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Microstructures des couloirs de faille |
Le plus souvent une faille n'est pas une surface plane, sans épaisseur, mais se révèle jalonnée par un coussinet de roche plus ou moins épais, qui constitue un "couloir de faille", entre les lèvres de chacun des deux compartiments en mouvement relatif. Sa largeur varie, d'une faille à l'autre et d'un point à l'autre d'une même faille, depuis un décimètre jusqu'à quelques mètres pour les failles importantes.
Cette tranche de roche intercalaire est "broyée" plus ou moins intensément car il s'exerce, entre les deux compartiments en déplacement, un serrage qui induit une friction analogue à celle qui a lieu dans une meule (c'est-à-dire associant du cisaillement et de l'écrasement). Il en résulte la formation d'une brèche de faille ou d'une mylonite, suivant la nature de la roche et l'intensité des pressions.
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Le résultat peut se limiter à ce broyage. Dans d'assez nombreux cas il se développe au contraire des microstructures organisées, dont l'agencement géométrique est d'ailleurs étroitement lié au sens du mouvement.
Dans les couloirs de faille le mouvement relatif des deux compartiments (demi-flèches grasses) est oblique aux efforts de raccourcissement qui sont à l'origine de la faille (lesquels s'exercent en fait sensiblement selon l'horizontale de la figure). Il en résulte, au sein du couloir de faille, une tendance à l'écrasement, selon Z (direction de raccourcissement interne au couloir)
Ceci induit une déformation microtectonique qui peut
s'y exprimer par l'apparition de deux sortes de surfaces, les
deux se trouvant fréquemment combinés (fig. C) :
- des feuillets d'aplatissement dans les roches relativement plastiques
(argileuses) : la roche devient une mylonite
(schéma A) ;
- des fractures secondaires, ou microfailles (schéma
B) , dans les roches plus rigides (calcaires).
La disposition géométrique de ces surfaces est étroitement liée au sens du mouvement et permet donc de déterminer celui-ci en cas d'absence d'autres indices :
- disposition du feuilletage schisteux dans une mylonite (schéma A) : les feuillets S1 (assimilables à de la schistosité) se disposent orthogonalement à la direction de raccourcissement Z et dessinent un "crochon" sigmoïde aux approches du miroir de faille le plus proche.
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Ici le miroir de faille surplombe localement une poche de mylonite, qui représente en quelque sorte une navette écrasée.
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- disposition des microfailles (schéma
B) :
Les fractures les plus importantes sont celles, dites "de
Riedel" (R). Elles se disposent à environ 30°
de la direction de raccourcissement Z et se branchent à
angle aigu (environ 15°) sur le miroir, "dans le sens
voulu pour que le mouvement de la faille principale puisse s'y
engager" (en fait il peut théoriquement s'en former
une deuxième famille "conjuguée" mais
on n'a représenté que les failles de la famille
qui se développe de loin le plus fréquemment).
Dans certaines conditions il apparaît aussi des failles
"P" qui se disposent de façon à peu prés
symétrique aux "R", par rapport à la direction
du couloir et finissent par les connecter.
- combinaison des deux types de déformation, aboutissant
à la structure dite "S/C" (schéma
C). C'est l'aspect le plus commun des zones de mylonites :
les microfailles R tordent en "crochons" sigmoïdes
les feuillets S1 qu'elles sectionnent.
Des exemples en sont fournis par la mylonite de la faille de chevauchement de la Saucisse, dans
les pentes de la Bastille, par le couloir de faille du décrochement
du col de l'Alpe, à Valfroide,
et par celui du chevauchement de la Chartreuse orientale, au tournant
1442 de la route
pastorale du Charmant Som.
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- combinaison de failles de deux types, aboutissant à
un tracé de faille "en baïonnette"
(schéma D) : à
toutes échelles, et notamment à l'échelle
décamétrique, le tracé de détail des
cassures est souvent formé de tronçons représentant
alternativement des failles R et P inter-connectées.
- formation de "navettes" (schéma
E) : ceci est une variante du schéma D, dans laquelle
des fragments losangiques ont été découpés
par l'intersection de couples de failles P et R. Les panneaux
rocheux amygdalaires ainsi isolés ("navettes")
s'effilent à leurs extrémités et sont souvent
séparés par des couloirs secondaires de brèche
de faille. Ils subissent un déplacement de valeur moindre
que celui des compartiments entre lesquels ils s'intercalent.
Des exemples en sont fournis, en Chartreuse, par le monolithe
de l'Oeille à la Dent de Crolles (ci-dessous) et par la cheminée
ouest du Petit Som.
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Le compartiment oriental ("supérieur") de la faille est abaissé d'environ 15 m (utiliser comme repère la base des couches à Orbitolines ; la valeur du rejet se déduit de ce que la portion de montagne visible a une dénivelée d'un peu plus de 100 m). Le sentier de la voie normale de montée depuis le col des Ayes fait ses lacets dans le compartiment gauche (occidental) . La faille se partage au niveau du monolithe de l'Oeuille en deux cassures secondaires qui le limitent et se rejoignent en haut comme en bas : ce monolithe est une "navette". |
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Il est à noter que les connections entre branches de failles élémentaires, à l'échelle décamétrique, voire hectométrique ou kilométrique, répondent également souvent au schéma de Riedel (schémas D et E) : un très bel exemple en est donné par le décrochement de l'Alpette dans le secteur de Saint-Pierre-d'Entremont.