mais ses déplacements ont été assez largement guidés par des failles subméridiennes qui sont en rapport avec celles qui limitent le bassin. En outre sa mise en mouvement a été précédée par une lente gestation, de sorte qu'un scénario évolutif par phases tectoniques brèves et isolées dans le temps est inadéquat pour en rendre correctement compte (on peut d'ailleurs s'interroger sur les raisons pour lesquelles cette structuration a été si progressive ...).

 

Remerciements

Nous remercions G. MASCLE, ainsi que nos rapporteurs M. BURCKHARD et M. SARTORI, pour leurs précieuses remarques critiques sur le manuscrit de cet article. Ce travail a été réalisé au sein de l' Unité de Recherche associée au C.N.R.S. n°. 69, "Géodynamique des chaînes alpines" (contribution n°1089).

 

 

 

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FIGURES

Fig.1 - Cartes de situation :

1a = place du secteur étudié dans les chaînes subalpines ; 1b = localisation des principales figures par rapport au cadre structural.

 

Fig.2 - Carte simplifiée de la nappe de Digne et de son avant-pays, entre la Durance et la marge N du bassin de Valensole.

Cette carte montre le contexte structural des secteurs situés au N et à l'W de la région étudiée et le partage de la nappe en plusieurs lobes. Au S des limites de la carte (fig.3) le "lobe principal" est de nouveau partagé, par la faille du Bès, en un lobe de La Robine et un lobe de Cousson [GIDON & PAIRIS, 1988]. Suivant l'acception commune, on a attribué à la nappe de Digne les seules unités caractérisées par leur série Lias-Dogger hémipélagique épaisse.

L'écaille de Valavoire est notamment une entité bien individualisée par ses séries Lias-Dogger réduites et par les accidents qui la limitent de toutes part. Toutefois ses limites, vis-à-vis de la nappe, ne sont pas constituées par une surface de charriage mais par des failles coulissantes majeures, la faille du Grand Vallon au NW et celle de La Frayssinie à l'E. L'une comme l'autre se perdent vers le N, dans le corps de la série épaisse, en délimitant, autour de Bréziers, une zone de hiatus dans le charriage. L'amortissement de ces failles vers le N résulte partiellement de l'annulation réciproque de leurs rejets, de sens opposés, par suite de la convergence de leurs tracés. Le reste du rejet dextre est absorbé par un cisaillement continu qui s'exprime par la torsion dans le sens horaire des couches de la série épaisse à l'E de Remollon, déformation qui est d'ailleurs à l'origine de la forme remarquable du "Dôme de Remollon" [GIDON, 1985].

 

La partie SE de l'écaille de Valavoire est séparée de la demi-fenêtre de Barles par l'accident des Monges, comme elle l'est plus au N vis-à-vis du lobe principal de la nappe par la faille de la Frayssinie : les tiretés font apparaître la vraisemblance d'une connexion originelle, actuellement masquée sous la nappe, de ces deux accidents (voir le texte).
A leurs extrémités respectivement SW et S la faille du Grand Vallon et celle de La Frayssinie se raccordent progressivement au chevauchement de la nappe : elles ont donc, l'une comme l'autre, valeur de rampes latérales, à vrai dire plus ou moins obliques au mouvement d'ensemble (et ont d'ailleurs autorisé une certaine divergence dans le déplacement des lobes de la nappe).
La composante transpressive due à cette obliquité du mouvement de est à l'origine d'un "débordement", symbolisé par des flèches incurvées, de la marge W du lobe principal de la nappe par dessus le bord de l'écaille de Valavoire.
La klippe du Cerveau est désignée par un astérisque et celle de l'Aubrespin par la lettre A fléchée.


Fig.3 - Schéma structural de la demi-fenêtre de Barles et de ses alentours (Les tracés AA et BB sont ceux des deux coupes de la fig.5).

AV = anticlinal des Clues de Verdaches ; SS = synclinal des Sauvans (prolongement E de celui d'Esparron = SEs) ; AC = anticlinal de la Grande Cloche (prolongement ou relais oriental de celui des Monges = AM) ; ST = synclinal du Pas de Terre Rouge (prolongement ou relais oriental de celui de Feissal = SF) ; AP = anticlinal du Pérouré (= anticlinal de la Maurière [GIDON, 1982 et 1989]) ; SA = synclinal d'Auribeau (= pli du vélodrome [GIGOT et al., 1974a]) ; SE = Synclinal d'Esclangon (d'axe NE-SW).

La différence d'espacement des plis, de part et d'autre du faisceau de failles de l'accident des Monges, est nettement perceptible. Elle témoigne du raccourcissement beaucoup plus important qui a affecté l'autochtone dans la demi-fenêtre de Barles, c'est à dire dans le secteur où il a été recouvert par la nappe.

Les limites adoptées pour l'unité de Chine et pour le tracé de la base de la nappe au N de Barles sont différentes de celles indiquées par le schéma structural de la carte LA JAVIE (commentaires dans le texte).



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Fig.4 - Tectonogramme schématique montrant la disposition de la dalle liasique de la nappe de Digne, autour de la demi-fenêtre de Barles.

Remarquer la disjonction, par la faille du Bès, entre la masse principale de la nappe (="Lobe de Cousson" [GIDON & PAIRIS, 1988]) et le Lobe de La Robine. Ce dernier a été moins entraîné vers le S lors des derniers mouvements de la nappe.

Le détail de la géométrie de l'autochtone, dans le secteur de l'inflexion d'Esclangon, est illustré par les fig.6 et 7.


 

Fig.5 - Deux coupes synthétiques simplifiées, en rive droite de la vallée du Bès.

A : coupe de l'écaille de Valavoire, à l'ouest de l'accident des Monges.

B : coupe de la demi-fenêtre de Barles, à l'est de l'accident des Monges.

Les éléments structuraux sont désignés par les mêmes symboles que sur la fig.3 et leurs correspondances éventuelles sont indiquées sous la coupe A. La localisation des coupes est indiquée en figures 1 et 3.

Noter la différence de style entre les plis très ouverts de l'écaille de Valavoire et ceux de la demi-fenêtre de Barles, très serrés et basculés vers le S dans leurs parties hautes. Le gros pointillé subhorizontal indique le plan axial de la charnière de renversement qui reploie tous les grands plis postoligocènes et en déverse les parties hautes vers le sud (c'est aussi ce pli qui détermine le renversement du flanc nord du synclinal d'Auribeau).


Fig.6 - Schéma des rapports géométriques tectono-sédimentaires visibles dans le Miocène de la coupe du Bès.

Le dessin tient compte de la géométrie visible aux différents niveaux des pentes de la rive droite du Bès (les parties encore plus hautes, situées plus à l'W, sont représentées en fig.10B). Dans la "formation olistolitique" les olistolites sont représentés de façon purement symbolique, avec un même figuré de hachures verticales, quelle que soit la nature de leur matériel constitutif (il s'agit le plus souvent de Tithonique garni d'enduits de brèches continentales (voir PAIRIS & GIDON, 1987).

On remarque que les discordances intraformationnelles sont de sens opposé entre le côté N et le côté S de la coupe.

Le basculement progressif, vers le sud, du plan axial du synclinal d'Auribeau est très clairement observable sur le terrain. Il correspond au fonctionnement de la charnière de renversement qui affecte aussi tous les plis situés plus au nord (fig.5) : les biseaux de strates montrent bien que la formation de ce pli couché est synsédimentaire du dépôt de la formation de Valensole.

On remarque aussi que ce renversement fait passer très progressivement à la disposition couchée des crochons d'entraînement de la lame de La Fubi : cela tend à indiquer que son arrivée s'est faite dans la continuité de la déformation, dont elle est ici l'évènement final.



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Fig.7 - Tectonogramme schématique de la terminaison orientale du synclinal d'Auribeau (le "vélodrome"), aux abords d'Esclangon.

 

La géométrie représentée, en synclinal annulaire, est celle des couches du Miocène inférieur (voir la fig.6 pour leurs rapports avec les terrains plus récents). On a également indiqué la forme de la surface basale de la nappe (ø, voir aussi la fig.4) : elle est concentrique avec celle de l'antiforme renversée du Serre d'Esclangon, pourtant antérieure au dépôt des couches de Valensole (fig.6).

P1, P2, P3 désignent respectivement les plans axiaux du synclinal d'Esclangon (précoce), du synclinal d'Auribeau et de l'anticlinal du Martelet (plus tardifs).


 

Fig.8 - Structure de la rive gauche du Bès, à l'E de Barles (coupe passant peu à l'W du Pas de Blayeul) :

Cette coupe montre en premier lieu la position du complexe chaotique de Barles, la forme de la surface de charriage de la nappe et les plis d'axe N60°, déversés voire couchés vers le NW que dessinent les couches de la nappe.

Dans l'unité de Chine le renversement de la succession liasique "enroule" des plis mineurs antérieurs à vergence nord (ce qui conduit à y voir le flanc sud d'un ancien "anticlinal de Chine"). Le flanc renversé est affecté par des failles à pendage S qui ont les caractères de "Riedels de la nappe" (mais ont été reprises au quaternaire comme surfaces de détachement de paquets tassés). On notera également la situation des brèches à ciment cargneulique, attribuées par GIGOT et al (1974) à un épisode d'érosion antérieur au charriage.



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Fig.9 - Coupe du versant sud-ouest de la crête de Blayeul, entre la Colle du Chateau et les ruines d'Esclangon (explications dans le texte).

 

Un certain nombre de détails structuraux significatifs sont dessinés agrandis dans la moitié inférieure de la figure. Ils sont désignés sur la coupe d'ensemble par des lettres majuscules cerclées :

A et C montrent des plis d'entraînement affectant la série renversée de l'unité intermédiaire ; B, C et E montrent l'étirement discontinu (par tronçonnement) de cette unité ; B et D montrent des plis post-oligocènes antérieurs au renversement de cette unité (seul l'affleurement B a été représenté); E montre un pli d'entraînement dans la série autochtone à l'endroit (il admet également comme plan axiale la schistosité S2).

ø désigne la base de l'Unité intermédiaire (U.I.) et ? celle de la nappe. S2 désigne la schistosité associée au cisaillement déterminé par le charriage et fR les failles de Riedel induites dans l'Unité intermédiaire et dans le sommet de l'autochtone proprement dit.



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Fig.10 - Deux coupes de la demi-fenêtre de Barles, montrant des détails de sa structure en rive droite du Bès :

A/ Partie nord : Crête Chine - Petite Cloche.

Comme sur la rive gauche du Bès (fig.8), le Dogger de l'unité de Chine présente plusieurs plis décamétriques qui sont enroulés (ainsi que leur schistosité plan-axiale) par l'antiforme qui renverse la dalle liasique de cette unité. Remis en position antérieure au renversement ils révèlent un déversement originel vers le nord. Cela montre bien que le renversement s'est superposé à une première étape de plissement dans laquelle la série de Chine représentait le flanc N d'un synclinal (en l'occurrence celui des Sauvans et d'Esparron) qui n'était initialement nullement déversé vers le S. Ces plis sont vraisemblablement post-oligocènes si l'on se réfère à la fig.9B.

L'astérisque désigne le pli d'entraînement à vergence S affectant le Lias renversé de Chine.

B/ Partie sud : Crête Grande Cloche-Coustagne (flanc N du synclinal d'Auribeau).

Noter les failles, à caractères de "Riedels de la nappe", qui découpent le Miocène de la Pousterle et sont à l'origine du détachement de la lame de La Fubi et de la Coustagne.

On a noté par "CR" quelques points jalonnant le passage de la charnière de renversement affectant toute les structures de la vallée du Bès (cf. fig.5 et fig.6).



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Fig.11 - Coupe de détail sur la crête de rive droite du Bès (versant de Lambert)

, montrant la géométrie des plis de second ordre, anté-miocènes, qui accidentent le flanc sud de l'anticlinal de la Maurière. Ces plis (P1), d'abord renversés avec le Miocène du flanc N du synclinal d'Auribeau, ont été ensuite déformés par un cisaillement très tangentiel qui croît vers le haut. Ce cisaillement tardif crée des charnières P2 et de petits chevauchements Ø2. On peut y voir soit des effets du cisaillement général ayant préludé à l'avancée de la nappe soit, plus probablement, des ébauches avortées d'imbrications compressives, dues à un entraînement direct sous la nappe (dont la base ne devait effectivement pas être très loin au dessus).


Fig.12 - Croquis de la coupe naturelle du versant SE de la Grande Cloche.

Noter le renversement, vers le S, du flanc sud de cet anticlinal et des plis secondaires qui l'affectent. Les failles plates post-oligocènes, à vergence S, qui affectent l'anticlinal sont comparables à celles de la fig.11. Ici elles sont sans doute plutôt associées au cisaillement responsable du renversement global des plis car on en rencontre encore plus bas, notamment, dans le même flanc de pli, au sommet de l'épaulement rocheux des Clues de Barles.



figure agrandissable

Fig.13 - Croquis de la coupe naturelle du versant SE de la Petite Cloche

montrant le chevauchement de l'unité de Chine et l'une des failles attribuées à des "Riedels de la nappe".



figure agrandissable

Fig.14 - Schéma d'ensemble de la mise en place de la nappe de Digne (dans le lobe principal) :

Aucun des détails structuraux, tels que plis et failles de la nappe et de l'autochtone (notamment ceux de la fig.8), ne sont représentés sur ces coupes, très schématiques. Celles-ci sont uniquement destinées à montrer la position relative des deux rampes, d'une part lors du détachement de la tranche supérieure de la nappe (coupe 1), d'autre part à la fin de son étape de charriage miocène (coupe 2).

Dans les niveaux post-triasiques le détachement frontal de la nappe s'est opéré par une "rampe superficielle" qui s'est localisée dans le domaine du maximum de réduction de l'épaisseur du Lias (50 m au lieu de plus de 1000 m dans le domaine dauphinois, plus septentrional). Les ondulations figurées en avant de cette rampe symbolisent la tectonique plicative (aux dépens de plis préexistants, non représentés), qui à préludé au détachement du front de la nappe.

Entre Barles et Digne, sur environ 20 km, la surface de chevauchement emprunte un "plat" qui suit les niveaux gypsifères du Keuper avant de se raccorder à une "rampe profonde" traversant les niveaux anté-Keuper. De cette dernière on ne voit que le bord sud, qui s'est avancé jusqu'aux confins nord de la demi-fenêtre de Barles.



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Fig.15 - Schéma récapitulatif de l'évolution des structures dans la demi-fenêtre de Barles, en liaison avec la mise en place de la nappe.

A/ Dès le début du Miocène (voire même dès la fin de l'Oligocène) un raccourcissement NNE-SSW a créé des plis qui reprennent largement des plis anté-oligocènes. A ce stade l'unité de Chine représente alors le flanc S, encore non renversé, d'un anticlinal qui jouxtait du côté N le synclinal des Sauvans et d'Esparron. Cet ancien "anticlinal de Chine" (fig.14) semble même avoir été le siège de montée diapiriques, au moins dans le secteur d'Astoin (fig.5A).

B/ Au cours du Miocène moyen l'instauration du régime de sédimentation continentale coïncide avec l'accentuation de la déformation de la marge N du bassin de Valensole, qui se renverse alors progressivement, par un cisaillement vers le S. Celui-ci est considéré comme le prélude au détachement du front de la nappe, induit vraisemblablement par l'avancée de la tranche profonde de celle-ci qui ne constituait encore qu'un chevauchement non émergent ("blind thrust").

C/ Au Miocène supérieur la demi-fenêtre de Barles a été débordée par l'avancée du front de la nappe qui glisse dans la dépression du bassin, sur les conglomérats inférieurs de la formation de Valensole, après avoir franchi le reliefs structuraux créés sur la bordure nord du bassin au cours des étapes antérieures.

D/ Tardivement, vraisemblablement lors des derniers mouvements, d'âge fini-pliocène, le prisme délimité par la rampe profonde (constitué par l'essentiel du Trias, le Houiller et sans doute du socle cristallin) atteint Barles et bute sur le méga-crochon de l'unité de Chine qu'il repousse devant lui, provoquant une accentuation du serrage de l'autochtone de la demi-fenêtre de Barles (flèches horizontales) et, corrélativement, un surhaussement de la voûte de la demi-fenêtre (flèche verticale).

Les doubles demi-fléches symbolisent le cisaillement générateur des plis rétrodéversés qui affectent le Lias de la nappe, à l'aplomb du front de la rampe profonde (fig.8), par suite du blocage frontal de la tranche supérieure, post-triasique, de la nappe.


 

Titre anglais : The influence of the Digne thrust emplacement upon the autochtonous structures of the Bès valley (Southern subalpine ranges, France).

Titre courant : "Structures sous la nappe de Digne"