Ancelle, Saint-Philippe

Les confins du Gapençais et des montagnes de l'Embrunais septentrional

Le petit bourg d'Ancelle se situe au pied des deux chaînons les plus occidentaux de l'Embrunais septentrional, celui des Autanes au nord et celui du Piolit au sud. Il est implanté au débouché du torrent de la Rouanne, qui les sépare en coulant transversalement à leurs structures, à l'extrémité sud-orientale d'une plaine alluviale remarquablement plane et large. Elle est dominée du côté sud par l'échine de Saint-Philippe qui constitue en fait le prolongement oriental, plus fortement surélevé, du seuil du col Bayard.
image sensible au survol et au clic

La plaine d'Ancelle et ses montagnes vues de l'ouest depuis le sommet du Puy de Manse
(cliché original aimablement communiqué par Bernard Genre)
n.P = nappe de flysch à Helminthoïdes du Parpaillon ; SB = écailles subbriançonnaises (u.Pi = unité de Piolit ; sBi = unité basale) ; n.A = nappe de flysch à Helminthoïdes de l'Autapie ; ØE = surface de charriage basale des nappes de l'Embrunais ; f.pF = faille de Pont du Fossé.
pour des commentaires plus détaillés sur la structure des montagnes de la partie supérieure du cliché se reporter à la page "Petite Autane"

Cette "plaine de Lachaup", à peine inclinée vers l'ouest, est en quelque sorte suspendue au dessus de la vallée du Drac. Elle n'en est séparée du côté nord que par la colline de Coste Longue, plus haute seulement de quelques dizaines de mètres, qui s'avère être une belle moraine
À première vue on serait tenté de croire que cette plaine résulte du remplissage d'un ombilic glaciaire creusé par la langue terminale d'un glacier local qui serait descendu du vallon de Rouanne et dont la colline de Coste Longue serait la moraine frontale fermant son amphithéâtre. En fait ce n'est pas le cas, pour deux raisons (voir la carte ci-après) :

- d'abord parce que le vallon de Rouanne ne montre pas d'indices qu'il ait pu héberger un glacier capable d'alimenter un lobe frontal aussi large. Il a d'ailleurs construit une moraine frontale beaucoup plus modeste qui est située en amont de la plaine ; elle est bien conservée au nord du village, où elle forme la colline des Cousteilles qui s'appuie, à plus de 1430 m sur la rive droite du vallon, contre les pentes descendant du Cuchon.
- ensuite et surtout parce que la moraine de Coste Longue ne se raccorde pas du côté sud-ouest à celles du revers oriental du Puy de Manse pour entourer la plaine du côté ouest (contrairement à ce que suggère le dessin de la carte au 1/50.000°). En effet les moraines du versant nord-est du Puy de Manse décrivent deux petits arc fermés vers le nord : elles correspondent à des petites langues diffluentes du glacier de la Durance qui contournaient le Puy de Manse du côté oriental par le col de Serre La Faye et par Sauron ; ces petits vallums ont d'ailleurs une situation et une taille très comparables à celles de la moraine de La Condamine d'Ancelle, ce qui porte à l'attribuer, elle aussi, au stade 1 de retrait du Würm.


Carte des dépôts quaternaires du Champsaur (extrait de la publication n° 046, 1969, retouché)
localités indiquées en abrégé : V = Le Villard; P = Poligny ; StLC = Saint-Laurent du Cros ; StLM = Saint-Léger les Mélèzes.
Les numéros désignent les stades de retrait du glacier wurmien (0 = dépôts rissiens). Le figuré diminue de taille et/ou de densité des stades les plus anciens aux plus récents ; le stade 5 est attribué à une "récurrence" (attribuée au Würm III) car ses moraines reposent en chapeau sur les alluvions fluvio-glaciaires du Würm II


En définitive la moraine de Coste Longue devait se raccorder, au sud-ouest de l'actuelle entaille du torrent d'Ancelle, à celle de la langue diffluente du glacier Durancien qui contourne le Puy de Manse par son versant ouest (et qui est également rapportée au maximum de Würm ; voir la page "col de Manse") : elle représente donc en réalité la plus haute du système des moraines latérales du glacier du Drac. Son rôle dans la formation de la plaine de Lachaup a bien été de faire barrage aux eaux provenant du torrent de Rouanne : les alluvions de la plaine de Lachaup doivent être considérées comme des dépôts périglaciaires d'"obturation latérale"*, ayant comblé un lac de barrage glaciaire en marge du glacier qui occupait le Champsaur (on notera la curieuse position de ce lac, puisqu'il se situait presque au sommet de l'échine rocheuse du seuil de Bayard).

Ce barrage morainique a d'ailleurs dû céder très vite, dès l'étape suivante du retrait glaciaire, sous l'attaque du torrent d'Ancelle qui y a pratiqué une profonde entaille et l'a approfondie au cours des étapes de retrait successives : ce creusement a sans doute atteint, dès le stade 2 ou immédiatement après, les Terres Noires sous jacentes, car ces dernières affleurent à 1260 m d'altitude dans son lit actuel (à quelques 300m en aval du Pont de la Saulce), ce qui est proche de l'altitude évaluée de la moraine de ce stade sur cette transversale de la vallée du Drac.
En définitive les alluvions réellement synchrones du barrage par la moraine du maximum de Würm sont en fait celles qui forment une terrasse au pourtour de la plaine de Lachaup, notamment au replat des Faix. Celles de la plaine de Lachaup elles-mêmes, dont la surface se situe plus de 60 m en contrebas, sont plus récentes : elles ont dû commencer à se déposer au stade W2 puis ont continué leur dépôt ultérieurement. En effet, dès que le torrent a dû s'attaquer au substratum de Terres Noires, plus résistant que les moraines fraîches, il a considérablement ralenti le creusement de son lit (ce dont témoigne la faible profondeur de l'entaille qu'il y a creusé dans les Terres Noires sur cette portion de son cours).

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La vallée du Drac et le site d'Ancelle, vus du nord-ouest d'avion.
mW1 = moraine du premier stade de retrait du glacier wurmien du Drac ; mW2 à mW6 = stades suivants.

Du côté méridional la plaine d'Ancelle est limitée par l'échine boisée de Saint-Philippe et de Faudon, qui constitue la ligne de partage des eaux entre le bassin du Drac et, du côté méridional, celui de la Durance représenté ici par le sillon de Gap (le revers sud de cette crête est examiné à la page "La Bâtie-Neuve").

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Ancelle et la crête de Saint-Philippe, vus du nord depuis la crête de Coste Longue peu au nord-ouest du hameau des Faix (cliché original obligeamment communiqué par M. B. Genre).
f.Bn = faille de la Bâtie-Neuve ; ØA = surface de chevauchement de la nappe de l'Autapie ; ØRR = chevauchement du Rocher La Rouine (écaille parautochtone*).
En avant plan la terrasse alluviale du stade W1, qui correspond aux dépôts abandonnés en marge du glacier du Drac, du côté extérieur de la moraine de Coste Longue, lors de sa première étape de retrait (ils sont notés par erreur "0" sur la carte ci-dessus).
Les alluvions de la plaine de Lachaup sont plus récentes car leur surface est plus de 60 m. en contrebas.

Ce versant septentrional de l'échine est garni par des couches nummulitiques très analogues à celles de la rive droite du Drac et qui, comme elles, reposent directement sur les Terres Noires (comme on le voit en contrebas ouest de la butte de Saint-Philippe). À la différence de ce qui à lieu seulement 2 km plus l'ouest, au Puy de Manse le Tithonique et le Crétacé inférieur y ont été enlevés par l'érosion anté-nummulitique.

Ces couches sont coiffées par une formation olistolitique qui contient ici des lames pluri-décamétriques de calcschistes planctoniques néocrétacés, de grès du Champsaur (notamment au sommet de Chatégré) et même de flysch à Helminthoïdes.

On remarque en outre que la succession y est redoublée par un chevauchement mineur qui fait affleurer une lame de calcaires nummulitiques au sein des Terres Noires : c'est (avec le chevauchement de La Rochette) la manifestation la plus occidentale de la tectonique d'imbrication en écailles qui se manifeste plus largement dans l'Embrunais (voir notamment les pages "Savines" et "Saint-Vincent").

 


Carte géologique simplifiée des environs d'Ancelle
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074
catalogue des autres cartes de la section Gap-Digne

cartes géologiques à 1/50.000° (*) à consulter : feuille Chorges

(Chabottes)

(Pont-du Fossé)

(Orcières)
col de Manse

LOCALITÉS VOISINES
(Rouanne, Autanes)

Gap

La Bâtie-Neuve

(Piolit)
N.B. Les localités entre parenthèses appartiennent à une autre section du site et leur page s'ouvrira avec l'en-tête correspondant à cette dernière.

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