Roche Charnière
versant ouest de la Durance à la latitude de Saint-Crépin

pentes de rive droite de la vallée de la Durance, entre torrents de Tramouillon et de Saint-Thomas

Entre Champcella et Réotier (grossièrement à la latitude de Saint-Crépin) les pentes de rive droite de la vallée de la Durance se font remarquer par leur complexité structurale dont le déchiffrement est compliqué par un abondant couvert forestier. Elles sont formées par la partie la plus méridionale de la frange occidentale de la zone briançonnaise, dont les unités sont venues recouvrir en chevauchement la couverture autochtone de la retombée orientale du dôme de socle du massif du Pelvoux. Elles culminent, au sud du profond ravin E-W de Tramouillon, au petit sommet rocheux de la Roche Charnière qui fait saillie, au sud de la Tête de Gaulent, en contrebas est de la crête de partage des eaux entre Drac et Durance, sur les pentes orientales de la Tête de Vautisse.

consulter la page d'aperçu général sur le Briançonnais méridional à l'ouest de la Durance

a) La Roche Charnière montre de façon bien dégagée une succession de couches qui est dotée d'un caractère très franchement briançonnais puisqu'elle est caractérisée par sa forte réduction par lacunes (le Crétacé supérieur y repose le plus souvent directement sur le Trias calcaire). Ces couches reposent sans autre unité intercalaire (notamment subbriançonnaise) sur les flyschs de l'Embrunais par l'intermédiaire de la surface tectonique du front briançonnais, qui est ici moyennement fortement pentée vers l'est. Cette nappe de Roche Charnière représente donc la plus basse des unités tectoniques qui s'empilent sur cette transversale de la zone briançonnaise.

Il faut toutefois remarquer que la surface du front briançonnais ne représente pas celle du charriage de la nappe de Roche Charnière mais une cassure plus tardive : en effet plus au nord, à la Tête de Gaulent, il met en contact les flysch de l'Embrunais avec la nappe, immédiatement plus élevée, de Champcella.


image sensible au survol et au clic

Les pentes de rive droite de la Durance au sud de Chanteloube, vues du sud-est depuis la route N.202 menant de Guillestre à Vars (au dessus du hameau de Peyre Haute).
f.BR
= accident du "front briançonnais" ; n.Cp = nappe de Champcella ; u.P = unité ("écailles") du Ponteil et de l'Aubréau (= subdivision de la nappe de Champcella ?) ; u.H = unité des Huissières (nappe de Roche Charnière ?) ; u.H? = klippe, conjecturale, de l'unité des Huissières ; n.rC = nappe de Roche Charnière ; f.sP = faille de Serre Piarâtre ; f.P = faille du Pouit ; f.Cr = faille du Cros.
fH = flysch à Helminthoïdes ; scv = Schistes noirs, "du Col de Vars" (formation basale du flysch à Helminthoïdes).

L'examen en détail de la crête sommitale montre que son extrémité orientale est formée par une succession à l'endroit, où la semelle siliceuse (quartzites et Verrucano) de cette nappe affleure sous les terrains calcaires plus récents, tout en ébauchant une charnière anticlinale déversée vers l'ouest. Mais, à l'ouest d'une faille transversale très redressée (sans doute extensive), l'extrémité occidentale de la crête (portant le sommet) se révèle au contraire formée d'une succession à l'envers.


Le versant méridional de la Roche Charnière, vu du sud depuis la route forestière de Bouffard (extrait de J.DEBELMAS 1955a, fig.22a)
(m.pl. = marbres en plaquettes néocrétacés-éocènes)


En fait ces couches sommitales ébauchent une torsion synforme dont le dessin correspond à celui du flanc inverse d'un anticlinal couché : cela suggère qu'il s'agit de la portion d'un tel pli dont la charnière orientale serait le flanc normal abaissé par la faille. Il est vraisemblable que ce pli soit le même que celui qui affecte, en rive opposée du torrent de Tramouillon, sous le sommet de la Tête de Gaulent, l'unité supérieure de la nappe de Roche Charnière (voir la page "Gaulent"). Sa situation suggère d'y voir le crochon frontal de la nappe de Roche Charnière.



Le versant sud-occidental de la Roche Charnière, vu du sud-ouest depuis les pentes supérieures du vallon de Bouffard, à l'ouest de la cabane de la Selle (extrait de J.DEBELMAS 1955a, fig.22b)
(m.pl. = "marbres en plaquettes" : calcschistes néocrétacés-éocènes)
Le fait que la succession de la crête sommitale soit renversée apparaît de façon très visible par la position des alternances dolomitiques sombres - claires- sombres du Ladinien ; par contre la partie droite de la crête est constituée par la série à l'endroit de la nappe de Roche Charnière (Crétacé en repos direct sur le Trias calcaire).

b) En rive septentrionale du vallon de Bouffard le "gâteau rocheux" de Roche Charnière repose apparemment par sa semelle permo-triasique sur le flysch à helminthoïdes de la nappe du Parpaillon, qui affleure au fond du vallon. Sans doute le fait-il par l'intermédiaire du coussin de flysch argileux de base de cette nappe, qui est visible au col de la Selle mais celui-ci (nécessairement assez mince) est masqué plus à l'est, autour du chalet de Bouffard, sous une jupe d'éboulis et un nappage d'alluvions glaciaires.


Les pentes de rive gauche du torrent de Bouffard, vues du SE, depuis les Preyts (extrait de J.DEBELMAS 1955a, fig.21).
(m.pl. = marbres en plaquettes néocrétacés-éocènes).
f.sP = prolongement de la faille de Serre Piarâtre : son rejet (abaissement de sa lèvre orientale) détermine le crochon tordu vers le bas qui affecte sa lèvre occidentale, constituée par le flanc normal de la nappe de Roche Charnière (interprétation de M. Gidon, 2011)

Au nord du chalet de Bouffard, dans les pentes de l'échine boisée qui s'abaisse doucement vers l'est, le matériel siliceux de base de la nappe dessine une large voûte anticlinale à cœur de houiller (voir la coupe 2, ci-après). Le pendage du flanc oriental de ce pli s'accentue brutalement à l'endroit de la rupture de pente où l'échine tombe sur le village du Ponteil et les couches supérieure de l'unité sont coupées en biseau par une faille subverticale. Il s'agit là d'un accident important car sa lèvre orientale est constituée par une grosse barre de calcaires du Dogger, niveau inexistant dans la nappe de Roche Charnière (mais présent dans celle de Champcella : voir la page "Champcella").

Dans son travail de 1955 J.Debelmas avait considéré cet accident comme une surface de chevauchement, en dépit du fait qu'elle est fortement redressée. En fait le tracé de cette cassure se place dans le prolongement de celui de la faille de Serre Piarâtre, qui a un rejet extensif, d'abaissement de sa lèvre orientale ; or elle un pendage similaire et la torsion des couches de ses deux lèvres (dans le sens antiforme en lévre ouest et synforme en lèvre est) peut s'interpréter comme un crochonnement induit par un tel rejet.

En franchissant cette cassure on pénêtre dans l'unité du Ponteil : celle-ci s'apparente à la nappe de Champcella par sa stratigraphie post-triasique épaisse et peu lacuneuse, mais elle en diffère par le fait qu'elle est dépourvue de terrains antérieurs au Jurassique moyen et notamment de calcaires triasiques (elle se rapproche même des successions subbriançonnaises par son Crétacé inférieur bien développé, qui comporte des niveaux de brèches). Quoi qu'il en soit on ne peut guère la rattacher à cette nappe de Champcella du point de vue tectonique car elle disparaît en rive gauche du ravin de Tramouillon en s'enfonçant apparemment en contrebas de la dalle permo-triasique de la base de cette nappe (voir la coupe 3, ci-après).

figure plus grande (nouvelle fenêtre)

Coupes des pentes de rive droite de la Durance à la latitude de Chanteloube (extrait de J.DEBELMAS 1955a, pl.IV)
La coupe 1, orientée W-E, suit la rive gauche du torrent du Bouffard et les coupes 2 et 3, orientées plus SW-NE, suivent respectivement la rive droite et gauche du torrent de Tramouillon.
ØBr = accident du front du Briançonnais ; ØCp = surface de chevauchement de la nappe de Champcella ; f.rC = faille de Roche Charnière ; f.sP = faille de Serre Piarâtre (a = branche W, b = branche E) ; f.P = faille du Pouit ; f.D = faille de la Durance.
coupes suivantes, vers le nord, en page "Tête de Gaulent")

Dans les pentes inférieures du versant, dès les abords sud du village du Ponteil, les couches post-triasiques de l'unité du Ponteil sont recouvertes en chevauchement par un ensemble très différent que l'on peut désigner comme l'unité des Huissières, du nom d'un rocher de taille pluri-hectométrique (formé de quartzites) qui se détache de façon assez spectaculaire en rive droite du torrent de Tramouillon.

Contrairement à celle du Ponteil, cette unité est essentiellement formée par du matériel siliceux, ce pourquoi J. Debelmas l'attribuait à la base de la nappe de Champcella, considérant que ce matériel siliceux se poursuivait , à l'est de la faille du Pouit, sous le plateau des Pasques, qui est formé par la dalle triasique de cette nappe.

Mais il apparaît que cet auteur sous-estimait ainsi l'importance du jeu d'abaissement de la lèvre orientale de cette faille du Pouit. En effet le paléozoïque des Huissières, qui se poursuit vers le sud jusqu'au hameau des Ponses, est frangé du côté occidental par une couverture de terrains mésozoïques qui comporte des calcaires triasiques peu épais (à la différence de ceux de de la nappe de Champcella) lesquels supportent une série jurassique plutôt réduite (ce qui contraste avec l'épais Dogger de cette nappe, ainsi que de l'unité du Ponteil). Ces considérations stratigraphiques porteraient donc plutôt à attribuer cette unité à la nappe de Roche Charnière. Quoi qu'il en soit l'unité des Huissières doit apparemment être considérée comme un élément inférieur à la nappe de Champcella, dont la situation est due à son surhaussement par le jeu de la faille du Pouit.

c) Au sud du torrent de Bouffard le matériel de la nappe de Roche Charnière se poursuit à flanc de versant vers le sud mais en adoptant une géométrie différente. En effet ses couches ne pendent plus vers l'est mais vers l'ouest , toujours avec un azimut NW-SE, les deux niveaux les plus résistants du Trias calcaire et du Permo-Werfénien quartzitique formant l'ossature des échines boisées situées respectivement au nord et au nord-est du hameau du Villard.

Cela suggère qu'il s'agit en fait du flanc ouest de l'anticlinal du Bouffard qui est seul conservé, la faille de Serre Piarâtre ayant coupé le pli en biais.

D'autre part, en contrebas nord-est du hameau du Villard, au delà du tracé de la faille (que souligne le vallonnement dans lequel tombent les éboulis de quartzites de la Casse Blanche), l'échine qui s'élève depuis les Preyts jusqu'au collet des Prés d'Eymard pose un problème : elle est formée de quartzites qui pendent modérément vers l'ouest en coiffant une puissante échine de grès houillers. Ces derniers semblent reposer en chevauchement sur les couches mésozoïques de l'unité du Ponteil, à la façon d'une klippe. On peut envisager qu'elle appartienne à l'unité des Huissières (ou, moins plausiblement, à celle de Roche Charnière), mais l'interprétation de cet élément structural, qui buterait du côté occidental contre la faille de SP semble néanmoins plutôt énigmatique.

Plus au SE, après la large interruption des affleurements dans le vallonnement de Basse Rua, on retrouve les mêmes couches, disposées en lame redressée selon le même azimut, pour former l'arête rocheuse qui traverse le versant à l'est du hameau de Mikéou. Enfin cette disposition se poursuit au sud du ravin de Piolet pour armer la crête rocheuse qui s'abaisse jusqu'à la Durance en passant par le hameau de l'Église et du cimetière de Réotier (voir la page " Réotier").

Il semble assez clair que cette bande de couches appartient bien à la nappe de Roche Charnière mais que la succession de cette nappe est redressée là le long d'une cassure sub-verticale : il apparaît d'ailleurs assez clairement que celle-ci n'est autre que le prolongement sud-oriental de la faille de Serre Piarâtre.

 



 Voir les colonnes stratigraphiques des diverses unités tectoniques du secteur.
Voir
l'
aperçu général sur la tectonique du Briançonnais et plus précisément celui sur les chaînons à l'ouest de la Durance.
Voir aussi l'aperçu général sur la bordure orientale du Massif du Pelvoux
ouvrage à consulter : DEBELMAS J. (1955a). - Les zones subbriançonnaises et briançonnaises occidentales entre Vallouise et Guillestre (Hautes-Alpes) . Mém. Serv. Carte Géol. France, 171 p., 37 fig., 7 pl., 1 carte géol. et 1 schéma struct.

voir la carte structurale du Briançonnais méridional.
catalogue des cartes locales de la section Briançonnais


cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuille Guillestre

Carte géologique simplifiée des abords du confluent Guil - Durance
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074

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