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181 -Géologie alpine, 1996, t.72, p. 35-59.

VUES NOUVELLES SUR LA STRUCTURE DES MASSIFS DES BORNES ET DES BAUGES ORIENTALES

par Maurice GIDON * Rue des Edelweiss, 38500 VOIRON


figures (nouvelle fenêtre)

On trouvera, en rouge, quelques commentaires rectificatifs apportés ici par l'auteur, après parution de l'article.

Résumé : Les failles de l'Arcalod (dans les Bauges) et du Charvin (dans les Bornes orientales), d'une part, et (plus hypothétiquement) l'accident médian de Belledonne, d'autre part, ne constituent qu'une seule et même grande cassure. Apparue en faille extensive au Nummulitique elle a ensuite été reprise et en coulissement (comme prolongement du grand cisaillement dextre Simplon-Rhône), puis finalement déformée par enroulement lors de la surrection de l'antiforme des massifs cristallins externes. Le synclinal de Serraval - Arclusaz est l'un des responsables de cette déformation posthume. Au sens strict il ne représente que le tronçon intéressant les massifs des Bornes et des Bauges d'un grand "synclinal bordier des massifs cristallins externes" qui s'est formé après la phase de plissement général des massifs subalpins septentrionaux et en recoupe les virgations. La géométrie des autres failles du massif témoigne également d'une tectonique polyphasée analogue à celle antérieurement reconnue à la latitude de Grenoble. Ces conclusions permettent de mieux préciser la chronologie des étapes de déformation des massifs subalpins septentrionaux. Elles contredisent beaucoup des arguments avancés en faveur de l'hypothèse d'un éventuel chevauchement profond des massifs cristallins externes des Alpes septentrionales françaises et conduisent à envisager d'autres schémas explicatifs pour les rapports de ces derniers avec les chaînes subalpines septentrionaux.

Mots Clés : Bauges, Bornes, décrochement, chevauchement, plis, failles, tectonique polyphasée.

 

TECTONICS OF THE BORNES AND EASTERN BAUGES MASSIFS (FRENCH EXTERNAL ALPS, HAUTE-SAVOIE, FRANCE) : NEW DATA AND THEIR REGIONAL SIGNIFICANCE

 

Abstract : In the Bauges and Bornes massifs, the Arcalod faults and the Charvin faults are two parts of a single great fault zone. They were originally connected with the « accident médian », which cuts down through the crystalline massif of Belledonne. This major fault appeared first, in Nummulitic times, as an extensive normal fault. It was reworked by right-lateral strike-slip after the general folding of this massifs had occured. Its fault plane was finally twisted by the overall folding which created both the antiformal updoming of the Belledonne massif and the major Serraval - Arclusaz syncline of the Bornes and eastern Bauges massifs. This syncline is only part of a greater one which runs, striking south to north, from the Vercors to the Thunersee of Switzerland. This major fold crosscuts all the other folds of these Subalpine massifs and is not buckled by their embayments. So it represents the later deformation of these massifs. Several other faults, also created in Nummulitic times or before, owe their present twisted shape to such a succession of several superimposed tectonic phases. The number of these phases is at least five and their characters are analysed and discussed. The early thrusting and the main folding of the Subalpine massifs occured before the uplift of the crystalline basement of Belledonne and, so, cannot be due to it. The origin of this very late updoming is more likely related to a wide folding of the crystalline basement, associated with right-lateral shear, than to a deep westward thrusting.

 

Key words : Bauges, Bornes, strike-slip, thrusts, folds, faults, superimposed tectonics.


Dans cet article seront étudiés en premier lieu les rapports entre le grand synclinal de Serraval, qui sépare la partie ouest des Bornes de la chaîne des Aravis (fig. 1), et les deux groupes de failles de l'Arcalod et du Charvin, qui en affectent respectivement l'un et l'autre flanc (fig. 2 et 3). Ces failles étaient considérées comme étrangères les unes aux autres et leur interprétation était plutôt énigmatique pour les premières et discutée pour les secondes. On montrera qu'elles ont en fait des rapports étroits et qu'elles se rattachent à celles du socle des massifs externes des Alpes septentrionales, d'une façon qui n'avait pas été envisagée. Partant de là, cette étude a en outre conduit à une révision générale des rapports entre les différents éléments structuraux des Bauges et de Bornes. En particulier elle a mis en évidence le rôle majeur et la signification particulière, également méconnus à ce jour, du synclinal de Serraval (dit aussi "synclinal de Thônes").

Les données utilisées sont d'une part les cartes géologiques existantes (feuilles Annecy - Ugine [Rosset et al., 1977], Annecy - Bonneville [Charollais et al., 1986] et Cluses [Pairis et al., 1992]) et d'autre part (en particulier dans les Bauges, où la carte Albertville n'est pas encore parue) de nombreuses observations de terrain de l'auteur.

On se référera d'autre part, dans l'analyse du déroulement chronologique de la déformation tectonique, aux résultats d'une étude antérieure portant sur les massifs situés à la latitude de Grenoble [Gidon, 1981b] : celle-ci a mis en évidence la succession de trois phases compressives, la première (P1) créatrice de failles inverses précoces, la seconde (P2) au cours de laquelle sont apparus la plupart des plis qui constituent le trait tectonique essentiel des massifs subalpins septentrionaux, et la troisième (P3) responsable de leurs diverses déformations ultimes (chevauchements, décrochements et plis transaxiaux).

1. - DONNÉES DE BASE

1.1. Le synclinal de Serraval

Le nom de synclinal de Serraval désigne ici le pli majeur qui suit la bordure occidentale de la chaîne des Aravis, en passant par La Clusaz. Cette désignation fait référence à celle, plus anciennement pratiquée, de "synclinal de Serraval - Le Reposoir" [Moret 1934], abandonnée plus récemment par plusieurs auteurs [Rosset et al., 1971 ; Rosset et al., 1977 ; Pairis et al., 1992], qui lui ont préféré celle de "synclinal de Thônes". Mais ce dernier nom porte à confusion, d'abord parce que l'axe du pli majeur qui nous intéresse passe plus de 12 km à l'est de la localité de Thônes, ensuite parce que le terme de "synclinal de Thônes" a par ailleurs été utilisé aussi (notamment par Charollais et al., 1986) pour désigner (très pertinemment) un synclinal mineur, plus occidental, qui passe précisément par la localité de Thônes (fig. 2) : il y sépare l'anticlinal du Bargy de celui, également mineur, du Mont Durand.

Le synclinal de Serraval se prolonge d'une façon évidente au sud de la cluse de Faverges, en dépit des failles qui l'y recoupent, par les affleurements de Nummulitique qui pénètrent, par Seythenex, dans l'extrémité nord-est du massif des Bauges. Il passe à peu près par le sommet de La Sambuy et la portion du massif des Bauges située au sud-est de ce sommet, entre la Cluse de Faverges - Ugine au nord et le Pécloz au sud, appartient donc à son flanc oriental. On verra qu'il se prolonge en fait jusqu'au rebord subalpin où il s'identifie au synclinal de l'Arclusaz, spectaculairement visible depuis la vallée de l'Isère en amont de Montmélian. Le vocable de synclinal de Serraval sera donc réservé à sa portion propre aux Bornes, tandis que, considéré dans son ensemble, ce pli pourra être appelé synclinal de Serraval-Arclusaz. (fig. 2).

C'est au coeur de ce pli que se logent les klippes préalpines des Annes et de Sulens (lesquelles sont d'ailleurs un peu excentrées vers l'ouest par rapport à son axe). La postériorité de sa formation du synclinal de Serraval par rapport à la mise en place des nappes d'origine interne, auxquelles se rattachent ces klippes, en découle avec évidence, et elle a d'ailleurs été reconnue depuis longtemps. Par contre ce synclinal a toujours été rangé dans la même catégorie que les autres plis des massifs subalpins septentrionaux (plis P2). On verra que ses caractéristiques l'en distinguent pourtant et lui confèrent une place différente dans la tectogénèse.

1.2. La faille de l'Arcalod

Cette cassure est un accident majeur, puisqu'on peut la suivre, sur plus de 35 km, de Saint-Pierre-d'Albigny à Serraval, avec des rejets verticaux variables mais toujours pluri-hectométriques [Doudoux, 1973]. Dès sa mise en évidence [Doudoux, 1973] son caractère post-nappes a été souligné, de même que le fait qu'elle coupe en biseau très aigu les plis subméridiens (P2) des deux massifs des Bauges et des Bornes. Cartographiquement elle possède un caractère décrochant accusé [Doudoux, 1973] : par exemple le décalage qu'elle inflige au synclinal de l'Arclosan, qui se prolonge indubitablement, à l'est de la faille, par celui du Pécloz (fig. 2) est de 4 à 5 km si on le mesure perpendiculairement aux axes de plis et atteint près de 15 km selon la direction du tracé de la faille.

Il faut ajouter à ces données quelques précisions supplémentaires nouvelles :

1) C'est en fait, comme on le voit déjà dans sa partie septentrionale, sur la carte Annecy - Ugine [Rosset et al., 1977], un faisceau de plusieurs failles qui constitue un couloir fracturé large de deux kilomètres (fig. 2). Trois failles principales peuvent y être distinguées et suivies vers le sud, au moins jusqu'au delà de l'Arcalod. Les deux plus occidentales encadrent ce sommet et la plus orientale suit à peu près le tracé supérieur du vallon de Saint-Ruph (ici orienté N-S). Au sud d'École ce faisceau se réduit à une seule faille qui se poursuit dans les pentes occidentales de la montagne d'Arclusaz jusqu'à la combe de Savoie. L'orientation de son plan de cassure, en moyenne N20, s'infléchit en fait, du nord vers le sud, depuis N30 (environs de Faverges) jusqu'à N10 (environs de Saint-Pierre-d'Albigny), en même temps que son pendage passe de la verticale à une valeur inférieure à 40° vers l'est lorsqu'elle disparaît sous la combe de Savoie.

2) Il faut distinguer ce faisceau, orienté presque N-S, de celui des décrochements dextres tardifs, beaucoup moins méridiens puisque NE-SW, tels ceux de Saint-Ruph et de Sainte-Reine - Orgeval (fig. 2). Contrairement à ce qui avait été d'abord admis [Doudoux, 1973], il en est indépendant et ces décrochements ne peuvent pas être considérés comme des failles secondaires émanant de la faille de l'Arcalod. L'examen sur le terrain montre sans ambiguïté que ces décrochements recoupent et déforment le tracé des diverses cassures du faisceau de l'Arcalod. Ce fait est spécialement évident pour le décrochement de Sainte-Reine aux abords nord-est et sud-ouest du Mont de la Coche (arêtes sud de l'Arcalod).

D'autre part ces décrochements ne s'amortissent guère en s'éloignant de leur intersection avec la faille de l'Arcalod. La carte [Rosset et al., 1977] montre en effet (bien qu'elle ne l'indique pas explicitement) que les décrochements de Saint-Ruph et de Sainte-Reine - d'Orgeval, se prolongent très vraisemblablement jusqu'au delà de la crête urgonienne orientale de la chaîne des Aravis (fig. 2). Le premier tranche le bord sud-est des affleurements ultrahelvétiques à l'est du col de l'Épine, entre Marlens et les abords sud du Col du Fer, où son passage explique que le Tertiaire autochtone du flanc est du synclinal de Serraval y soit réduit à presque rien ; le second passe par Frontenex puis limite, à l'est de Cons-Sainte-Colombe, le paquet le plus méridional des affleurements ultrahelvétiques avant d'aller traverser en oblique la cluse de Faverges - Ugine, à son coude le plus septentrional.

3) Contrairement à ce que suggère l'orientation très analogue de leurs tracés et certains aspects de leurs rejets, la faille de l'Arcalod et les failles extensives N20 de la Chartreuse et du Vercors ne sauraient avoir le moindre rapport de parenté : les secondes sont en effet nettement plus anciennes, puisque datées du Crétacé (Aptien le plus souvent [Gidon, 1992]) ou de l'Oligocène. On verra d'ailleurs que des failles de cette famille sont également présentes dans les Bauges comme dans les Bornes et y ont enregistré les déformations de diverses phases compressives.

1.3. Le faisceau de failles du chaînon du Charvin

Il est principalement constitué par les trois belles failles qui coupent la crête orientale du chaînon des Aravis au sud du col du même nom. Ce sont, du nord au sud, les failles du Merdassier, de l'Étale et de la Goenne (fig. 2) . Il s'agit de cassures inclinées vers le sud, dont le compartiment méridional (supérieur) est abaissé de plusieurs centaines de mètres par rapport à celui du nord : elles appartiennent donc sans ambiguïté à la catégorie des failles normales. Il faut adjoindre à ce faisceau la faille du collet de l'Alpette, qui recoupe l'extrémité nord de l'arête de la Dent de Cons (fig. 2) . Bien que plus méridionale et plus isolée elle a les mêmes caractéristiques de pendage et de rejet (ce qui n'apparaît qu'imparfaitement dans la manière dont elle est représentée sur la feuille Annecy-Ugine [Rosset et al., 1977]).

Le dessin cartographique de toutes ces failles, en chevron pointant vers le nord à la traversée de la crête ("V topographique"), exprime la relativement faible inclinaison de leur surface de cassure, et le fait qu'on perde leur tracé dans le versant oriental du chaînon semble indiquer qu'elles s'y amortissent au niveau de la combe des Terres Noires [Rosset et al., 1977]. En fait, plus au sud, dans les pentes situées au nord-ouest d'Ugine (Les Carrons) ces Terres Noires viennent directement et brutalement en contact avec le Néocomien qui affleure en bordure occidentale de cette combe [Rosset et al., 1977]. Cet accident, par le sens et l'ampleur analogues de son rejet, représente évidemment le prolongement méridional des failles du Charvin, réunies en un unique grand accident sur lequel se rassemble tout leur rejet extensif. C'est également sur lui que se branche également, à l'ouest d'Ugine, la faille du collet de l'Alpette. Ce grand accident, extensif dans la direction NW-SE, se poursuit ensuite vraisemblablement à l'ouest d'Albertville (sans doute quelque part dans le secteur d'Allondaz), dans les Terres noires ou le Dogger, avant que son tracé ne se perde sous les alluvions de la vallée de l'Isère.

La faille de la Goenne (n°5, fig. 2) a été interprétée comme la surface de chevauchement d'une "unité du Charvin" sur une "unité des Aravis" [Doudoux et al. 1982 et 83 ; Guellec et al. 1989 ; Doudoux et al. 1992]. Ces auteurs considèrent en effet que les différences, en termes de sédimentation nummulitique, entre ses deux compartiments seraient suffisantes pour les considérer comme des unités originellement plus distantes, qui auraient été rapprochées et imbriquées par charriage. Mais le rejet extensif de cette cassure (qui amène le Nummulitique en repos sur l'Hauterivien) interdit de retenir cette interprétation, d'autant que les différences stratigraphiques entre les dépôts tertiaires de ses deux lèvres sont attribuables à son jeu synsédimentaire au Nummulitique [Villars et al. 1988].

Il reste que l'angle que fait cette faille avec la surface topographique de la rive droite du Fier est faible, donc plutôt proche de celui que l'on attendrait d'un chevauchement (ce qui a d'ailleurs dû être également à l'origine de son interprétation de cette façon). En fait c'est le pendage de toutes les cassures de ce faisceau qui est anormalement faible pour des failles normales et qui pose donc question (sa cause sera examinée plus loin).

2. - RELATIONS ENTRE CES ACCIDENTS

2.1. Rapports entre les faisceaux de failles de l'Arcalod et du Charvin

2.1.1 Connexion cartographique par le nord

À son extrémité septentrionale, lorsque le faisceau de failles de l'Arcalod pénètre dans le Tertiaire du flanc ouest du synclinal de Serraval, les repères qui permettaient d'en localiser le tracé disparaissent du fait de la monotonie de la succession des flyschs nummulitiques (d'abord autochtones, puis de en plus allochtones). On ne suit clairement son prolongement que sur une distance de 3 à 4 km (jusqu'au hameau du Veuillet, au nord de Serraval [Doudoux, 1973]). Plus au nord la cartographie [Rosset et al., 1977] montre que ce tracé ne saurait se poursuivre selon une direction subméridienne car le flanc occidental du synclinal de Serraval ne montre plus de failles ayant les caractéristiques voulues. On ne saurait pourtant envisager un amortissement aussi rapide, compte tenu de l'importance du rejet que ce système de failles inflige aux plis traversés plus au sud. Aussi la carte Annecy-Ugine [Rosset et al., 1977] indique-t-elle que la faille occidentale se poursuit bien, mais s'infléchit vers l'est au nord de la klippe de Sulens. Elle y recouperait la surface de charriage des unités ultrahelvétiques, avant de se perdre dans les pentes regardant vers Manigod.

En fait les données de la carte s'interprètent de façon encore plus satisfaisante (fig. 2) en considérant (1) que cette faille se connecte, à travers la vallée du Fier, à celle de Merdassier ; (2) que ce versant est traversé aussi par les deux autres des trois principales failles du faisceau de l'Arcalod (fig. 4).

Cette interprétation est d'autant plus convaincante qu'elle rend compte de la frappante absence de symétrie de la structure de la klippe de Sulens, dont l'origine pose un problème qui a toujours été éludé :

- Cette dissymétrie se manifeste en premier lieu par l'amincissement vers l'ouest, puis la disparition presque totale, sur ses marges nord et ouest, des lames de Tithonique - Berriasien de l'Ultrahelvétique, qui ceinturent sur tous ses autres cotés le soubassement de la klippe des Médianes. Elles sont ici réduites à un chapelet de copeaux dispersés dans les flyschs, ce qui apparaît a priori comme une dilacération en écailles ou en olistolites. Mais on peut l'expliquer au moins aussi bien par le jeu en l'escalier de nos trois failles, chacune ayant, tour à tour, pour effet d'abaisser ces unités ultrahelvétiques du côté sud et d'empêcher ainsi leurs terrains d'affleurer plus largement (fig. 4).

- elle se manifeste en deuxième lieu par le fait qu'à l'extrémité nord-ouest de la klippe de Sulens proprement dite on n'observe pas, comme sur ses bords est et sud, le repos de la semelle triasique de la série charriée, en quasi accordance sur le Nummulitique. Au contraire les divers terrains de la klippe (du Trias au Lias supérieur) viennent, au gré des plis (propres à la klippe) qui les affectent, en contact direct avec le Tertiaire affleurant plus au nord-ouest. Cela montre bien que ce bord de la klippe est tranché par une faille, dont la cartographie indique d'ailleurs qu'elle est fortement inclinée vers le sud-est (fig. 2 et 4).

- Dans l'optique de cette interprétation les tracés des failles doivent suivre d'abord les alignements de ces lambeaux de matériel jurassique et crétacé ultrahelvétique puis, plus à l'est, emprunter les limites des unités ultrahelvétiques plus étoffées qui se superposent dans le versant de rive gauche du cours supérieur du Fier (fig. 2). Cela aboutit à une géométrie très plausible de ces tracés, puisque les surfaces tectoniques qui séparent ces unités coupent bien leur succession stratigraphique en oblique, dans le sens voulu, et finissent par intersecter aussi la surface basale du charriage de l'ensemble ultrahelvétique. Il est particulièrement démonstratif que cela les amène, à tour de rôle, à couper cette surface majeure, dans le thalweg du Fier, exactement aux endroits où aboutissent successivement, en venant de l'autre rive, les tracés des failles du faisceau du Charvin (fig. 2).

En définitive la conjonction de ces diverses considérations étaye fortement l'idée que les trois failles du faisceau de l'Arcalod se connectent respectivement aux trois de failles du faisceau du Charvin, après avoir contourné par le nord la klippe de Sulens (fig. 4). La symétrie de structure que présentent les deux faisceaux de failles, l'un et l'autre s'épanouissant vers le nord en une gerbe de trois failles et se concentrant en une seule faille vers le sud, est encore un argument supplémentaire en faveur de cette manière de voir.

2.1.2 Caractéristiques du système résultant

2.1.2.1 - Géométrie et caractère du mouvement

La géométrie actuelle du dispositif tectonique ainsi reconnu se caractérise par la connexion de deux faisceaux de failles à première vue assez différents puisque celui de sa limite ouest (Arcalod) est essentiellement coulissant et orienté N-S tandis que celui de sa marge nord-est (Charvin) est formé de failles normales presque E-W. Mais la direction et le sens des rejets y sont finalement à peu près les mêmes, le compartiment situé à l'intérieur de la concavité du raccord entre les fractures étant dans chaque cas déplacé vers le sud-est (fig. 5). Enfin dans les deux cas la disposition, en gerbe s'épanouissant vers le haut, des cassures élémentaires de ces faisceaux, évoque identiquement l'amortissement d'une cassure majeure, par subdivision vers le haut de son rejet entre failles secondaires.

Par son rejet fondamentalement extensif et par l'atténuation du pendage de la cassure majeure vers la profondeur ce dispositif fait penser, au premier examen, à une faille de détachement. Ceci est également suggéré par sa forme courbe de son intersection avec la surface topographique, qui évoque en effet assez bien celui d'une crevasse d'arrachement hémicirculaire, qui délimiterait une énorme loupe ayant glissé en direction du sud-est (fig. 5, A). Pourtant la suite montrera que cette interprétation n'est pas correcte, car la géométrie actuellement observable n'est pas celle qui avait cours lors de l'activité des failles.

2.1.2.2 - Rôle déterminant vis-à-vis de l'isolement de la klippe de Sulens

La connexion entre les deux faisceaux de faille fournit une explication très satisfaisante pour la localisation de la klippe de Sulens. En effet la klippe occupe une position en dépression structurale qui est particulièrement favorable à son respect par l'érosion puisque, située déjà presque au coeur du synclinal de Serraval (plutôt à l'amorce de son flanc ouest) elle profite encore du fait que ce coeur de synclinal est ici localement affaissé vers le sud-est par le coup de gouge des cassures qui le recoupent (fig. 4).

2.2. Caractère tardif du synclinal de Serraval

La postériorité de la formation du synclinal de Serraval par rapport à la mise en place des nappes d'origine interne n'est pas douteuse. Par contre ce synclinal n'a jamais été considéré comme différent des autres plis des massifs subalpins septentrionaux (plis P2) bien que, vis-à-vis de ces plis, il se singularise déjà par les trois traits suivants :

- sa longueur d'onde, nettement supérieure puisqu'elle excède dix kilomètres alors que celle des plis P2 est proche de 3 kilomètres (fig. 3 ) ;

- sa grande ouverture et la quasi symétrie de ses deux flancs : c'est presque un synclinal droit, même s'il s'avère en plusieurs points que son plan axial pend plutôt vers l'ouest. Ceci s'oppose au dessin assez fermé, avec un déversement généralisé vers l'ouest ou le nord-ouest des plis P2 ;

- enfin le fait qu'il est le seul à héberger des klippes préalpines (ce qui, bien sûr, est lié entre autres à sa taille).

Or on va voir qu'à ces caractéristiques s'en ajoutent quelques autres qui montrent toutes que le synclinal de Serraval est en fait d'une autre génération que les plis P2 et s'est formé postérieurement à eux :

2.2.1 - Obliquité des plis P2 par rapport au synclinal de Serraval.

Elle se manifeste aussi bien si l'on examine le détail du tracé de chacun des plis P2 que si l'on considère leur dessin d'ensemble.

2.2.1.1 - Si l'on cherche à suivre individuellement les plis P2, qu'il s'agisse de ceux situés à l'ouest du synclinal de Serraval ou de ceux plus orientaux, on constate que la disposition de ces plis les mène nécessairement à recouper l'axe de ce synclinal.

Ceci est mis particulièrement en évidence par les correspondances que l'on peut sans peine établir(fig. 2) entre les plis des Bornes sud-occidentales (secteur de la Tournette) et ceux de l'extrémité nord-est du massif des Bauges (secteur du Pécloz et de la Dent de Cons). En effet les plis du massif de la Tournette ont une direction N0 à N170 qui les conduirait à recouper l'axe du synclinal de Serraval aux alentours de Faverges, s'ils n'étaient interrompus par la faille de l'Arcalod. Mais au delà de ce faisceau de cassures et du coeur tertiaire du synclinal de Serraval on les reconnaît sans peine, à leurs caractéristiques individuelles et à la manière dont ils s'enchaînent, dans les plis que sectionne le rebord subalpin de la Combe de Savoie : le grand anticlinal d'Orchair-Chaurionde y représente en particulier le prolongement décalé de celui de la Tournette tandis que le synclinal du Pécloz, plus méridional, est assimilable à celui d'Arclosan(fig. 2).

De plus la coupe naturelle de l'extrémité nord-est des Bauges montre de nombreux plis mineurs (drag-folds), couchés ou fortement déversés, qui agrémentent, dans le Jurassique, les flancs de ces plis majeurs (fig. 2 et 3). Les plus spectaculaires sont ceux de la Roche Torse, bien visibles depuis la Combe de Savoie ; il s'en développe de même dans le flanc inverse du synclinal de Tamié, sur les pentes de la Dent de Cons. Or la direction de tous ces plis est nettement plus méridienne que celle de l'axe du synclinal de Serraval, ce que souligne d'ailleurs le fait qu'aucun de ces plis ne réapparaît dans la cluse de Faverges - Ugine (qui donne pourtant une coupe complète du flanc est de ce synclinal). Ils doivent donc traverser, comme les plis majeurs qui les portent, l'axe du synclinal de Serraval. En accord avec cette manière de voir, ces plis montrent un plongement axial vers le nord qui est calqué sur le pendage de la dalle urgonienne du flanc oriental du synclinal de Serraval sous laquelle ils s'enfoncent dans cette direction (en effet, comme partout en Bauges, l'Urgonien est moins plissé, par dysharmonie, que le Jurassique).

2.2.1.2 - En ce qui concerne leur organisation générale, les plis P2 situés à l'ouest du synclinal de Serraval décrivent la virgation des Bornes. Ils passent de ce fait d'une orientation axiale sensiblement N0° à N20°, dans les Bauges (fig. 2), à N170 dans le sud des Bornes, puis tournent en sens horaire jusqu'à N70 dans le nord de ce massif, et conservent enfin cette direction en se prolongeant dans celui de Sixt.

Or l'analyse du tracé du synclinal de Serraval montre qu'il n'épouse pas cette virgation (fig. 6). En effet du sud au nord des Bornes il garde imperturbablement sa direction axiale N30. Il ne perd d'ailleurs son obliquité par rapport aux plis P2, que dans le secteur de la transversale Thônes - Manigod, au nord de la klippe de Sulens, où les axes de ces plis prennent passagèrement la direction N30, qui est celle du front de l'arc de virgation des Bornes occidentales. Plus au nord-est, dans toute la moitié nord des Bornes le synclinal de Serraval devient progressivement de plus en plus oblique aux plis P2, au fur et à mesure que leur direction s'infléchit dans le sens horaire. Il passe par La Clusaz, en traversant l'anticlinal du Mont Durand, puis par le col des Annes où ils se superpose au synclinal de Thônes - Grand Bornand, et gagne finalement le secteur de Romme où il vient enfin rencontrer l'anticlinal du Bargy qui appartient franchement à la branche orientale de l'arc des plis P2 (fig. 6). Il aborde d'ailleurs ce pli selon un angle d'intersection assez ouvert, inverse et symétrique de celui qu'il manifeste vis à vis des plis des Bauges, conformément au fait que l'axe des plis P2, de plus méridien dans les Bauges que celui du synclinal de Serraval, est devenu ici moins méridien.

Ces rapports montrent que le synclinal de Serraval - Arclusaz est franchement superposé à la virgation des Bornes occidentales puisqu'il en traverse les deux branches : il est donc postérieur non seulement à la formation des plis P2 mais aussi à leur mise en virgation.

Deux raisons expliquent sans doute pourquoi cette disposition a échappé aux précédents auteurs.

- La première est que, aux approches de la cluse de l'Arve l'intersection du synclinal de Serraval avec les plis P2 est peu lisible sur le terrain car elle se superpose au fort ensellement d'axe qui, parallèlement à la vallée du Giffre, affecte par ailleurs ces plis le long de la marge sud des Préalpes du Chablais (fig. 6). Malgré cela, et en dépit du réseau de failles qui hache le secteur compris entre Cluses et Romme, son passage y est néanmoins perceptible par la déformation qu'y présente la voûte de l'anticlinal du Bargy.

- La seconde est que la virgation des plis P2 se limite apparemment au domaine situé à l'ouest du synclinal de Serraval et semble épargner son flanc est (ce qui donne l'impression que le contenu de ce synclinal se dilate au coeur du massif des Bornes). Il est certain que l'Urgonien de ce dernier secteur, qui constitue l'essentiel de la crête des Aravis, y revêt pratiquement l'aspect d'une dalle monoclinale. Mais cette particularité de détail est fallacieuse, comme le montre l'analyse des plis, de dimensions kilométriques, visibles au revers oriental de la crête des Aravis, où ils affectent de façon particulièrement visible le Tithonique et le Jurassique moyen [Rosset, 1956, Gratier et al. 1973]. En effet ces plis présentent eux aussi une rotation de leur azimut, qui passe de NE-SW pour les plis de Croisse-Baulet et de la Giettaz, au nord-est, à N-S pour ceux des pentes au nord d'Ugine et du Roc Rouge de l'Aiguille de Cons, qui leur correspondent symétriquement, au sud-ouest (fig. 2 et fig. 6). Les plis orientaux des Bornes et des Bauges décrivent donc aussi un arc, qui est similaire et concentrique à celui des Bornes occidentales.

En fait la planéité de la dalle urgonienne des Aravis s'explique certainement par le fait que les plis P2 qu'elle tranche en biais (savoir, du sud au nord, le synclinal Tamié - Cons - La Clusaz puis le synclinal de Thônes - Grand Bornand), sont déjà très ouverts et seulement séparés par le modeste anticlinal du Mont Durand, que l'on a d'ailleurs de la peine à suivre vers le NE, au nord des Confins de La Clusaz. Ce sont seulement de molles ondulations P2 que le flanc est du synclinal de Serraval a donc eu à basculer. Compte tenu de ce que l'on est ici fort près de l'axe du pli P3 il est normal que cela ait induit un redressement des couches selon une direction parallèle à cet axe, et effacé ainsi l'incurvation des axes des plis P2.

2.2.2 - Changement de l'attitude des plis P2, de part et d'autre du synclinal de Serraval

Le flanc oriental du synclinal de Serraval est caractérisé dans les Bornes (versant est des Aravis) par l'attitude subhorizontale, voire le plongement vers l'ouest, des plans axiaux des plis couchés du Jurassique - Crétacé inférieur, que ce soit dans le soubassement autochtone du chaînon des Aravis (plis du Tithonique et du Dogger) ou dans l'Ultrahelvétique [Rosset et al., 1977]. Au contraire dès que l'on passe à l'ouest du synclinal de Serraval les plis sont seulement déversés vers l'ouest et ne le sont même souvent que de façon très modérée, dans les Bornes comme dans les Bauges (fig. 3). Ce changement d'attitude entre les deux flancs du synclinal de Serraval s'explique parfaitement par le basculement des plis P2, obliquement à leur axe, à l'occasion de la formation du synclinal de Serraval.

De la même façon on peut comparer, de part et d'autre du synclinal de Serraval, l'attitude des plis du massif de la Tournette avec celle de leurs prolongements dans les Bauges orientales. Là encore les axes sont subhorizontaux et les plans axiaux simplement déversés pour les premiers (appartenant au flanc ouest), tandis que, pour les seconds (appartenant au flanc est), les plans axiaux sont franchement couchés voire renversés et les axes sont en outre nettement plongeants vers le nord-ouest (fig. 3).

Quels que soient le critère considéré et la transversale aux deux massifs que l'on l'examine on est donc amené à conclure à la torsion des plis P2 par le synclinal de Serraval. Cette torsion est en outre localement visible à l'affleurement, comme on va le voir ci-après.

2.2.3 - Évidence locale de la superposition du synclinal de Serraval aux plis P2.

L'orientation de l'axe du synclinal de Serraval est telle qu'il se dirige, au sud-ouest de La Sambuy, à travers le vallon d'Orgeval (où les conditions d'affleurement sont médiocres), vers le vallon et le col d'Arclusaz, où le rebord urgonien est tranché par les falaises qui dominent la combe de Savoie. Celles-ci en donnent une coupe magnifique qui montre que l'on a là un synclinal composite, formé par l'enchaînement de deux charnières synclinales (fig. 8) : celle, très ouverte et à plan axial subvertical (plutôt à pendage ouest), du col de l'Arclusaz et celle, au contraire couchée vers l'ouest, du Pécloz. La première représente tout simplement le prolongement du synclinal de Serraval, car elle en a bien la forme et se situe exactement dans son axe, tandis que la seconde est celle du prolongement du synclinal P2 d'Arclosan (versant ouest de La Tournette, fig. 2 et 3), plus couché ici du fait de son basculement avec le flanc est du synclinal de Serraval.

Or, à mi-distance entre le vallon d'Orgeval et celui de l'Arclusaz, le flanc inverse du synclinal du Pécloz se montre tordu en synforme par le passage du synclinal de Serraval - Arclusaz, à la faveur de la coupe naturelle de l'arête sud du Mont de la Coche (fig. 8). Cette observation prouve clairement que ce dernier pli est plus tardif que le synclinal du Pécloz et surtout que la géométrie des relations entre ces deux plis relève de la "superposition" de plissement la plus franche, puisque le premier replie les deux flancs du second.

2.2.4 - Le synclinal de Serraval - Arclusaz : une structure tardive de rang supérieur

En définitive tout converge pour montrer que le synclinal de Serraval recoupe tous les autres plis des Bauges et des Bornes, en les tordant obliquement (fig. 9). C'est donc un pli tardif, par rapport au plissement P2.

En outre son flanc oriental est représenté par la tranche sédimentaire, antérieurement plissée lors de la phase P2, de la couverture du massif cristallin de Belledonne et des Aiguilles Rouges. Il n'y a aucune raison de ne pas y englober aussi l'interface socle-couverture, qui pend de la même façon vers l'ouest. On voit alors que ce pli s'enchaîne avec la voussure anticlinale des massifs cristallins externes pour constituer avec elle un couple anticlinal-synclinal. C'est bien ce qu'indiquent d'ailleurs les images sismiques des profils ECORS, qui ne mettent en évidence, à l'interface socle-couverture, aucune perturbation contredisant ce schéma très simple.

Par rapport aux plis P2, d'échelle locale et limités à la couverture, on passe donc, avec lui, à l'échelle supérieure qui est celle, plus régionale, de la déformation du socle des massifs externes des Alpes occidentales.

2.3. Antériorité des failles de l'Arcalod par rapport au synclinal de Serraval

Le faisceau de failles de l'Arcalod et du Charvin, d'une part, et le synclinal de Serraval, d'autre part, sont donc, l'un comme l'autre, postérieurs à la formation du plissement P2 et à la mise en place des nappes. Mais des données de deux ordres montrent que le jeu du système de failles de l'Arcalod a été antérieur à la formation du synclinal de Serraval :

2.3.1 - Particularités de l'inflexion raccordant les deux faisceaux de cassures

du côté du nord, l'inflexion du tracé des failles, grâce à laquelle elles se raccordent en contournant par le nord la klippe de Sulens coïncide très exactement avec la traversée de l'axe du synclinal de Serraval (fig. 2).

du côté du sud on constate une géométrie analogue car le pendage de la faille de l'Arcalod manifeste, dans les parties les plus méridionales de son tracé visible, une atténuation progressive, d'ouest en est. Juste avant que la faille ne disparaisse sous la plaine alluviale de l'Isére, à l'est de Saint-Pierre-d'Albigny (fig. 2), le pendage (déduit de la cartographie détaillée locale et des mesures de plans de fracture annexes) devient même inférieur à 45° vers l'est. Or c'est précisément dans ce secteur que passe l'axe du synclinal de l'Arclusaz (qui prolonge celui de Serraval).

Cette inflexion de la surface de faille est d'ailleurs confirmée par la cartographie de la rive gauche de la Combe de Savoie, au sud de Saint-Pierre-d'Albigny [Barféty et al., 1984], qui n'a mis en évidence aucun indice du passage d'une telle faille dans ce secteur. Pourtant elle serait aisément repérable, au travers du système de plis couchés des environs de La Table, si elle se poursuivait vers le sud-est, conformément au tracé proposé par certains [Guellec et al., 1989].

Le prolongement du tracé de la faille d'Arcalod doit donc bien être recherché vers nord-est. Or, dans cette direction elle ne peut se diriger, sous les alluvions de la Combe de Savoie, que vers Albertville, car rien ne permet de l'orienter plus vers l'est (elle devrait y recouper l'interface socle-cristallin ). Ceci la conduit donc, au bout du compte, à se raccorder, aux abords de cette localité, avec le prolongement méridional des failles du Charvin (fig. 2), c'est à dire à décrire un dessin courbe, symétrique de celui observable du côté nord.

Il est bien évident que la coïncidence, au nord comme au sud, entre l'inflexion synforme des surfaces de cassure du faisceau de failles de l'Arcalod et son intersection avec la charnière du synclinal de Serraval ne saurait être fortuite. Au contraire elle signifie que la forme globale du système des failles de l'Arcalod est due à une torsion engendrée par la formation du synclinal, et donc que cette dernière est postérieure au jeu des failles.

2.3.2 - Caractéristiques locales des plans de cassure

2.3.2.1. Les caractéristiques extensives des failles du Charvin s'accordent mal avec leur pendage, qui devrait être fort, comme c'est la règle pour des failles normales. De plus ce pendage n'est pas vraiment dirigé dans le sens de l'extension car leurs compartiments supérieurs (méridionaux) sont décalés vers le sud - sud-est, alors que les plans de cassure pendent plutôt vers le sud-ouest (ce qui est particulièrement frappant en ce qui concerne la faille de la Goenne).

Au total cette géométrie particulière ne peut s'expliquer que par un basculement posthume, vers l'ouest, des surfaces de cassure. Or un tel basculement est bien celui qu'a subi, lors du plissement, le flanc oriental du synclinal de Serraval, qu'elles affectent. Cela suppose évidemment que ces failles aient été antérieures à ce plissement mais l'hypothèse inverse, de leur postériorité, est invraisemblable. En effet elles devraient alors se poursuivre sans inflexion vers le nord-ouest, au travers du synclinal et en direction de son flanc ouest, ce qu'elles ne font visiblement pas, ou s'amortir très rapidement, ce qui est difficilement admissible et ce que rien n'annonce.

Il s'agit donc d'anciennes failles normales à regard est, basculées d'environ 60° vers l'ouest (valeur du pendage des couches) autour de l'axe, N30, du synclinal de Serraval. De fait, dans une telle rotation, le pendage actuel de la faille de la Goenne, qui est de l'ordre de 30 à 20° vers le sud-ouest, correspond à un plan de cassure originel incliné vers le sud-est de 60°. Ce pendage, qui a bien la valeur que l'on attend du pendage d'une surface de faille normale et dont l'orientation est conforme à celle des failles de l'Arcalod, confirme la validité de cette interprétation.

2.3.2.2. En ce qui concerne les failles de l'Arcalod, l'attitude de leur surface de cassure, subverticale en moyenne, paraît, de prime abord, conforme avec un jeu en pur décrochement. Par contre, en plusieurs points (notamment au col de la Serve, deux kilomètres à l'ouest de Saint-Ruph), le feuilletage de la mylonite qui souligne la surface de cassure est recoupé par des microfailles (structures S/C) dont la géométrie indique sans ambiguïté un serrage à vergence est. Cette microtectonique ne s'accorde pas avec le rejet global de ce faisceau de cassures et spécialement avec sa composante extensive. Elle résulte évidemment de son rejeu le plus tardif, qui était donc une sorte de rétrodéversement vers l'est. Ceci implique que la disposition originelle de la faille, avant ce cisaillement vers l'est, était moins verticale que l'actuelle, plutôt pentée vers le sud-est, donc effectivement plus conforme à celle d'une faille normale à compartiment supérieur abaissé vers le sud-est(fig. 7a).

La déformation tardive, en serrage et pivotement vers l'est, qu'ont subi les failles de l'Arcalod, ne peut être due au plissement P2 car son déversement est dirigé vers l'ouest. Par contre le plissement du synclinal de Serraval en fournit une explication très satisfaisante, par le basculement vers l'est du flanc occidental de ce pli (auquel appartient précisément le secteur parcouru par ces failles).

2.3.3 - Bilan : intervention d'une phase à composante extensive entre deux phases compressives

En définitive la faille de l'Arcalod ne peut pas être une grande cassure s'enfonçant subverticalement dans le soubassement des Bornes et n'est pas non plus une faille listrique de détachement, limitant un énorme paquet glissé, ce que son incurvation en cuillère suggérerait au premier examen. Les observations, de natures très variées, qui viennent d'être rapportées convergent toutes pour faire considérer que les deux faisceaux de failles de l'Arcalod et du Charvin faisaient partie originellement d'un unique système de cassures d'orientation nord-est - sud-ouest.

Son jeu semble bien avoir combiné un décrochement dextre avec un abaissement de son compartiment oriental (décrochement extensif). Ses rapports avec le synclinal de Serraval - Arclusaz conduisent à y voir un faisceau de cassures originellement planes et pentées vers le sud-est, postérieurement ployées par ce synclinal (fig. 7). Sa géométrie actuelle (fig. 5), assez originale, la conduit à isoler une sorte de klippe (longue de 35 km du nord au sud et large de près de 10), mais celle-ci est constituée par un paquet rocheux qui ne mérite pas un tel nom, puisqu'il n'est pas délimité par chevauchement mais par un accident extensif.

L'intervention du jeu d'un accident possédant un caractère plutôt extensif, entre deux phases de plissement, donc compressives, peut paraître a priori paradoxale. Elle vient pourtant s'intégrer de façon assez satisfaisante dans la chronologie tectonique des massifs subalpins septentrionaux [Gidon 1981b] si l'on considère que c'est justement dans le même créneau, entre le premier plissement (phase P2) et la compression tardive (phase P3) que doit également se placer la première phase d'érosion, par aplanissement, dont l'intervention vient d'être mise en évidence dans les massifs subalpins plus méridionaux [Gidon, 1994] : en effet il est vraisemblable que cet épisode de l'évolution du relief n'a pu se dérouler efficacement qu'à la faveur d'une relaxation des compressions.

3. - PLACE DE CES STRUCTURES DANS LA TECTONIQUE RÉGIONALE

3.1. Prolongements et évolution du système faillé Arcalod - Charvin

3.1.1 - Prolongement en profondeur ("enracinement")

Seule la partie du faisceau de failles de l'Arcalod qui concerne les couches crétacées et tertiaires est actuellement observable à la faveur de sa conservation "en klippe" dans les Bauges orientales et le sud du synclinal de Serraval sensu stricto. La partie de cette grande faille qui concernait les couches plus profondes recoupait celles-ci à l'est de la chaîne des Aravis, mais elle n'est plus visible car elle a été érodée lors du creusement du sillon subalpin. Mais, plus à l'est encore, il n'existe, ni sur les pentes de ce sillon ni dans son axe (gorges de l'Arly), aucun accident qui puisse représenter le prolongement de cette faille. Or l'importance de son rejet rend impossible d'admettre son amortissement aussi rapide : il en découle donc que ses "racines" les plus profondes, dans le bas de la série stratigraphique et dans le socle, se situaient encore plus à l'est.

La recherche de cette partie plus profonde de la cassure mène obligatoirement au delà de la voûte cristalline du bloc aiguilles Rouges - rameau externe de Belledonne car on sait qu'il n'y a aucun accident comparable, affectant l'interface entre le socle et la couverture jurassico-triasique, à l'ouest de cette ligne. Par contre on trouve au delà, dans le socle, plusieurs accidents qui peuvent être candidats à ce rôle de "racines" des failles de l'Arcalod. Mais il n'est pas nécessaire d'en chercher un plus à l'est de l'accident médian de Belledonne, car cette cassure majeure, qui marque le revers oriental du rameau externe, présente précisément les caractéristiques voulues. Trois groupes de considérations le montrent :

3.1.1.1- L'accident médian de Belledonne correspond bien à une faille de socle dont le compartiment oriental est abaissé car, sur la transversale considérée, le sédimentaire du Beaufortain occidental (environs de Beaufort) affleure bien en contrebas de celui qui garnit la voûte du rameau externe de Belledonne (environs des Saisies). Au sud d'Albertville une telle composante d'extension se manifeste également avec évidence en divers points, le long du tracé de l'accident médian.

Vers le nord cette cassure se prolonge, selon toute vraisemblance au vu de la cartographie, dans le "synclinal" de Chamonix. Elle ne peut y correspondre qu'au seul accident cassant longitudinal qui y soit reconnu, savoir la faille subverticale qui suit son bord ouest en restant à peu de distance le contact du sédimentaire avec le socle des Aiguilles rouges (on peut l'appeler la "faille des Posettes" car elle passe au col de ce nom). En effet le flanc opposé, oriental, de cette dépression structurale ne montre que des successions sédimentaires accordantes sur le socle [Barféty, 1985 ; Epard, 1986] : ceci interdit de penser, contrairement à une opinion qui s'est trop répandue (pour des raisons théoriques et au mépris de faits de terrains), que le socle cristallin du massif du Mont Blanc chevauche le contenu du "synclinal" de Chamonix.

Sur la bordure occidentale proprement dite du "synclinal" de Chamonix l'on voit reposer en onlap sur le socle des niveaux relativement élevés de la série (Jurassique moyen et même supérieur) [Ayrton, 1972 et 1980 ; Barféty, 1985] ce qui trahit à l'évidence la présence d'une paléofaille. Le "synclinal" de Chamonix présente donc, fondamentalement, tous les caractères d'un demi-graben délimité du côté ouest par un ancien accident extensif fossilisé. Il ressemble d'ailleurs, en cela, à son prolongement très méridional que constitue la dépression de Bourg-d'Oisans. Mais ce qui nous concerne ici est que cette structure est compliquée par la déformation alpine qui a plissé son contenu et créé la faille des Posettes : or cette déformation ne comportait apparemment pas que du serrage mais vraisemblablement aussi une composante marquée de coulissement : en effet cette faille est en général subverticale et elle tranche, d'une façon qu'il est difficile d'interpréter en imbrications tangentielles, les deux successions sédimentaires plissées qui l'encadrent.

3.1.1.2 - Sur la transversale des Bauges et des Bornes méridionales, la structure de la couverture de l'extrémité nord du massif de Belledonne se clarifie aussi si l'on admet que l'accident médian de Belledonne a fonctionné après la formation des chevauchements et plis P2. Cela permet en effet d'expliquer le changement brutal du régime tectonique qui se manifeste avec évidence au revers sud-est du Mont Joly et du Prarion. Le système de chevauchements plats et de plis couchés du Mont Joly [Pijolat, 1978 ; Barféty et Mouterde, 1978] y fait place à un fossé, à la fois structural et morphologique, où le sédimentaire est pincé en accordéon entre son bord ouest, effondré, et son bord est fortement redressé. Cette disposition diffère de celle d'un demi graben simplement rétréci par le serrage alpin (tel celui de la dépression de Bourg-d'Oisans) par le fait qu'elle implique un rejeu tardif, en extension, de la faille qui limitait le demi graben du côté occidental.

Cette interprétation paraît effectivement mieux s'accorder avec la géométrie complexe des unités charriées présentes à l'est du col du Joly [Eltchaninoff, 1980 ; Epard, 1990] que les tentatives d'explications de cette structure par une tectonique seulement compressive : elle permet, en effet, de l'expliquer par la reprise en serrage, dans ce demi graben, d'un empilement de chevauchements originellement simple, mais affaissé en contrebas du rameau externe (par contre les coupes interprétatives ne faisant pas jouer ce facteur aboutissent à des géométries de charriages assez peu convaincantes [Eltchaninoff, 1980 ; Triboulet, 1980 ; Epard, 1990]).

3.1.1.3 - D'autres indices portent à admettre que l'accident médian de Belledonne ait été soumis, lors de son jeu alpin, à une composante de coulissement dextre. Un tel mouvement est notamment démontré, à l'extrémité méridionale du massif de Belledonne, par le fait que le décalage de la voûte cristalline entre les rameaux externe et interne s'exprime dans la couverture par un faisceau de décrochements dextres (faisceau de Jarrie - Vizille). Il l'est aussi par le branchement apparent, sur l'accident médian, de décrochements secondaires, recoupant socle et plis de couverture, qui se disposent, vis-à-vis de lui, comme des riedels de coulissement dextre [Barféty et Gidon, 1996].

Enfin, à l'extrémité nord du massif des Aiguilles Rouges, le flanc inverse de la nappe de Morcles s'engage dans le "synclinal" de Chamonix, où l'on situe les racines de la nappe, et y manifeste un important étirement. On peut se demander si cet étirement n'est pas (au moins en partie) dû au jeu à la fois coulissant et extensif de l'accident médian. Cette hypothèse trouve un appui dans le fait que la direction, nord-est - sud-ouest, des linéations d'étirement qui s'observent dans ce flanc inverse est plutôt longitudinale par rapport à l'axe des massifs cristallins (et remarquablement divergente vis-à-vis de celle, franchement transverse, des linéations de même type du flanc normal) [Dietrich & Durney, 1986].

Cette interprétation du jeu alpin de l'accident médian est assez en accord avec les vues récentes [Steck et al.,1989] selon lesquelles c'est dans le "synclinal" de Chamonix que s'engageait le grand cisaillement dextre Simplon-Rhône, dont on sait le fonctionnement post-nappes (il est donc comparable en cela aussi à la faille de l'Arcalod). À cet égard la mise en parallèle du jeu de l'accident médian avec celui des failles de l'Arcalod a pour conséquence que le fonctionnement en cisaillement dextre que manifestent ces deux accidents serait intervenu avant la formation du bombement antiforme du socle cristallin de Belledonne (puisque ce dernier est responsable de la déformation de la surface de cassure). Il se trouve que cette conclusion ne rejoint pas celle de certains autres auteurs pour qui l'activité principale de l'accident Simplon-Rhône serait tardive par rapport au bombement anticlinal des massifs cristallins externes de Suisse [Burkhard, 1988]. De nouvelles recherches éclaireront peut-être ce point ambigu.

3.1.2 - Évolution de sa géométrie

3.1.2.1 Dessin en coupe transversale

Le dessin en coupe du raccord que l'on est donc conduit à tracer entre le faisceau des failles de l'Arcalod et du Charvin et l'accident médian de Belledonne affecte une forme sigmoïde (fig. 10) dont la sinuosité est évidemment calquée sur celle de l'enchaînement synclinal - anticlinal qui relie le synclinal de Serraval - Arclusaz à la voussure des massifs cristallins externes (cette géométrie ne serait d'ailleurs qu'aggravée si les failles de la couverture devaient se prolonger par une faille plus orientale du socle, plutôt que par l'accident médian de Belledonne).

Une telle torsion d'une surface de faille n'est pas inédite dans les massifs subalpins septentrionaux. D'autres dispositifs, de taille plus modeste mais résultant, de la même façon, d'une torsion posthume de failles subméridiennes à caractère extensif, y sont en effet déjà connus : c'est en particulier ainsi que s'expliquent les "chevauchements" (en réalité failles initialement subverticales, puis tordues) de la cluse de l'Arve [Pairis et Pairis, 1974] (dont le regard était, pour la plupart, dirigé à l'opposé, vers l'ouest), les failles de Rochers de Leschaux [Charollais et al. 1977], au nord du Petit-Bornand, et surtout l'accident Roc Lancrenaz - col de Forclaz, en rive nord du lac d'Annecy (fig. 2 et 3). Ce dernier accident fournit un véritable modèle réduit d'une telle structure, observable dans sa globalité grâce à sa taille plus modeste, et en démontre la plausibilité (il ne s'agit cependant pas d'un satellite de la faille de l'Arcalod car son azimut, presque parfaitement méridien, fait que cette dernière le recoupe au niveau de la cluse de Faverges).

La portion moyenne de la sinuosité du raccord, où le pendage de la faille est subhorizontal, paraît cependant bien longue pour s'expliquer par le seul ploiement de la surface de faille (fig. 10) : ce dessin s'explique sans doute mieux en envisageant qu'elle ait subi en outre un cisaillement, consistant en un déplacement vers l'ouest des parties supérieures de la couverture, par rapport à celles ancrées dans le socle. Ce cisaillement tangentiel tardif, à vergence ouest (fig. 11), est nécessairement postérieur à la phase P2 et peut donc se rattacher à la phase P3 puisqu'on sait que celle-ci a vu se former dans les massifs subalpins septentrionaux des chevauchements ayant cette vergence. Un cisaillement tangentiel analogue semble également nécessaire pour expliquer correctement la géométrie des autres exemples de failles tordues citées ci-dessus, mais, en ce qui les concerne, il relève plus probablement de la phase P1 (fig. 12).

3.1.2.2 Dessin en coupe longitudinale

Entre la vallée du Fier et la combe de Savoie le tracé de la faille de l'Arcalod recoupe deux fois l'axe du synclinal de Serraval, du côté nord aux abords de Manigod et du côté sud à Saint-Pierre-d'Albigny (fig. 2). Cette double intersection correspond à un changement du sens de plongement de sa surface de cassure, qui est dirigé vers le sud dans les Bornes et vers le nord dans les Bauges. Elle se traduit, dans un dessin en trois dimensions de la surface de cassure(fig. 5), par une forme en berceau.

Cette géométrie implique ce que la surface de cassure possédait déjà une courbure synforme, d'axe NW - SE (donc transverse aussi bien aux plis P2 que P3), avant d'être repliée par le synclinal de Serraval. L'origine de cette géométrie est conjecturale. Elle peut être originelle, mais ceci s'accorde mal avec ce qui vient d'être dit sur son raccord avec l'accident médian de Belledonne, qui est très rectiligne et avec la composante de coulissement du jeu des failles. De plus on remarque que cette incurvation reproduit assez bien, aux dépens de cette faille, celle qu'inflige la virgation des Bornes aux plis P2 de ce massif : on peut donc envisager favorablement que ce soit la formation de cette virgation qui ait ployé la surface de cassure (fig. 7) : en ce cas le jeu de la faille serait antérieur à la torsion axiale des plis.

3.2. Prolongements et signification du synclinal de Serraval - Arclusaz

On a déjà vu que ce pli a une géométrie différente de celle des autres plis des massifs subalpins septentrionaux (plis P2) et qu'il s'avère leur être postérieur. On va voir que sa différence par rapport à ces plis P2 se manifeste également par l'importance de sa place dans la tectonique régionale.

3.2.1 - Prolongements du synclinal de Serraval - Arclusaz

3.2.1.1 Au nord de l'Arve

Au-delà de l'ensellement de la vallée du Giffre, les plis P2 reprennent de l'altitude dans le massif de Sixt. On y retrouve sans peine le prolongement de l'anticlinal de Leschaux dans celui de Bossetan, de celui du Bargy dans celui des Dents du Midi et le prolongement du synclinal de Thônes - Grand Bornand dans celui d'Arâches - Criou, tous ces plis gardant leur azimut axial N70(fig. 6).

La direction N30 du synclinal de Serraval - Arclusaz rend inacceptable l'idée qu'il se poursuive par le synclinal Arâches - Criou, contrairement à ce qu'ont considéré implicitement les auteurs antérieurs. Il devrait, pour cela, faire à Romme un coude brutal de 40° pour s'orienter N70, ce qui est en soi inacceptable et ce qui s'oppose à sa rectilinéarité plus au sud. Par contre on suit bien sa trace au nord du Giffre, en la cherchant dans la même direction N30 (fig. 6) : il y est d'abord jalonné par la petite klippe préalpine qui coiffe les crêtes entre Arve et Giffre, puis il traverse, par les Gets et Châtel, la partie orientale de la klippe du Chablais, parallèlement à sa limite est. La cuvette des Gets résulte d'ailleurs de son entrecroisement avec la virgation des plis des Médianes (qui tournent là de N80 du côté nord à N150 du côté sud).

Plus au nord encore la trace du synclinal de Serraval se suit toujours sans peine, à travers les klippes préalpines (qu'il traverse toutes du côté de leur bord oriental) jusqu'au-delà des Préalpes bernoises. S'il manifeste là un infléchissement progressif de son azimut, qui semble passer à N60 en rive ouest du lac de Thoune, il est très remarquable qu'il reste cependant parallèle à l'axe de culmination des massifs cristallins externes, ainsi d'ailleurs qu'à la courbe enveloppe des affleurements du socle.

3.2.1.2 Vers le sud

Dans cette direction la recherche d'un éventuel prolongement du synclinal de Serraval - Arclusaz, au-delà du point où l'axe de ce pli rejoint le bord de la Combe de Savoie puis s'engage sous ses alluvions (Saint-Pierre-d'Albigny), conduit à des conclusions moins nettes mais néanmoins fort suggestives.

Sa direction d'axe, N30, le conduit en effet à emprunter d'abord le sillon subalpin du Grésivaudan. C'est ce que confirme le changement d'attitude des plis de part et d'autre de cette vallée, particulièrement au nord d'Allevard où les plis de rive gauche (environs de la Table) ont des plans axiaux considérablement plus couchés que ceux de rive droite. Cela le conduirait, à l'extrémité sud du sillon subalpin, dans la vallée de la Gresse (bordure est du Vercors) où l'on n'observe rien qui lui ressemble. Par contre à cette latitude on trouve, plus à l'ouest, un accident de signification et d'orientation identiques, déjà rattaché au plissement P3 [Gidon, 1981b et 1995a] : il s'agit d'un synclinal transaxial que l'on peut appeler transsynclinal de Saint-Nizier. Il prend naissance au sud de Villard-de-Lans, traverse la cluse de l'Isère entre Saint-Nizier et le Néron (peu à l'ouest de Grenoble) et se dirige vers le col de Porte et Chamechaude en traversant presque longitudinalement la Chartreuse orientale. Comme celui de Serraval - Arclusaz, ce synclinal est orienté à peu près N30 et recoupe en oblique les axes des plis P2, plus méridiens (la seule différence est que son intersection avec les plis ne se manifeste ici que par des variations du plongement de leurs axes et ne s'exprime pas au niveau de leur déversement, ce dernier étant trop modeste).

Un raccord direct entre synclinal de Serraval - Arclusaz et le synclinal de Saint-Nizier paraît, à première vue, peu plausible car leurs prolongements selon leurs directions respectives font que le second passerait une dizaine de kilomètres vers l'ouest par rapport au premier. Mais ce décalage est de même sens, dextre, que les décrochements qui recoupent successivement les massifs subalpins entre Saint-Pierre-d'Albigny et la cluse de l'Isère, et de même ordre de grandeur que celui de leurs rejets additionnés. On peut donc envisager qu'il s'agisse bien d'un accident unique dont le tracé soit décalé en baïonnette par ces décrochements (ce qui suppose évidemment que ces derniers lui soient postérieurs). Toutefois dans le rebord subalpin, entre les cols de l'Alpette et de l'Alpe, où se situe le passage présumé de ce pli transaxial, il se manifeste fort discrètement : tout au plus pourrait-on lui attribuer l'inflexion synclinale (effectivement transaxiale) que montre l'Urgonien à l'extrémité septentrionale des Lances de Malissard, et surtout le changement d'orientation de la barre Tithonique, qui devient plus méridienne d'une trentaine de degrés, dans ce secteur, qu'à la latitude de la Dent de Crolles. Au demeurant la très faible obliquité que doit présenter le transsynclinal de Saint-Nizier par rapport au rebord subalpin, et le fait qu'il y soit en outre recoupé par deux grands décrochements, peut expliquer sa très médiocre évidence dans ce secteur.

En tout cas, qu'il y ait une continuité franche, avec décalage par les décrochements, ou un relais de l'un de ces deux grands plis transaxiaux par l'autre (fig. 1), il reste que leurs caractéristiques conduisent à considérer le synclinal de Serraval et le transsynclinal de Saint-Nizier comme deux tronçons successifs d'un même grand sillon synclinal.

3.2.2 - Sa parenté d'origine avec la voussure des massifs cristallins externes

La direction du synclinal de Serraval - Arclusaz - Saint-Nizier reste parallèle, pratiquement partout, au tracé cartographique de l'interface socle - couverture, en bordure ouest tant de la chaîne de Belledonne que des massifs cristallins les plus externes situés plus au nord. Sur toute sa longueur il reste à une distance d'une quinzaine de kilomètres de la voûte anticlinale de ces massifs, du côté ouest de cette dernière. On pourrait en somme le qualifier de "synclinal bordier occidental des massifs cristallins externes". D'autre part, des Bornes aux massifs plus méridionaux il y a partout accordance totale entre la pente vers l'ouest du flanc oriental de ce synclinal et celle de l'interface socle-couverture du versant occidental de Belledonne. Sur toute la longueur des massifs subalpins, le synclinal de Serraval apparaît donc bien comme un pli de même échelle que la voussure anticlinale des massifs cristallins externes, qui s'enchaîne avec elle pour constituer avec elle un couple anticlinal-synclinal affectant le socle.

Il en découle que la genèse du synclinal de Serraval relève alors de la déformation qui a abouti à la surrection du massif de Belledonne sous sa forme actuelle. On peut dès lors envisager au moins deux interprétations pour l'origine de cette double ondulation de la surface du socle. La première est qu'elle représente un simple "pli de fond" dû au raccourcissement du socle et comparable aux voussures anticlinales, d'ailleurs bien plus fermées, que montrent les massifs cristallins de Suisse. La seconde, plus conforme à ce que l'on se plaît souvent à imaginer de nos jours, consisterait à y voir un pli de rampe au front de l'hypothétique chevauchement masqué du cristallin de Belledonne (dont l'existence est toutefois toujours aussi dépourvue de toute preuve, y compris à l'examen des profils ECORS).

Quoi qu'il en soit, cette structure profonde présente vis-à-vis des plis P2 de nets rapports de postériorité. Ceci implique que, tant sur la transversale considérée ici que sur celle de Grenoble, le soulèvement de la voussure antiforme de Belledonne ne saurait avoir quelque lien génétique que ce soit avec le plissement des massifs subalpins. Au contraire le caractère tardif, "post-P2", du basculement vers l'ouest de la surface du socle de Belledonne est souligné d'un bout à l'autre de cette chaîne par le redressement systématique des axes des plis P2 à l'approche de ce massif (en fait, si l'érosion ne l'avait dégarni de sa couverture, on y verrait certainement les plis P2 grimper en oblique sur son flanc ouest, à tour de rôle du nord au sud, comme ils le font sur la transversale de Vizille [Gidon 1981b]).

3.3. Aperçus sur les autres structures, dans ce nouveau contexte

3.3.1 - Les autres failles

Dans les Bornes et les Bauges les failles plus mineures que celles du faisceau Arcalod - Charvin doivent être réparties en trois familles distinctes dont la place chronologique n'est pas la même par rapport aux grandes structures ici analysées (fig. 6).

3.3.1.1 Failles extensives anciennes

C'est la famille des failles parfois qualifiées de "failles listriques" [Charollais et al., 1986]) à cause de leur dessin courbe en coupe. C'est à elle qu'appartiennent notamment l'accident des Rochers de Leschaux [Charollais et al., 1986], ceux de la coupe de l'Arve [Pairis & Pairis, 1974] et, à l'est du lac d'Annecy, l'accident Roc Lancrenaz - col de la Forclaz (fig. 3).

On savait qu'elles doivent cette caractéristique à un cisaillement tangentiel à vergence ouest [Pairis & Pairis, 1974]. Ce dernier s'avère mieux explicable en l'attribuant, à la lumière du contexte présenté ici, à une étape plus précoce que le plissement P2, c'est-à-dire à la phase P1 (fig. 12). Dans les Bornes tout converge pour indiquer que ces cassures sont effectivement antérieures à la faille de l'Arcalod-Charvin, aussi bien qu'au synclinal de Serraval-Arclusaz. On ne peut exclure cependant que la différence entre ces failles et celles failles du faisceau Arcalod - Charvin réside seulement dans le fait que seules ces dernières ont été réactivées après la formation des plis P2 (ce qui représente l'essentiel de leur jeu). En effet la faille de la Goenne semble avoir eu un premier jeu syn-Nummulitique [Villars et al, 1988)]. Les failles de cette famille ont été déformées en torsion transaxiale par la virgation, exactement de la même façon que les plis.

Cette famille se rattache sans problèmes à celle des cassures de caractères analogues des massifs plus méridionaux (Chartreuse, Vercors), qui se sont révélées être, selon le cas, soit aptiennes soit oligocènes [Gidon, 1992 et 1995b]. On a vu que des failles de cette famille sont présentes dans les Bauges orientales. C'est notamment le cas, au Mont de la Coche, des deux failles conjuguées qui sont maintenant renversées avec le flanc inverse du synclinal du Pécloz (fig. 8). Plus au sud, c'est aussi le cas de la faille du Mont Céty qui coupe en long la partie méridionale du synclinal des Aillons (elle disparaît vers le nord à la latitude du col des Prés par cachetage sous les dépôts nummulitiques qui la recouvrent en onlap [M. Gidon, observations inédites]).

Il est intéressant d'observer que, partout, ces failles anciennes sont franchement longitudinales aux plis, au point que leur tracé se confond souvent avec le plan axial d'un pli : on doit donc envisager qu'elles en aient déterminé leur localisation, par effet d'"ancrage".

3.3.1.2 Décrochements précoces

Les Bornes montrent un assez grand nombre de décrochements dextres francs (à rejet vertical faible), qui se combinent avec des décrochements sénestres conjugués, d'importance plus accessoire. Ils n'ont pas une grande continuité et ne passent d'un pli au suivant qu'imparfaitement ou pas du tout. Ils gardent avec les axes des plis P2 un angle à peu près constant, de l'ordre 50 à 60°, dont la valeur s'accorde avec une formation plus ou moins contemporaine du plissement. Ces rapports angulaires ont pour corollaire le fait que leur azimut passe de N60 à N70 (dans le sud du massif, près du lac d'Annecy) à des orientations N110 à N120 dans les chaînons les plus septentrionaux.

Tous ces caractères s'accordent avec une formation précoce, en tous cas certainement antérieure à la virgation. Ceci ne s'oppose pas à ce que certaines de ces cassures aient en partie acquis leur rejet final lors d'une reprise plus tardive liée au jeu de la famille suivante. Ce schéma est certainement celui qui est applicable en Chartreuse [Gidon, 1990] et dans les Bauges occidentales (Margériaz, Nivolet) où l'écart d'azimut entre les deux familles est plus faible et où elles ont, pour cette raison été confondues jusqu'à maintenant [Gidon, 1990].

3.3.1.3 Décrochements tardifs

Ces cassures sont également des décrochements dextres mais elles montrent une forte composante de rejet vertical, par affaissement du compartiment sud-oriental. Ils appartiennent à la grande famille des décrochements qui affectent la frange orientale des massifs subalpins septentrionaux, du nord au sud jusqu'en Vercors [Gidon, 1990].

Ils sont représentés dans les Bauges orientales par ceux de Saint-Ruph et de Sainte-Reine. Plusieurs failles de ce type affectent le flanc sud de l'anticlinal du Bargy, et l'examen des données cartographiques [Charollais et al., 1986 ; Pairis et al., 1992] montre clairement que ces cassures s'y relaient en échelons (fig. 6). En dépit de la difficulté qu'il y a à les suivre dans leur traversée des terrains marneux des coeurs anticlinaux il est peu douteux que plusieurs des cassures de ce faisceau se poursuivent longuement et recoupent presque tous les plis de la moitié occidentale de l'arc des Bornes (fig. 6).

Les failles de cette famille sont à la fois plus continues (elles se poursuivent de façon quasi rectiligne sur une plus grande distance avant de faire l'objet de relais par une autre de la même famille), et souvent plus directionnelles, recoupant les plis P2 selon un biseau plus aigu, de l'ordre de 30° dans la branche sud-ouest de la virgation et de 10 à 20° seulement dans sa branche nord-est. Ces angles sont trop faibles pour être compatibles avec un jeu contemporain du plissement. D'autre part le très médiocre enroulement de ces failles par la virgation (à peine 20° au maximum contre un torsion de 50° de l'axe des plis) signifie qu'elles sont postérieures ou, à la rigueur, contemporaines de la seule fin de cette torsion des plis.

Il est d'autre part à peu près certain que ces cassures ont fonctionné postérieurement à la formation du synclinal de Serraval - Arclusaz. En effet, en dépit de l'imprécision sur l'emplacement exact de la charnière de ce pli, qui résulte de sa forte ouverture, on en perçoit cartographiquement le décalage dextre, chaque fois qu'il est recoupé par ces cassures, aussi bien au nord des Bornes (entre Cluses et Le Reposoir) (fig. 6) qu'au nord-est des Bauges (entre Arclusaz et Faverges) (fig. 2). D'autre part on a vu qu'il est également probable que prolongement le plus méridional du synclinal de Serraval - Arclusaz, en direction du Vercors, soit décalé par cette famille de failles.

Il est remarquable enfin que ces décrochements intéressent la seule moitié orientale des massifs subalpins et s'y disposent en échelons. Les plus méridionaux d'entre eux se prolongent, au niveau de la Chartreuse, jusque dans le socle de Belledonne où ils semblent recouper l'accident médian, plutôt que se brancher sur lui [Barféty et Gidon, 1996]. Cela porte à y voir des failles secondaires (de Riedel) induites par un cisaillement dextre très tardif principalement localisé dans le socle de Belledonne.

3.3.2 - Les plis de la virgation des Bornes

Le synclinal de Serraval - Arclusaz recoupe les plis P2 dans les deux branches de la virgation qu'ils décrivent dans les Bornes. Cette virgation est donc antérieure à la phase P3. Mais la courbure synforme analogue, d'axe NW - SE, qui a affecté le faisceau de faille Arcalod - Charvin (avant son reploiement autour de l'axe N-S du synclinal de Serraval - Arclusaz), peut aussi être due à la virgation des plis P2. Cela aurait pour conséquence que l'inflexion axiale des plis ne serait alors pas liée au plissement P2 lui-même, mais serait plus tardive.

En d'autres termes la formation de la virgation des Bornes est nettement antérieure au plissement P3 et aux grands décrochements de la moitié orientale des massifs subalpins. Mais ce n'est peut-être pas un trait structural originel du plissement P2 car il semble lui avoir été surimposé, postérieurement à la formation de la faille de l'Arcalod.

3.3.3 - Les chevauchements subalpins

L'analyse des données disponibles conduit à répartir les chevauchements des Bornes en deux groupes :

3.3.3.1 Les chevauchements précoces, de la phase P1

Dans les Bornes le plus connu est le chevauchement de La Filière (fig. 2). Il disparaît par cachetage sous le Miocène au front des Bornes et, d'autre part, réapparaît en fenêtre, au coeur de l'anticlinal du Parmelan, par lequel il est reployé. Il est donc antérieur aux plis P2, post-miocènes. On doit aussi rattacher à ce groupe les chevauchements de la coupe de l'Arve, qui sont des failles tordues déformées ensuite par les plis P2.

Ces accidents n'interfèrent que peu (ou d'une façon que l'état de l'analyse actuelle ne permet pas de préciser) avec le synclinal de Serraval - Arclusaz et avec la faille de l'Arcalod. Ils témoignent cependant de la généralité, dans les massifs subalpins septentrionaux, de la phase P1, génératrice d'un cisaillement tangentiel mais antérieure aux plis.

3.3.3.2 Les chevauchements tardifs, de la phase P3

Les chevauchements plus méridionaux comme celui de Lescheraines - Margériaz, celui du front sud-occidental des Bauges (qui se poursuit par le chevauchement de la Chartreuse orientale et se connecte finalement à celui du Moucherotte, sans doute déjà apparu à la phase P1) et enfin celui de Voreppe, sont tous des accidents post-miocènes, qui sont également tardifs par rapport à la formation des plis P2, donc typiques de la phase P3.

Le tracé de ces chevauchements est oblique (plus méridien) par rapport à celui de notre sillon bordier occidental des massifs cristallins externes. Cette direction est sans signification cinématique car elle est seulement due à ce que les ruptures initiant ces chevauchements se sont localisées le plus souvent sur les flancs occidentaux des plis P2 [Gidon, 1988]. D'ailleurs ces chevauchements présentent parfois un tracé en baïonnette pour sauter d'un pli au suivant, ce qui se produit deux fois par exemple dans les Bauges occidentales entre le chevauchement du Veyrier et celui du Margériaz : dans ces portions l'azimut de la faille de déchirure qui raccorde leurs tronçons est alors sensiblement parallèle au synclinal de Serraval - Arclusaz.

En fait la direction de mouvement de ces chevauchements s'avère souvent être de l'ordre de N120, direction qui est oblique de 20° à la direction de raccourcissement correspondant au plissement P2 mais par contre perpendiculaire à l'axe de Belledonne et à celui du synclinal de Serraval, ce qui est cohérent avec l'attribution de ces dernières structures à la même phase P3. À ceci s'ajoute le fait que ces chevauchements tardifs viennent s'amortir à tour de rôle, du nord vers le sud, à proximité du tracé du synclinal de Serraval - Arclusaz. Ces deux particularités conduisent à chercher quel lien il pourrait y avoir entre leur formation et celle du sillon bordier occidental des massifs cristallins externes :

- Une première hypothèse serait que ces chevauchements représentent l'émergence d'un charriage profond du socle de Belledonne, le long du pli de rampe frontal de ce dernier. Mais ceci ne s'accorde ni avec l'obliquité du tracé de ces chevauchements par rapport à l'axe synclinal, ni avec le fait que c'est en s'éloignant de ce tracé (et non en s'en rapprochant) que la flèche des chevauchements prend de l'ampleur. De plus l'ampleur de la flèche maximale des chevauchements tardifs n'est pas considérable, de l'ordre de quelques kilomètres seulement sur chaque transversale, ce qui est bien plus faible que celle, de plusieurs dizaines de kilomètres, envisagée par les tenants d'une allochtonie de Belledonne.

- Une autre interprétation, au moins aussi plausible, consisterait à voir dans ces chevauchements la conséquence de la formation, par simple flexion, du synclinal "de fond" de Serraval - Arclusaz - Saint-Nizier. En effet, compte tenu de l'épaisseur décakilométrique de la couverture, le cisaillement parallèle aux couches qu'a nécessairement induit, dans chacun de ses flanc, la formation d'un pli d'une telle dimension, doit être très important (fig. 13A). L'ampleur de ce cisaillement doit en outre s'accroître en s'éloignant de la charnière, ce qui est bien conforme avec le sens d'accroissement de la flèche que l'on observe dans nos chevauchements tardifs. Si cette manière de voir est juste on devrait observer sur le flanc oriental du méga-synclinal de Serraval, symétriquement aux chevauchements dirigés vers l'ouest de son flanc occidental, une tendance au chevauchement vers l'est (fig. 13A) : c'est bien ce qui a lieu, à la latitude de Grenoble, en Chartreuse et en Vercors, où les plis situés à l'est de son plan axial, c'est-à-dire l'anticlinal de Perquelin, celui de l'Écoutoux et celui de Gresse manifestent une telle déformation ultime, en rétrodéversement vers l'est, qui semble exprimer un sous-charriage du socle de Belledonne [Gidon 1981b] (fig. 13). Il faut cependant atténuer l'aspect séduisant de cette interprétation en précisant qu'à la latitude des Bornes de tels rétrodéversements n'ont pas été mis en évidence

4. - CONCLUSIONS

4.1 Les considérations développées ci-dessus conduisent à voir sous un jour nouveau les rapports entre la fracturation et le plissement dans les massifs subalpins, en distinguant notamment les failles antérieures, synchrones et postérieures au plissement et en révélant les géométries assez complexes des surfaces de fractures. Il apparaît en particulier que les deux faisceaux de failles, de l'Arcalod et du Charvin se rattachent à un unique système de cassures à la fois décrochant et extensif, d'orientation originelle nord-est - sud-ouest, qui a été reployé par la suite et devait originellement prolonger dans la couverture celui de l'"accident médian" du socle des massifs cristallins externes.

Les observations sur lesquelles ces vues s'appuient confirment en outre que l'on peut étendre aux transversales septentrionales des massifs subalpins les vues exprimées à propos des massifs plus méridionaux de la Chartreuse et du Vercors [Gidon, 1981b] notamment en ce qui concerne l'intervention d'un plissement tardif P3, qui s'y est superposé aux plis P2. Ce plissement tardif s'exprime surtout par la formation d'un grand transsynclinal, bordier vis-à-vis des massifs cristallins externes, ou synclinal Serraval - Arclusaz - Saint-Nizier, que l'on peut suivre au moins depuis le Vercors jusqu'aux Préalpes bernoises.

4.2 Il apparaît enfin que ces chaînons, bien que réputés simples par ceux qui ne les ont pas assez étudiés, ont cependant eu une évolution structurale très pluriphasée. La synthèse des données recueillies sur l'ensemble des massifs subalpins septentrionaux, conduit en effet à y distinguer au moins cinq étapes de déformation, compte non tenu des épisodes d'extension synsédimentaire jurassiques et de ceux du milieu du Crétacé (Barrémo-Albien). Ce décompte se basant sur les superpositions de déformations observables il en résulte que plusieurs des étapes distinguées peuvent éventuellement s'être enchaînées et ne pas relever de véritables "phases" distinctes (notamment lorsqu'elles ne sont pas séparées par des modifications du système de contraintes). Compte tenu de cette réserve les étapes objectivement discernables sont les suivantes (fig. 14) :

1 - extension précoce, est-ouest, datant du Paléogène (Priabonien à Oligocène). Elle crée d'assez nombreuses failles normales conjuguées, d'azimut à peu près N-S, qui semblent souvent avoir servi de structures d'ancrage déterminant, plus tard, l'implantation des plis P2.

2 - premier cisaillement tangentiel de la couverture ("phase P1", [Gidon 1981b]), induisant notamment des chevauchements par failles inverses dans la barre Tithonique des massifs les plus méridionaux et probablement les chevauchements dus à la torsion des failles précédentes dans les Bornes et le massif de Sixt-Platé (coupe de l'Arve). Au front occidental des Bornes, le chevauchement de La Filière est également à rattacher à cette étape tangentielle.

Cette phase semble remonter à l'Oligocène supérieur puisque le chevauchement de La Filière est cacheté par le Miocène du sillon périalpin. Ceci est en accord avec l'âge de la mise en place des nappes internes qui, par un effet d'entraînement de la couverture prise entre ces nappes et le socle, en est la cause la plus probable.

3 - plissement généralisé ("phase P2", [Gidon 1981b]). Les plis créés alors ne représentent encore que l'ébauche de ceux qui constituent maintenant le trait structural majeur des massifs subalpins septentrionaux (en particulier ils n'avaient sans doute pas encore leur orientation actuelle). Leur formation s'est d'ailleurs peut-être enchaînée en continu avec l'étape précédente, dans une même phase de raccourcissement de la couverture, car le plissement P2 est également antérieur au dépôt du Miocène, puisque ce dernier repose en discordance sur les voûtes anticlinales les plus occidentales. Néanmoins rien ne permet de le séparer de celui qui a créé les nappes helvétiques et qui est considéré comme postérieur au charriage des nappes internes des klippes préalpines.

De nombreux petits décrochements, dont l'azimut est compatible avec la direction de raccourcissement indiquée par l'orientation de l'axe des plis, sont liés à la phase P2. Ils s'observent plutôt dans la partie occidentale des chaînons subalpins.

4 - jeu extensif de la faille de l'Arcalod et de son prolongement dans le socle, l'accident médian de Belledonne. L'une et l'autre de ces cassures sont des failles normales ayant une importante composante de coulissement dextre.

Cet épisode s'oppose aux autres par la relaxation des contraintes compressives qu'il exprime et correspond donc à une phase distincte de déformation. On est tenté d'envisager qu'il coïncide plus ou moins avec la première phase d'érosion, par aplanissement, qui a été mise en évidence dans les massifs subalpins plus méridionaux [Gidon, 1994], d'autant que cette dernière est antérieure aux chevauchements subalpins. En ce cas cela lui conférerait un âge déjà très tardif, tardi- ou post-miocène, ce qui recule fortement l'âge des étapes suivantes et ne laisse que peu de temps pour leur déroulement.

La création de la virgation des Bornes se situe dans ce créneau chronologique si l'on admet que c'est elle qui est également responsable de l'incurvation anté P3 de la faille de l'Arcalod, mais ce point reste discutable. La présente analyse des chaînes subalpines ne livre pas d'autres indications sur son origine : on peut seulement remarquer qu'elle est vraisemblablement liée à la formation de la virgation du Jura et sans doute à l'incurvation du front pennique, car l'un comme l'autre lui sont concentriques.

5 - Phase ultime

Plusieurs déformations plus ou moins contemporaines entre elles sont à rapporter à cette dernière étape de déformation("phase P3" [Gidon 1981b]), qui, même si elle doit s'étaler quelque peu dans le temps, est globalement post-miocène (elle ne date donc peut-être que d'un Quaternaire pas tellement reculé ) :

a) plissement à grande longueur d'onde, aboutissant essentiellement à la formation du synclinal de Serraval - Arclusaz, traduction dans la couverture d'une déformation du socle qui s'exprime en sens inverse par la voussure anticlinale de Belledonne et des massifs cristallins plus septentrionaux. Ce plissement se manifeste aussi par un certain nombre de plis très ouverts, transaxiaux au plis P2 qui affectent la partie occidentale des massifs subalpins, du Vercors au Bornes [Gidon, 1994].

b) apparition des grands décrochements NE-SW (et réactivation corrélative de certains décrochements créés à la phase P2). Outre que ces failles ne sont pas affectées par l'arcature des plis P2 des Bornes, elles recoupent et semblent bien décaler l'axe du synclinal de Serraval - Arclusaz.

c) apparition des chevauchements tardifs des massifs subalpins septentrionaux (chevauchements du front des Bauges et de la Chartreuse orientale). On sait déjà [Gidon 1981b] qu'il s'agit aussi de l'étape plicative finale, à l'occasion de laquelle les plis P2 ont pris la forme actuelle, plus fermée, et qu'il y a corrélation entre le jeu de ces chevauchements et l'ultime jeu des décrochements NE-SW.

4.3 Quelques remarques découlent accessoirement de cette chronologie :

4.3.1 Contrairement à ce que l'examen d'une carte structurale par trop schématique a tendance à suggérer, il est exclu que la formation de la virgation des Bornes puisse résulter d'un "moulage" du synclinal de Serraval sur les klippes qu'il héberge, car la virgation était déjà dessinée antérieurement. à la formation de ce pli. Il est également exclu que la virgation résulte du moulage sur la klippe des seuls plis des Bornes occidentales, puisque cette virgation affecte en réalité tous les plis P2 des Bornes, aussi bien à l'est qu'à l'ouest du synclinal de Serraval. De plus cela supposerait que les klippes aient été morphologiquement individualisées avant le plissement P2, ce qui est bien invraisemblable. La présence de ces klippes doit être considérée, non comme la cause de la virgation, mais comme le résultat de l'entrecroisement de l'axe de celle-ci avec celui du synclinal de Serraval, c'est à dire de la formation d'une cuvette synclinale (dont le caractère de dépression structurale est d'ailleurs accentué par le jeu extensif des failles qui la recoupent). Il est va de même pour l'apparence de dilatation du synclinal de Serraval autour de ces klippes.

4.3.2 Il est définitivement impossible d'associer le plissement principal des massifs subalpins septentrionaux ("plis P2") à la surrection de Belledonne, quel qu'en soit le processus envisagé, car ces plis relèvent d'une étape nettement plus précoce. Cette remarque rend notamment caduques toutes les considérations basées sur des coupes rétrotectoniques, "équilibrées" ou non, où ces plis sont censés être induits par un hypothétique chevauchement profond de Belledonne. Rien d'autre part, dans les faits de terrain, ne justifie d'envisager que la surrection de Belledonne résulte d'un processus de chevauchement.

4.3.3 Les déformations de la phase P3, c'est à dire les chevauchements et décrochements de couverture, d'une part, et la surrection de Belledonne, d'autre part (les premiers précédant plutôt la seconde), semblent associées à un cisaillement coulissant dextre longitudinal à ce dernier massif. La réalité d'un tel coulissement tardif est particulièrement évidente [Barféty et Gidon, 1996], entre le rameau interne du massif de Belledonne et son rameau externe, à son extrémité méridionale, près de Vizille (seule sa place chronologique est moins claire notamment en ce qui concerne le coulissement dextre du grand accident du revers oriental de la chaîne de Belledonne). La combinaison de ces coulissements avec la compression du socle, se traduisant par un comportement en "décro-chevauchement" des grandes cassures qui le débitent en lanières subméridiennes, semble pouvoir représenter le moteur essentiel de cette association structurale.

Quoi qu'il en soit, l'explication de la structure qu'il nous est maintenant donné d'observer dans les massifs subalpins septentrionaux demande certainement de faire des efforts d'imagination pour sortir des schémas trop primaires qui tendent, pour certains, à remplacer dogmatiquement les enseignements du terrain. Elle demande surtout de tenir compte du caractère, finalement très polyphasé, maintenant bien établi en France comme en Suisse, de la tectonique de ces massifs. Les données ici présentées devraient donc être prises en considération dans le choix des hypothèses adoptées pour la construction des coupes équilibrées et conduire à modifier sensiblement celles déjà proposées.


Ouvrages cités :

 

Ayrton S. (1980). - La géologie de la zone Martigny - Chamonix (versant suisse) et l'origine de la nappe de Morcles (un exemple de subduction continentale). Ecl. Géol. Helv. 73/1, p. 137-172, 1980.

Barféty J.C. & Mouterde R. (1978). - Présence d'Hettangien fossilifère dans le massif du Mont-Joly (Megève, Haute-Savoie). Implications stratigraphiques et conséquences structurales. C.R.Acad.Sc.Paris, t.287, p. 113-116.

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Remerciements :

Je remercie MM. Jacques Debelmas et François Longeot d'avoir accepté de lire mon premier manuscrit et de m'avoir fait profiter de leurs remarques, et M. J.C.Barféty pour nos fructueux échanges de vues, en particulier sur le terrain.



FIGURES


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Fig. 1 - Carte de situation

Seuls sont représentés les accidents d'importance régionale.


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Fig. 2 - Carte géologique simplifiée des confins des massifs des Bauges et des Bornes

D'après les cartes géologiques existantes (largement retouché).

Les axes de plis représentés sont en général ceux de l'interface Urgonien - Sénonien. Pour les anticlinaux de la bordure du sillon subalpin ils correspondent à des niveaux stratigraphiques plus profonds (Berriasien - Tithonique à La Roche Torse, Bathonien - Callovien à La Giettaz). Afin de mieux souligner les correspondances entre les plis, de part et d'autre du faisceau de failles de l'Arcalod, le synclinal d'Arclosan et son équivalent, celui du Pécloz ont été tracés avec un figuré spécial de petites croix très serrées.

Les principales cassures citées sont désignées par des lettres cerclées ; dans l'ordre alphabétique :

A = extrémité septentrionale du tracé repérable de la faille occidentale de l'Arcalod ; C = faille du Collet de l'Alpette ; E = faille de l'Étale ; F = accident du col de la Forclaz et du Roc Lancrenaz ; G = faille de la Goenne ; M = faille de Merdassier ; R = décrochement de Saint-Ruph ; S = décrochement de Sainte-Reine - Orgeval.

Dans cette figure, comme dans les autres, on a suivi, autant que possible, la nomenclature des accidents retenue sur les cartes géologiques au 1/50.000° (voir le texte pour plus de détails au sujet des synclinaux de Serraval et de Thônes). On trouvera des compléments sur la nomenclature des plis en fig. 6.

Depuis la publication de l'article l'auteur s'est convaincu que les prolongements des décrochements de Saint-Ruph et de Sainte-Reine, tels qu'ils sont indiqués sur cette figure (en interprétant sur les documents alors publiés), sont partiellement erronés.

- Le décrochement de Saint-Ruph ne semble pas se poursuivre directement à l'emplacement indiqué au sud du sommet du Charvin : les décrochements des Aiguilles du Mont qui correspondent à ce tracé sont orientés plus E-W. Ils représentent toutefois sans doute des accidents secondaires liés à l'amortissement de la grande cassure qui suit, au sud de ce point le contact autochtone - ultrahelvétique (ravin du col du Fer au NE de Marlens)

- Le décrochement de Sainte-Reine ne traverse pas le synclinal de Serraval au niveau de la Sambuy. Il s'infléchit plus vers le nord pour se connecter au décrochement de Saint-Ruph au nord du col d'Orgeval. La branche de cassure désignée par "S" au niveau de Cons est le décrochement de Bouchasse. Il semble plutôt relayer celui de Sainte-Reine du côté du NE, mais il ne se connecte pas à ce dernier, à travers le vallon d'Orgeval. En effet la faille du Mont de la Coche, dont la présence avait fait croire à cette connection, ne semble pas présenter les caractères de sens de rejet et de valeur de pendage convenables pour jouer ce rôle.


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Fig. 3 - Coupes schématiques, aux confins des massifs des Bauges et des Bornes

Ces deux coupes concernent respectivement le sud du massif des Bornes (A) et la partie nord-est des Bauges (B). L'une et l'autre sont composites, dessinées à l'échelle à partir de fragments élémentaires pris sur des transversales légèrement décalées : ceci permet, compte tenu des plongements axiaux des plis, d'avoir une vue plus complète de la structure, en tenant compte des données fournies par plusieurs niveaux d'érosion.

Un schéma récapitulatif de l'enchaînement des plis est également fourni en fig. 9 et la fig. 4 donne de la klippe de Sulens une coupe différemment orientée.

N.B. Sur la coupe A le dessin de la faille de la Goenne ne rend pas compte du tout de son pendage réel (qui est beaucoup plus modéré) car l'azimut de la faille est voisin de celui du plan de coupe.

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Fig. 4 - Coupe de la klippe de Sulens.

Cette coupe, très schématique, est perpendiculaire au faisceau de failles de l'Arcalod et du Charvin, dans la portion de son tracé où il contourne la klippe par le nord-ouest. Elle est donc plutôt longitudinale que transverse par rapport à l'axe du synclinal de Serraval. L'échelle et le profil topographique sont seulement approximatifs.

Elle montre comment le jeu de ces failles, par le télescopage des unités superposées, peut rendre compte de la dissymétrie de structure de la klippe et de son soubassement ultrahelvétique.

Pour plus de détails on peut suivre, grâce à une série de jalons, les tracés vraisemblables des deux failles les plus méridionales du faisceau du Charvin, FE et FG dans les pentes de rive gauche du Fier en face de Manigod, sur la carte géologique Annecy-Ugine :

D'est en ouest le tracé de la faille de la Goenne passe à la base de l'épaisse lame ultrahelvétique du Néocomien de l'Orsiére (qu'elle biseaute dans le secteur des Cernets), puis, au prix d'une inflexion synforme qui correspond à la traversée de la charnière du synclinal de Serraval, elle rejoint ensuite le bord septentrional de la klippe de Sulens.

La faille de l'Étale, biseaute quant à elle le Jurassique - Néocomien de la lame ultrahelvétique des pentes inférieures (Balme, Le Macheux), puis remonte à flanc des pentes nord de Sulens (après avoir aussi traversé la charnière du synclinal de Serraval) où elle doit délimiter les copeaux du Plan des Berthats et des Seitéries.

erratum : la vallée, à l'extrême gauche n'est pas celle du Fier mais celle des torrents de Chamfroid et du Marais

Légende des notations abrégées :

U.s = unités Ultrahelvétiques supérieures ; U.i = unité Ultrahelvétique inférieure (relativement épaisse).

jM = surface de chevauchement de la nappe des médianes ; jU = surface de chevauchement de l'Unité Ultrahelvétique inférieure ; FM = faille de Merdassier ; FE = faille de l'Étale ; FG = faille de la Goenne.

fl.s = flyschs ultrahelvétiques supérieurs ; fl.i = flyschs ultrahelvétiques inférieurs ; fl.A = flyschs autochtones (sensu lato)

Stratigraphie de la nappe des médianes (klippe de Sulens) : T = semelle triasique ; Li = Lias inférieur calcaire : Ls = Lias supérieur schisteux.

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Fig. 5 - Bloc diagramme schématique de la géométrie actuelle des rapports entre failles de l'Arcalod et du Charvin

Les dimensions du bloc sont d'environ 40 km de long pour 15 de large Le hiatus ménagé entre la partie nord (A) et la partie sud (B) correspond aux environs de la cluse de Faverges - Ugine. Le dessin met en évidence la double courbure synforme de la surface de cassure : une courbure d'axe à peu près W-E, très ouverte, y interfère avec la courbure la plus accentuée, d'axe N-S.

Les hachures sur les surfaces de failles indiquent la direction approximative du mouvement (décro-extension).

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Fig. 6 - Carte structurale schématique du massif des Bornes et de ses confins avec ceux des Bauges et de Sixt

Trois faits apparaissent surtout clairement :

- l'obliquité du synclinal de Serraval - Arclusaz par rapport aux deux branches extrêmes de l'arc de virgation des Bornes et par rapport aux plis des médianes du Chablais.

- la poursuite de cette virgation au sud-est du synclinal de Serraval - Arclusaz, dans les plis du versant oriental des Aravis.

- Le fort ensellement des plis P2 entre Bornes et massif de Platé - Sixt, qui est dû en fait à l'entrecroisement des deux grands plis transaxiaux que sont le synclinal de Serraval et celui NNW-SSE des Gets.

Remarquer combien la virgation des Bornes a des influences différentes sur le tracé et l'orientation de chacune des familles de failles distinguées :

- Rotation intégrale pour les décrochements les plus transverses et pour les failles extensives longitudinales

- Faible torsion pour les décrochements sub-longitudinaux et, probablement, pour les failles des faisceaux de l'Arcalod et du Charvin, encore qu'il soit difficile d'en juger, puisque celles-ci ne pénètrent guère dans la branche nord-orientale de l'arc.

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Fig. 7 - Blocs diagrammes schématiques, montrant l'évolution qui a conduit la faille de l'Arcalod à sa géométrie actuelle.

Ces trois blocs ne concernent que les failles de l'Arcalod-Charvin : l'inflexion sigmoïde (représentée en fig. 10 et 11) qui les raccorde, en profondeur, avec l'accident médian se trouve ici en dessous du volume représenté. Les hachures sur les surfaces de failles indiquent la direction approximative du mouvement.

a) géométrie originelle (les failles du faisceau sont de simples plans inclinés vers le SE)

b) ploiement transverse lié à la formation de la virgation des Bornes (?). On peut aussi envisager que cette forme en coup de gouge, à courbure synforme d'axe à peu près W-E, ait été celle du faisceau de failles dès l'origine. Mais cette hypothèse s'accorde moins bien avec l'ampleur de son rejet coulissant que celle d'une faille plane.

c) déformation ("enroulement") par le synclinal de Serraval : superposition à l'inflexion précédente d'un ploiement d'axe N-S, donc orthogonal. Le résultat (incomplètement représenté ici) est le dessin en cuvette représenté fig. 5.

 
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 Fig. 8 - Étapes de formation de la structure actuelle du synclinal du Pécloz et de l'Arclusaz (détail local)

Le petit secteur représenté rassemble, sur une surface réduite, un bon nombre des types de structures dont il est discuté dans cet article. Le dispositif représenté est visible en coupe naturelle depuis les environs d'École (pentes du Mont Pellaz ou débouché septentrional du vallon d'Arclusaz).

Sur l'arête est du Mont de la Coche (Crête de l'Encerclement) le flanc est du synclinal du Pécloz est complètement renversé et semble subhorizontal (mais il plonge vers le nord, perpendiculairement au plan de la coupe). Il dessine un reploiement synforme largement ouvert, qui se situe à l'endroit même où la direction d'axe du synclinal de Serraval l'amène à passer entre les deux jalons sur son tracé que sont la Sambuy au nord et le col d'Arclusaz au sud.

Deux failles normales conjuguées affectent le flanc inverse du synclinal du Pécloz (P2). La principale est recoupée tant par la faille de l'Arcalod que par le décrochement de Sainte-Reine - Orgeval , ce qui atteste de son ancienneté relative, mais elle décale Sénonien et Nummulitique et doit donc être plutôt d'âge oligocène. Le synclinal du Pécloz est à son tour reployé par celui de l'Arclusaz, équivalent local de celui de Serraval.

Dans les figures 1 et 2 les triangles localisent la position future du sommet du Mont de la Coche. Pour le contexte structural environnant se reporter à la fig. 3.

Cette figure comporte une erreur de détail, qui est l'attribution à l'Hauterivien des couches du sommet du Mont de la Coche. Comme l'indique la carte géologique Albertville (parue depuis) il s'agit de Sénonien supérieur. Ceci a pour conséquence que la faille de la Coche (F1 : "la principale") a un rejet de sens inverse par rapport à celui figuré ici et qu'elle ne saurait représenter une conjuguée par rapport à F2 (il n'est d'ailleurs plus aussi évident qu'elle ait été originellement une faille extensive).
Le déroulement des 3 étapes envisagé ne s'en trouve pas affecté mais le dessin des structures en -1- et -2- est à retoucher.



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Fig. 9 - Coupe synthétique schématique des plis de la partie orientale des Bauges

Toutes les structures représentées ayant actuellement un plongement vers le nord (de 15 à 20°) le dessin de cette coupe intègre des éléments qui, sur la carte, sont d'autant plus septentrionaux qu'ils sont plus élevés dans l'édifice structural. Les plus élevés ne sont même visibles que dans le massif des Bornes (charnière de l'anticlinal d'Orchair - Chaurionde -Varo). La coupe étant orientée perpendiculairement à l'axe de P3 elle est donc oblique aux plis P2 ; leur forme est, de ce fait, exagérément étirée d'est en ouest.

Les déplacements dus aux diverses failles (failles de l'Arcalod et décrochements plus tardifs) sont supposés annulés. On a cependant indiqué le tracé approximatif du faisceau des failles de l'Arcalod.

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Fig. 10 - Bloc-diagramme des rapports entre la faille Arcalod - Charvin et l'accident médian de Belledonne

Pour clarifier le dessin, les nappes internes (klippes des Annes et de Sulens) n'ont pas été représentées. Toutes les structures, et notamment celles du "synclinal de Chamonix", sont schématisées à l'extrême pour en dégager les traits essentiels.

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Fig. 11 - Étapes successives de la géométrie des rapports entre l'accident médian de Belledonne et la faille de l'Arcalod

Les terrains autochtones sont seuls représentées mais les nappes internes (klippes des Annes et de Sulens) sont supposées les avoir déjà recouverts dès l'étape représentée en 1. Celle-ci n'est pas celle de l'apparition initiale de cette faille dans la couverture sédimentaire mais celle, postérieure au plissement P2, durant laquelle elle a plus probablement acquis l'essentiel de son rejet coulissant.

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Fig. 12 - Déformation des failles du massif des Bornes au cours des phases tectoniques successives

Fo représentent les failles extensives (pour la plupart apparues au Nummulitique), (A) étant la famille à regard vers l'est et (B) la famille conjuguée, à regard vers l'ouest. À la première (A) appartiennent les failles du Roc Lancrenaz - col de la Forclaz, du col des Contrebandiers, de la Balme de Thuy, de la Tête de Turpin (qui se poursuit vers le nord par le revers est des Rochers de Leschaux, dans le synclinal de Cénise) et du col du Pertuis (Parmelan) ; à la seconde (B) se rattachent celle du versant ouest des Rochers de Leschaux (flanc est du synclinal de Solaison) et celles de la coupe de l'Arve (notamment de l'Arbaron - Pointe d'Areu).

On a désigné par j1 les chevauchements qui paraissent attribuables à l'effet du cisaillement de la phase P1, tels ceux de la Filière, du Cotagne (versant est de la Tournette) ou celui des Avoudrues et du Grenier de Commune dans le massif de Sixt (en effet ces derniers sont indépendants des plis P2, synschisteux dans ce secteur, et ne les recoupent pas).

Pour ce qui est des relations chronologiques et géodynamiques entres les phases P1, P2 et P3, voir le texte et notamment les conclusions générales.

N.B. : Tous les cas de figure possibles ne sont pas représentés ici. On trouvera en fig. 7 la représentation des déformations subies par les failles de l'Arcalod - Charvin et en fig. 8 un cas de renversement total d'une faille d'extension par un pli P2.

 
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 Fig. 13 - Rapports éventuels entre les chevauchements tardifs et les déformations du socle

A) Schéma général donnant le thème des déformations P3 dans l'hypothèse d'un cisaillement, tangentiel à l'interface socle - couverture, induit par le pli de fond de Serraval - Arclusaz - Saint-Nizier

Les cisaillements entre socle et couverture induits par la flexion synclinale S3 se traduisent symétriquement ,sur les deux flancs de S3, par une reprise des plis P2, qui sont accentués et/ou rompus (A3 et S3), et par l'apparition de chevauchements nouveaux j3.

Ce schéma interprétatif rend compte correctement des rapports entre les structures dans la région grenobloise [GIDON, 1981b]. Il ne paraît pourtant pas s'adapter aussi bien à la transversale des Bornes, où les structures rétroverses du flanc oriental du pli de fond sont inconnues : on peut envisager que cette différence de comportement soit due à l'influence des témoins résiduels des nappes internes présents dans la seconde de ces deux transversales ; mais ceci est tout à fait hypothétique et la façon dont ce facteur a pu jouer reste bien obscure.

B) Schéma plus détaillé de la géométrie des étapes successives, quel que soit le processus explicatif.

Dans le flanc ouest de S3 les plis P2 accentuent leur serrage et se déversent plus vers l'ouest (non représenté), tandis que les chevauchements j3 peuvent naître par réactivation des anciens chevauchements j1 (= "j 1+3"). Dans le flanc est de S3 les plis P2 subissent un rétrodéversement (vers l'est) qui se manifeste surtout par l'enroulement de leur flanc oriental (= "A 2+3") avec lequel sont aussi enroulés les anciens chevauchements j1, que recoupent ici les chevauchements j3.



 

 Fig. 14 - Résumé cinématique général

On a représenté très succinctement les caractères fondamentaux des quatre principales étapes successives de la déformation de l'ensemble des massifs externes de Alpes occidentales françaises. Les numéros sont ceux du texte de ces conclusions de cet article.

1 = Phases extensives anciennes (sans distinctions) ;

2 = Phase compressive P1 (les failles de l'étape 1 ne sont plus figurées ici, ni dans les étapes suivantes) ;

3 = Phase compressive P2 ;

4 = Phase d'extension intermédiaire entre P2 et P3 ;

5 = Phase compressive P3 (les plis P2, de l'étape 3 ne sont plus figurés ici).

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