Stratigraphie de l'Urgonien du massif du Vercors

vues les plus récentes et interprétation paléogéographique


a/ Résumé de la nomenclature concernant le découpage stratigraphique de l'Urgonien au sens large.

[extraits de la publication "Répartition stratigraphique des orbitolinidés de la plate-forme urgonienne subalpine et jurassienne (SE de la France)" par Hubert ARNAUD (Géologie Alpine, 1998, t. 74, p. 3-89)]
(avec de légères retouches et additions par M.Gidon)

N.B. La stratigraphie séquentielle (colonnes 3 et 4) découpe la succession en mégaséquences, correspondant à des cycles sédimentaires successifs, séparés par des épisodes d'abaissement du niveau marin : elles débutent donc par des discontinuités importantes, qui définissent leurs surfaces basales, désignées par le préfixe "Sb"). Le maximum d'"inondation" = mfs (= maximum flooding surface), c'est-à-dire le niveau marin le plus élevé du cycle se situe plus ou moins tôt avant la fin de la séquence : il est souvent marqué par un niveau marneux dont le nom est indiqué dans la colonne 4.
La colonne de droite (6) donne la nomenclature des "membres" sédimentaires distingués par Arnaud et al. dans les travaux antérieurs à 1994.



figure agrandissable

 

 

b/ Description lithostratigraphique de l'Urgonien au sens large

[mêmes sources que ci-dessus]

Depuis plus d'un siècle, de très nombreuses études ont été consacrées aux calcaires de plate-forme du Barrémien-Aptien inférieur, tant dans les massifs subalpins septentrionaux que dans le Jura. Il en a résulté de nombreuses dénominations concernant des ensembles lithologiques, souvent mal définis, dont l'usage s'est révélé relativement malcommode, en particulier pour les séries du Jura. Nous n'y reviendrons pas dans la mesure où l'historique et l'évolution de la lithostratigraphie de ce secteur ont été largement détaillés, notamment dans les publications les plus récentes [Blanc-Alétru, 1995].
Parmi les dénominations, les plus fréquentes sont celles de calcaires urgoniens ou d'Urgonien, termes qui, depuis le siècle dernier, ont été réservés dans le Sud-Est de la France et en Suisse romande aux formations caractérisées par la présence et l'abondance des calcaires à rudistes.
Plus récemment, en raison de l'organisation faciologique et géométrique des dépôts, nous avions proposé de distinguer deux formations superposées [Arnaud, 1981; Arnaud et Arnaud-Vanneau, 1991]:
- à la base, la formation des Calcaires de Glandasse, comprise entre la base du Barrémien et la zone à Sartousiana du Barrémien supérieur;
- au sommet, la formation des Calcaires urgoniens située au-dessus du maximum de transgression de la zone à Sartousiana du Barrémien supérieur, est subdivisée en trois membres et s'étend largement sur tous les massifs subalpins septentrionaux et une partie du Jura.

1. Définition de la Formation des Calcaires de Glandasse

La Formation des Calcaires de Glandasse est constituée de calcaires bioclastiques épais qui affleurent sur de très grandes surfaces, à l'extrémité sud-est du Vercors. Plus au nord, elle affleure encore très largement dans la partie sud du Plateau du Veymont et forme la falaise orientale du Vercors jusqu'à la faille de Carette. Elle s'amenuise progresssivement au nord de celle-ci et disparaît presque complètement à partir des Deux Soeurs. À l'ouest, les Calcaires de Glandasse sont bien développés dans la partie sud de la Forêt de Lente, puis ils disparaissent progressivement par onlaps jusqu'à Combe Laval et à la vallée de la Vernaison où ils forment seulement le soubassement peu épais des Calcaires urgoniens.

Origine du nom: La Formation des Calcaires de Glandasse tire son nom du plateau de Glandasse, à l'extrémité sud-est du Vercors, où les calcaires bioclastiques épais qui la constituent affleurent sur de très grandes surfaces.

Lithologie: les faciès bioclastiques grossiers dominent. Les faciès oolitiques et les niveaux à madréporaires sont localement bien développés. Les bancs à rudistes sont trés rares, mais peuvent s'observer parfois à l'extrémité amont des terminaisons en onlaps. Vers le bassin, les calcaires bioclastiques passent latéralement à des calcaires argileux et marnes trés épais qui n'appartiennent plus à cette formation.

Niveau stratigraphique: Barrémien inférieur et base du Barrémien supérieur, jusqu'à la zone à Sartousiana pro parte (de la limite de séquence de dépôt SbB 1 au maximum de transgression de la séquence BA3).

Coupes de références: partie nord du Plateau de Glandasse (coupe du Pas de l'Essaure au flanc nord du sommet du Rancou en passant par La Montagnette et la Croix de Lautaret). Pour la partie supérieure, d'autres coupes peuvent être également considérées: partie sud du plateau du Veymont jusqu'à la base des marnes de Font Froide, cirque d'Archiane jusqu'à la base des marnes de Tussac ou des marnes de Baume Rousse.

2. Définition de la Formation des Calcaires urgoniens

Dans cette région, la Formation des Calcaires urgoniens sensu Arnaud [1981] correspond à l'ensemble des couches situées au-dessus de la base des marnes de Font Froide, c'est-à-dire au-dessus du toit des Calcaires de Glandasse, niveau le plus riche en Camereiceras limentinus (THEULOY) de la zone à Sartousiana du Barrémien supérieur (horizon à limentinus de Delanoy [1996, 1997]). De par cette définition, il est clair que les calcaires essentiellement bioclastiques qui constituent le Mont Aiguille et la falaise orientale du Vercors depuis les Rochers du Parquet jusqu'au Pas Morta, légèrement au sud de la faille de Carette, n'appartiennent pas aux Calcaires urgoniens, mais aux Calcaires de Glandasse car ils sont situés au-dessous des marnes de Font Froide ou, au nord, de son équivalent latéral bioclastique [Arnaud, 1981, fig. 69]. Ce n'est qu'au nord de la faille de Carette que les Calcaires urgoniens forment progressivement la totalité de la falaise qui court vers le nord-est du Vercors jusqu'au Moucherotte.

Origine du nom: dénomination utilisée historiquement depuis le XIX° siècle (D'Orbigny, 1847) pour désigner, dans les massifs subalpins septentrionaux, les calcaires de plate-forme, souvent riches en rudistes, comparables à ceux de l'Urgonien de la localité-type d'Orgon (extrémité orientale des Alpilles, 6 km au sud de Cavaillon).

Lithologie: les Calcaires urgoniens sont constitués essentiellement par des calcaires à rudistes et, accessoirement, par des calcaires bioclastiques. Des niveaux marneux subordonnés, localement très développés, existent également dans la partie supérieure de la formation (par exemple les couches inférieures à orbitolines). À ces Calcaires urgoniens sensu stricto on peut ajouter aussi, par commodité, les calcaires à silex et les calcaires argileux hémipélagiques qui en sont les équivalents latéraux jusqu'à quelques kilomètres au plus à l'extérieur de la bordurc de la plate-forme urgonienne (par exemple le sud du plateau de Vassieux et la région de Plan de Baix).

Niveau stratigraphique: Barrémien supérieur (à partir de la zone à Sartousiana) et Aptien inférieur (Bédoulien) pro parte (prisme de haut niveau de la séquence de dépôt BA3, séquences BA4, BA5 et AP1).

Coupes de références: deux coupes peuvent servir de référence.
- La coupe du Col de Rousset, sur la bordure de la plate-forrne urgonienne, caractérisée par la prépondérance des faciès bioclastiques. Les Calcaires urgoniens débutent au-dessus de la base des marnes de Font Froide. La partie inférieure de la coupe, représentée en ce point par des calcaires argileux et des marnes, passe latéralement vers le nord à des calcaires récifaux à madréporaires, puis à des faciès à rudistes (plateau de Vassieux et plateau du Veymont). La partie supérieure de la coupe était jadis surmontée, près de la sortie nord de l'ancien tunnel, par les marnes grésoglauconieuses de l'Aptien-Albien.
- La coupe des Gorges du Nant, dans le Vercors septentrional, au-dessus de la limite de séquence de dépôt SbB3 localisée quelques mètres au-dessus de la base des affleurements, le long de la route de Cognin à Malleval. La partie terminale des Calcaires urgoniens y est érodée sous la surface de discordance antésénonienne.

c/ Organisation géométrique, dans l'espace, des corps stratigraphiques constituant l'Urgonien au sens large

1/ coupe synthétique du passage entre plateforme jurassienne et domaine vocontien sur la transversale du Vercors

[figures extraites de ADATTE, ARNAUD et al. 2005; présentation retouchée par M.GIDON 2007 ]


Les couleurs indiquent les faciès et donc les formations (en blanc les dépôts de décantation hémi-pélagique, plus ou moins marneux, en vert les terrigènes d'origine littorale, en orange les dépôts bioclastiques, en jaune les dépôts de plateforme confinée ou construits).
Les "basin floor fans"(en mauve) sont des cônes d'épandage profonds formés par les matériaux bioclastiques qui ont réussi à dévaler, en avalanche, toute la hauteur du talus.
Les traits noir fins représentent les surfaces de strates ; les traits noirs gras représentent les surfaces de lacunes sédimentaires (érosions liées aux baisses de niveau marin) ; les traits rouges gras représentent les surfaces de base (dénommées par Sb**) des mégaséquences successives (= début des cycles sédimentaires).


On trouvera ci-après des figures [extraites de l'ancien cours (1988) de l'auteur du site] qui tentent de résumer les divers types de rapports géométriques pouvant exister entre les paquets de strates et les conditions paléogéographiques qui les génèrent, notamment en termes de variations du niveau marin (le cas envisagé est celui des accumulations terrigènes et non carbonatées mais le principe de l'ordonnancement géométrique est le même) :


version plus grande de cette image

Géométries fondamentales, originellement mises en évidence par l'analyse des enregistrements sismiques pratiqués "off-shore" :
Les surfaces de strates (ici plus exactement des limites de "paraséquences" limitées par des rélecteurs sismiques) se recoupent selon des surfaces majeures, qui traduisent des discontinuités dans l'enregistrement sédimentaire. Elles sont repérables par des géométries de discordance angulaire de types divers ("onlap", "toplaps" ou "downlaps") qui mettent en évidence le fait que les dépôts s'effectuaient sur des fonds marins présentant des paléopentes. Les paquets de strates séparés par ces différentes discontinuités sont des "prismes" sédimentaires que l'on peut regouper en "mégaséquences". Ici la mégaséquence B succède visiblement à celle A et, dans les deux cas, le prisme 2 se dépose en contrebas du prisme 1 en s'appuyant sur une paléopente construite par la sédimentation antérieure.


Les deux configurations paléogéographiques extrèmes et la répartition des dépots par rapport à la plate-forme et à son talus (comparer les coupes 1 et 2 avec celles de même numéro de la figure précédente).
La nature des dépôts dépend de facteurs variés, dont la bathymétrie. Sa détermination s'ajoute à l'observation de la géométrie sédimentaire pour permettre de distinguer
1) les "prismes de haut niveau", qui se sont accru en recouvrant la partie supérieure du talus littoral ;
2) les "prismes de bas niveau", qui sont au contraire des banquettes sédimentaires appuyées sur les pentes plus ou moins basses du talus.


Organisation des paquets de strates selon les épisodes de l'évolution paléogéographique, en fonction du sens de mouvement du niveau marin et de sa vitesse relative par rapport aux taux d'apport de sédiments.
1) PHN = prisme de haut niveau (=HST = high stand tract)
2) PBN = prisme de bas niveau (=LST = low stand tract) ; b désigne la surface correspondant à l'abaissement du niveau.
3) IT = intervalle transgressif (=TST = transgressive system tract) ; 4) : idem au début de la hausse du niveau.


 

 


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Dernières retouches apportées à cette page le 9/04/13