Ugine, gorges de l'Arly

entre les massifs des Aravis et des Bauges, au contact du socle cristallin de Belledonne

La petite ville d'Ugine se situe à la limite orientale entre Bauges et Bornes, à l'endroit où l'Arly s'échappe de ses gorges pour couler, jusqu'à Albertville, dans une vallée dotée d'un fond alluvial mais encore étroite. Que se soit en amont ou en aval de la ville on peut considérer que le cours de l'Arly a été dirigé par les lignes structurales du secteur car il suit à peu près le contact entre socle cristallin et les premiers niveaux de la couverture sédimentaire, c'est-à-dire le tracé de la surface de la pénéplaine anté-triasique, laquelle plonge (d'ailleurs plutôt modérément) vers le NW.

 Toutefois, au nord d'Ugine, l'encaissement de la rivière dans le socle cristallin fait que le tracé de son lit s'écarte vers l'est du tracé de la surface de la pénéplaine anté-triasique, tout en lui restant sensiblement parallèle : on peut s'interroger sur les raisons de cet encaissement, qui cesse plus au nord à partir de Flumet, autrement dit sur ce qui a empéché l'Arly, entre Flumet et Ugine, de continuer à s'enfoncer en perçant la surface de la pénéplaine anté-triasique (qu'elle se contente alors de dénuder) ...


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La basse vallée de l'Arly et la trouée d'Ugine, vues d'avion, du NE, depuis l'aplomb de Crest Voland.
s.F = synclinal de Flumet (prolongement méridional probable) ; a.G = anticlinal de la Giettaz (prolongement méridional probable).
Compléments d'explications plus loin dans cette page


La ville d'Ugine s'est construite plus précisément à un endroit où la vallée de l'Arly s'élargit sensiblement du côté NW, par l'adjonction de la plaine alluviale, assez large, que draine le ruisseau de La Chaise avant de se jeter dans l'Arly. Cette plaine, qui se prolonge jusqu'à Faverges, sépare les massifs de Bauges et des Aravis et mérite, de ce fait, la dénomination de Trouée de Faverges - Ugine. Il est évident que le ruisseau de La Chaise est bien incapable d'avoir creusé cette importante coupure et en particulier d'avoir entaillé les étroits qui franchissent à son extrémité ouest, peu avant Marlens, la barrière rocheuse constituée au nord par la crête du Mont Charvin et au sud par celle de la Dent de Cons.

Cette trouée est en fait très similaire à celle qui sépare, plus au sud-ouest, les Bauges de la Chartreuse. Comme cette dernière elle a été creusée et aménagée par une langue glaciaire quaternaire : ici il s'agit principalement d'une diffluence formée aux dépens des glaces qui descendaient de la Basse Tarentaise, aux quelles s'ajoutaient celles provenant du glacier de l'Arve par la vallée de l'Arly. C'est cette langue qui, en poursuivant sa course vers le NW, a également creusé la cuvette du Lac d'Annecy.

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Ugine et l'extrémité nord-orientale du massif des Bauges, vus du nord-est, depuis les abords de la route D.109, menant à Héry (hameau de Bellon, dominant Ugine).
f.G = faille de la Goenne (voir la page "Charvin") ; f.A = faille de l'Alpettaz.
Toutes les couches plongent vers le versant opposé de la crête de la montagne, c'est-à-dire vers l'ouest. Elles se rattachent au flanc oriental du synclinal de Serraval dont le coeur est visible en arrière de Marlens.

Du côté sud, entre Ugine et Marlens, la trouée d'Ugine tranche orthogonalement le promontoire le plus oriental des Bauges, constitué par le chaînon de la Dent de Cons (voir aussi la page "Dent de Cons nord"). La succession des couches y est normale, pentée vers le nord-ouest et constitue le flanc oriental du synclinal de Tamié. Elle représente aussi la couverture du socle cristallin de Belledonne ; mais elle débute seulement par les marnes aaléniennes qui affleurent en rive droite de l'Arly dans les pentes de Marthod, tandis que le socle cristallin forme la rive gauche.

La largeur, à cette latitude, des alluvions du lit de l'Arly est trop faible pour cacher une épaisseur substantielle de Lias et de Trias et l'on voit d'ailleurs, en rive gauche peu au sud de Marthod, que le Trias est présent mais ne forme qu'une mince bande entre Aalénien et socle cristallin. Il n'est sans doute pas nécessaire d'invoquer un accident tectonique pour expliquer cette extrème réduction de la base de la série : une lacune due au onlap* de la succession sur le flanc occidental du bloc de socle de Belledonne en donne une interprétation tout-à-fait plausible.

Le fond alluvial de la trouée se rétrécit vers l'ouest et prend une orientation W-SW - E-NE pour franchir, entre Sonney et Marlens, la barre urgonienne. Ce rétrécissement s'apparente à une cluse*mais il a peut-être aussi une origine tectonique : en effet cette barre urgonienne est interrompue en rive gauche par une cassure dont l'orientation est pratiquement celle de cette portion de la Cluse, le décrochement du Crêt Brulé (voir la page"Dent de Cons nord").

Certes le tracé de cette faille est décalé vers le sud de presque un kilomètre par rapport à celui du fond de vallée à Marlens, où se trouve son point de rétrécissement maximum. Mais un tel écart s'explique aisément dans le cas d'un encaissement vertical de la vallée si la surface de faille est inclinée (ce qui est le cas ici, où elle pend vers le sud).

 


La rive nord de la trouée de Faverges - Ugine est trop boisée pour permettre une observation géologique aisée. Néanmoins elle donne, à l'ouest de cette dernière ville, une coupe naturelle remarquable des collines de rive droite de l'Arly entre l'extrémité méridionale des Aravis (chaînon du Charvin) et la marge occidentale du massif du Beaufortain.

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Le versant nord de la trouée d'Ugine vu du sud, depuis le fort des Batteries (extrémité nord-orientale des Bauges) .
f.G = faille extensive de la Goenne ; a.G = anticlinal de la Giettaz ; s.F = synclinal de Flumet.
s.pa (tirets rouges) = surface de la pénéplaine anté-triasique. Horizontale aux Saisies elle s'infléchit pour plonger de plus en plus vers le NW en rive droite des gorges de l'Arly.


Entre la vallée de l'Arly et la combe des Terres Noires (ici relativement étroite), qui suit le pied des escarpements du chaînon méridional des Aravis, s'étend un système d'échines boisées entaillées du côté sud par plusieurs profonds ravins. Dans ces derniers on voit que les Terres Noires y affleurent en contrebas de couches du Jurassique moyen (qui forment la crête) et que ces dernières sont affectées par un dispositif en plis couchés apparemment déversés vers l'est. Il s'agit en fait de plis déversés vers l'ouest, qui sont des replis "en feuille de chêne"* de flanc inverse de l'anticlinal de la Giettaz qui est largement mis à jour plus au NE dans les ravins affluents des deux rives de l'Arrondine (pages "Flumet" et "La Giettaz").

C'est le fait que les plans axiaux de ces plis sont pentés franchement vers le nord-ouest qui conduit à donner l'impression fallacieuse (puisque la succession est renversée) de plis déversés vers l'est. Cette disposition résulte de ce que ces plis, qui avaient originellement des plans axiaux modérément pentés vers le sud-est, ont été basculés sous l'effet du soulèvement du socle de la chaîne de Belledonne, lorsqu'il s'est bombé en anticlinal dans la toute dernière étape de surrection des Alpes.

*

Coupe simplifiée du revers oriental de la chaîne des Aravis méridionale, entre la vallée de l'Arrondine et la trouée d'Ugine.
ØAp = chevauchement de l'Arpettaz ; f.G = faille de la Goenne ; ØUH = chevauchement des unités ultrahelvétiques.
En marge sud-est de la coupe les demi flèches indiquent le déplacement relatif (cisaillement) de la couverture par rapport au socle cristallin et l'on voit s'y dessiner le bombement anticlinal de la surface du socle de la chaîne de Belledonne.

Les derniers hauts épaulements boisés, qui suplombent la vallée de l'Arly aux abords ouest d'Hauteville, sont encore armés par les couches du Bajocien calcaire. Ils représentent le coeur du synclinal de Flumet (à plan axial également basculé vers l'ouest) tandis qu'en contrebas, au sud et à l'est d'Hauteville, la série (où prédominent largement les argilo-schistes aaléniens) redevient à l'endroit. Elle ne comporte qu'une mince succession de calcaires liasiques au dessus d'un niveau très régulièrement formé de quelques dizaines de mètres de dolomies claires recouvrant les grès de base du Trias. Ce tégument triasique repose sur le socle cristallin par l'intermédiaire d'une lame de grès et schistes houillers qui court, parallèlement à ce contact et au fond de la vallée, jusqu'à la latitude de Crest Voland.

Comme en aval d'Ugine (voir plus haut) il ne paraît pas nécessaire de faire appel à une dislocation tectonique (qui pourrait représenter la surface de chevauchement de la nappe de Morcles : voir la page "nappe de Morcles") pour expliquer cette réduction d'épaisseur de la série : au contraire le caractère stratigraphique des contacts observables porte bien à y voir une simple succession stratigraphique se réduisant d'ouest en est sur le flanc de l'ancien bloc basculé de Belledonne.


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Le versant occidental de la vallée de l'Arly, vu de l'aval, du SW d'avion, depuis l'aplomb de Marthod.
f.G = faille extensive de la Goenne ; a.G = anticlinal de la Giettaz ; s.F = synclinal de Flumet.
s.pa (tirets rouges) = surface de la pénéplaine anté-triasique. Très faiblement pentée en rive est de l'Arly elle s'infléchit pour plonger de plus en plus vers le NW en rive droite des gorges, ce qui dessine bien la forme en demi-voûte du bloc de socle cristallin de Belledonne. Le basculement vers la gauche les plans axiaux des plis couchés de la couverture résulte clairement de cette même inflexion.


Les gorges de l'Arly ne suivent pas le contact socle - sédimentaire, comme le fait le cours de la rivière en aval d'Ugine. Elles sont entaillées, presque jusqu'à Flumet, dans les micaschistes du rameau externe de Belledonne. La foliation y est en général proche de la verticale et orientée selon l'azimut moyen du cours de la rivière ; c'est elle qui est à l'origine d'un débit de ces micaschistes en feuillets qui tendent à se détacher ou à basculer dans les abrupts (ce qui occasionne de fréquentes coupures de la route des gorges, N.212).
Entre les embranchements sur la N.212 des routes d'Héry (D.100) et de Crest Voland (D.71a) le lit de l'Arly traverse l'extrémité nord des affleurements de la bande de houiller qui recouvre les micaschistes. Au premier de ces embranchements l'entaille du ravin affluent de rive droite (le Flon) montre excellemment les couches triasiques, à peine inclinées, qui recouvrent ce houiller en discordance.

Remarques complémentaires :

Aux abords d'Ugine il n'y a plus de hiatus d'observation entre Belledonne et les massifs subalpins septentrionaux car le sillon subalpin, creusé dans les Terres Noires n'est plus qu'un élément très accessoire du relief et n'a plus de remplissage quaternaire lié à son utilisation par un cours d'eau (à la différence de ce qui se passe au sud d'Albertville).

La coupe transversale à la vallée de l'Arly donne donc une des meilleures vues sur les rapports entre les plis des massifs subalpins septentrionaux et la déformation du socle cristallin. Les descriptions que l'on trouve ci-dessus mènent à deux conclusions qui contredisent sans ambiguité l'idée selon laquelle le socle de Belledonne aurait chevauché vers l'ouest en plissant sous lui la couverture, refoulée sous ce chevauchement :
1 - Ces plis sont couchés au dessus de la surface du cristallin et ne se relient à aucune faille inverse du socle : ils ne traduisent donc qu'un effet du cisaillement de la couverture, qui a été transportée vers l'ouest tangentiellement à la surface de ce socle.
2 - Les plis ne peuvent découler de la surrection de la chaîne de Belledonne car ils lui sont antérieurs : c'est ce dont témoigne le basculement vers l'ouest de leurs plans axiaux, qui se fait parallèlement à l'enroulement de la surface du socle cristallin (cette inflexion paralléle au ploiement antiforme de la voûte de Belledonne est encore mieux mise en évidence à la latitude plus septentrionale de Megève, conformément au schéma ci-après.

version plus grande

Schéma des rapports entre les structures du val Monjoie et celles du revers oriental des Aravis

Ce schéma exprime l'interprétation selon laquelle le synclinal du Mont d'Arbois représente le prolongement du synclinal de Flumet de la rive nord-ouest de la vallée de l'Arly. Le chevauchement du Joly apparaît alors comme un accident similaire au chevauchement d'Areu, voire même comme son prolongement plus bas dans la succession stratigraphique, au niveau du Lias.
ØA = chevauchement d'Areu ; ØCB = chevauchement de Croise Baulet ; ØJ = chevauchement du Joly
u.J = unité du Joly ; s.mA = "synclinal " du Mont d'Arbois ; u.V = unité de Vorès ; u.S = unité du Sangle ; u.R = unité de Roselend - Roselette ; ; a.mB = accident médian de Belledonne.
La "lame de Vervex"est formée de carbonifère intercalé au sommet des couches triasiques. Sa présence matérialise sans doute une surface de glissement tectonique qui séparerait de son socle autochtone la couverture, entraînée vers l'ouest par les charriages.

 


Carte géologique à consulter : feuille Annecy-Ugine

Carte géologique très simplifiée de l'extrémité sud-orientale des Aravis
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074


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