Le Grand Serre
reliefs sédimentaires de la bordure nord-orientale de la Matheysine

La montagne du Grand Serre (2141 m) constitue le promontoire septentrional des affleurements de la bande de terrains sédimentaires mésozoïques de la Matheysine orientale. C'est-à-dire qu'elle est constituée par la partie inférieure, essentiellement liasique, du contenu sédimentaire de l'ancien hémigraben que délimitait l'accident médian de Belledonne. Du côté occidental elle s'abaisse par les pentes de Saint-Honoré sur les lacs de la Matheysine (pages "Laffrey" et Pierre-Châtel") et, du côté oriental, elle est séparée des pentes occidentales du massif du Taillefer par le vallon suspendu de La Morte, où commence à affleure le socle cristallin du bloc du Taillefer.
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Les pentes de la station de l'Alpe du Grand Serre, vues du nord-ouest depuis le premier lacet de la route du Poursollet.
L'abaissement, de la gauche vers la droite, de la surface de la pénéplaine anté-triasique correspond à la pente de la surface du bloc basculé jurassique du "rameau interne" de Belledonne.

Dans le versant oriental de la montagne du Grand Serre les couches liasiques ont apparemment une disposition très simple, en forme de crêt regardant vers l'est par dessus les abrupts et ravines de rive gauche du Grand Rif. Ce ravin les entaille d'ailleurs assez profondément pour atteindre les niveaux inférieurs du Lias et même le Trias. De ce fait les affleurements de Lias qui forment, plus à l'est, la butte de La Cochette sont presque isolés par ce ravin, en butte témoin, de même que le Trias qui affleure (en pointements sous les alluvions glaciaires) au village du Désert.

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Le versant nord-oriental du Grand Serre (entonnoir de réception du ravin du Grand Rif) vu d'avion, du nord-est, depuis l'aplomb de la station de l'Alpe-du-Grand-Serre (La Morte).
On peut apprécier la puissance de la succession liasique, dont les couches, soulignées par la neige, sont plissotées notamment à l'aplomb du sommet. Dans l'angle inférieur gauche commence à apparaître le relief mamelonné des buttes de Lias inférieur, plus ou moins glissées, sur lesquelles se développent les basses pistes de la station de l'Alpe-du-Grand-Serre.
f.C = faille de Comboursière (son tracé est impossible à suivre dans le fond du ravin du Grand Rif).

Au nord du sommet du Grand Serre le versant oriental de l'échine sommitale tombe, par les abrupts de rive gauche du Grand Rif (dont les ravines coupent les termes successifs du Lias), sur les bosses mamelonnées de la partie basse du domaine de la station de l'Alpe-du-Grand-Serre : ces dernières sont des buttes résiduelles de Lias, disjointes par des glissements en masse, qui reposent sur la surface, incomplètement dénudée, de la pénéplaine anté-triasique.

Ce sont les niveaux tendres du Trias qui ont guidé l'érosion pour y tracer le ravin du Grand Rif, qui descend vers Saint-Barthélémy où il rejoint la Romanche. En raison du ploiement antiforme de la série et de la voûte du cristallin les couches acquièrent, du haut vers le bas de ce ravin, un pendage de plus en plus proche de la verticale.
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Le versant septentrional de la montagne du Grand Serre vu du nord, depuis Fau Laurent (rive droite de la Romanche)
s.pa = surface de la pénéplaine anté-triasique.
a.mB = accident médian de Belledonne ; f.C = faille de Comboursière ; f.P = faille de Pétichet : elle décale dans le sens dextre le tracé de l'accident médian de Belledonne, mais son prolongement éventuel à l'est de Saint-Barthélémy, au sein du rameau interne (vers la gauche), est purement hypothétique (voir les remarques de fin de page **).

À l'extrémité nord de l'échine de la montagne (col du Fond des Sciaux) les couches liasiques font brutalement place aux micaschistes du rameau externe de Belledonne, et plus à l'est, dans le ravin du Grand Rif, aux affleurements assez disloqués de Trias et de Houiller qui jalonnent l'accident médian de Belledonne. Cette terminaison brutale des affleurements mésozoïques se fait là transversalement aux couches et selon un tracé qui prolonge parfaitement celui de l'importante faille de Pétichet, qui traverse en diagonale NE-SW le plateau de la Matheysine (voir la page "Laffrey" et les remarques de fin de page **).

La structure très simple des couches sédimentaires du Grand Serre, en demi-voûte moulée sur la surface du socle cristallin, comporte toutefois diverses complications de détail. Elles apparaissent surtout dans les alpages du versant occidental de la montagne.

La première est une ondulation des strates qu'un examen attentif permet d'y déceler : leur pendage, toujours dirigé vers l'ouest, dessine d'abord une inflexion synclinale, puis s'accentue progressivement vers le bas. Cet enroulement en demi-anticlinal se moule apparemment sur celui du plancher de socle cristallin de l'hémigraben qui a été déformé de cette façon lors des serrages alpins transversaux, conformément au schéma général (voir aussi la page Tabor).
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Le versant occidental du Grand Serre vu d'avion, du sud-ouest, depuis l'aplomb de Villard-Saint-Christophe
La succession normale des couches, de plus en plus pentée vers l'ouest dans le bas du versant, est accidentée d'ondulations et redoublée par la faille de Comboursière (f.C). Elle est tranchée en biseau au bas des pentes, du côté nord, par la faille de Pétichet (f.P).

Les couches des raides pentes herbeuses de ce versant occidental de la montagne plongent donc globalement de façon assez conforme au pendage moyen des couches. La forte déclivité de ce pendage est à l'origine d'un arrachement local assez exemplaire, par glissement sur des dalles structurales.

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Vue rapprochée de l'arrachement de la Fontaine du Fayet (versant occidental du Grand Serre), vu d'avion, du sud-ouest, depuis l'aplomb du Mas, au nord de Villard-Saint-Christophe.
Du côté droit (sud) le paquet tassé s'est détaché par simple glissement couche sur couche ; du côté gauche les bancs ont été au contraire sectionnés par une déchirure.
La source de la Fontaine du Fayet doit certainement son origine au rassemblement, au fond du ravin du bedrock que comblent les éboulis, des eaux infiltrées dans les fissures du paquet tassé et dans ses éboulis.


D'autre part la succession liasique du Grand Serre s'avère être redoublée par le jeu d'une cassure N-S, subverticale, la faille de Comboursière ; elle passe peu à l'ouest du col du Parché et rehausse son compartiment occidental, auquel appartient le sommet du Grand Serre (voir le premier cliché de la présente page). Au sud de Saint-Honoré 1500 elle se suit dans le versant ouest du Tabor, en passant par la localité éponyme, jusqu'au sud de Nantes en Ratier.


version plus grande de cette image
coupe d'ensemble du chaînon, du lac de Laffrey au col de l'Oullière ; extrait de J.C. Barféty, 1985 (présentation légèrement retouchée).
L'incurvation en demi anticlinal des couches entre Villard Saint-Christophe et le Pérollier correspond à l'anticlinal de la Salle en Beaumont qui affecte, au sud de l'entaille de la Bonne, la marge occidentale des montagnes du Beaumont (voir pages "Valbonnais" et "Saint-Michel-en-Beaumont")

Il est très vraisemblable qu'il s'agit là d'une faille extensive ancienne (jurassique) qui a été basculée vers l'est par la déformation compressive des couches du contenu de l'hémigraben. En effet le Domérien et le Toarcien sont très réduits sur la lèvre ouest de la faille et au contraire épais sur sa lèvre est.

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Le versant méridional de la montagne du Grand Serre vu du sud, depuis le versant occidental du Tabor (alt. 2020 sur l'échine des Barres).
Le ravin supérieur de la Jonche donne une coupe naturelle de la série stratigraphique du Grand Serre (le point culminant de la montagne est masqué par le Pérollier).
s.pa = surface de la pénéplaine anté-triasique.

À l'extrémité sud des crêtes du Grand Serre, l'entaille du ravin de la Jonche, qui descend vers l'ouest du col de l'Ollière, donne une bonne coupe de la succession stratigraphique de la montagne.
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Détail de la coupe de Côte Dure : versant sud du Pérollier, en rive droite du ravin de la Jonche, vu de la rive gauche, depuis l'échine ouest du Lac de Charlet
Cette coupe est très représentative de la succession stratigraphique des séries de remplissage des hémigrabens*, depuis Belledonne jusqu'au sud-ouest du Pelvoux.
Les niveaux hettangiens ont livré des fossiles néritiques (pectens, gastéropodes etc...), étudiés en 1951 par L. MORET et G. MANQUAT, tandis que, dès le Sinémurien l'on trouve surtout des ammonites, ce qui témoigne de l'enfoncement progressif des fonds marins au début du Jurassique.


On trouvera des renseignements complémentaires sur ce secteur dans le site du Patrimoine matheysin, à la page "Oullière".

aperçu général sur la Matheysine

** On peut se demander ce que devient la faille de Pétichet au nord-est de Saint-Barthélémy.

En effet il est peu concevable qu'une cassure aussi importante disparaisse brutalement là, alors qu'elle a un rejet dextre de 5 km sur la plateau des lacs de Laffrey. Deux hypothèses sont envisageables :
- la première consiste à admettre qu'elle s'engage dans l'accident médian de Belledonne et se confond avec lui vers le nord : leur faible écart d'azimut, de l'ordre de 30° semble pouvoir l'autoriser ;
- la seconde est d'envisager qu'elle se poursuive selon la direction N40 à N50 qui est la sienne plus au sud-ouest. En ce cas son tracé devrait traverser à la hauteur de Séchilienne, les amphibolites de la rive gauche de la Romanche et rejoindre la vallée de cette dernière dans le tronçon de Gavet, où la vallée a effectivement cette direction. Plus au NE on peut envisager, de façon purement conjecturale, qu'elle traverse à flanc les escarpements de rive droite de la Romanche, pour aller se connecter à la faille des Lessines qui tranche en biseau, à l'est de Chamrousse, l'extrémité méridionale de Belledonne).

J'ai soumis cette seconde hypothèse à Mr René-Pierre Ménot (Professeur à l'Université de Saint-Étienne) ; dans sa réponse il évoque "la présence d'accidents SSW-NNE, qui sont bien visibles en rive gauche de la Romanche. Ils sont bien décrits dans les formations ophiolitiques et largement sous estimés dans les formations de Rioupéroux-Livet ; ces accidents SSW-NNE déterminent le tracé de la vallée de la Romanche.", avant de conclure que "si l'on peut discuter du tracé exact, au niveau de la vallée de la Romanche, du prolongement du décrochement de Pétichet, il me paraît parfaitement fondé de voir sa continuation dans l'accident multiple de la Pra et d'y voir un jeu dextre alpin".
Compte tenu des énormes difficultés d'accès des escarpements de rive droite de la Romanche je crains que tout contrôle de la plausibilité du passage d'une telle faille dans ce versant soit encore impossible à effectuer pour de longues années ...



Carte géologique simplifiée,
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074

cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuille Vizille

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