|
Tectonique du chaînon du Mont Joly : analyse de ses géométries structurales |
État des connaissances, lors de la création de "geol-alp", sur les abrupts orientaux du chaînon du Mont Joly. Contrairement à ce qu'indique la carte géologique au 1/50.000° (feuille Saint-Gervais) les schistes du "Lias supérieur" (Toarcien - Aalénien) ne forment pas une bande continue d'un bout à l'autre des pentes inférieures du versant oriental de la montagne. Ils y affleurent seulement dans leur partie septentrionale (à droite sur le cliché ci-après) et y représente le coeur d'un "synclinal couché du Mont d'Arbois" (J.L.Epard, 1990), qui s'ouvre largement sur le versant de Megève. Par contre le versant est dela montagne (en rive gauche du Bon Nant) se révèle constitué par plusieurs bandes superposées, dues à l'alternance de niveaux plus ou moins calcaires, toutes attribuables (sur la base de datations paléontologiques effectuées par J.C. Barféty et R. Mouterde, 1978) au Lias calcaire, essentiellement moyen et inférieur.
Partant de ces faits établis on peut, si l'on examine la disposition des couches des abrupts orientaux de la montagne, envisager une interprétation proche de celle (avec plis couchés) proposée par J.L. Epard et une autre, franchement différente, sans aucun flanc inverse (ceux-ci étant remplacés par des surfaces de chevauchement).
En effet l'examen des abrupts supérieurs montrent qu'il n'y existe aucune charnière de pli couché, tandis qu'on y observe un net biseautage des couches sommitales le long d'une surface surface (ØJ1), que l'on est donc porté à considérer comme représentant la base d'un chevauchement de l'unité du Joly. Concernant la partie basse des abrupts il n'existe guère d'indice d'une symétrie stratonomique, ni de torsion de couches, qui conduirait à voir dans la barre inférieure de Lias moyen un cœur de synclinal aplati, comme l'interprète J.L. Epard. Les deux clichés commentés ci-dessus résument cette alternative d'interprétation : - à gauche, en accord avec le schéma Epard, les répétitions de couches correspondent à des plis couchés dont l'allure très aplatie peut être mise sur le compte d'un aplatissement, mais aussi du fait qu'il serait coupés en biseau très aigu par l'entaille du versant (orientée N-S presque comme l'axe de ce plis). Cette interprétation paraît s'inscrire de façon satisfaisante dans le contexte général des autres données connues sur la géologie de cette montagne : en effet la bande inférieure de Carixien pourrait, sans difficultés géométriques, représenter le coeur, au niveau de cette section, de la charnière synclinale du Mont d'Arbois (s.mA). - à droite, la géométrie apparente semble révéler des biseau affectant les tranches de couche superposées : ils semblent correspondre à deux surfaces de chevauchement, notées de haut en bas ØJ1 et ØJ2, dont on ne saurait d'ailleurs dire laquelle correspond à la véritable surface de base de l'unité du Joly. Dans cette interprétation on ne voit plus se dessiner le "synclinal du Mont d'Arbois" de J.L. Epard, dont l'existence devient donc conjecturale. Les observations à distance sur la base de clichés plus finement détaillés (voir ci-après) soutiennent en définitive l'interprétation du cliché de droite. |
En ce qui concerne les grandes structures visibles dans le paysage, le chaînon du Mont Joly se caractérise donc par l'absence de grands dispositifs (plis ou chevauchements) évidents : en fait les couches semblent y être simplement empilées parallèlement les unes aux autres et ne montrent pas de véritables "niveaux repères".
Il en découle que la mise en évidence des caractères de sa structure tectonique (longtemps discutée) se base sur une analyse des successions stratigraphiques (souvent incertaines par suite de la rareté des fossiles) et sur celle de structures mineures ayant des caractéristiques susceptibles de fournir des indications sur le style de la déformation et sur la localisation des éventuelles structures de plus grande taille (dont la présence échappe à l'examen d'ensemble). Ce sont quelques exemples de ces structures de détail, seulement révélées par une analyse fine, qui sont présentés ci-après.
A/ Vues rapprochées d'affleurements (observations "microtectoniques")
![]() Plissotis dans le versant sud-ouest du sommet du Mont Joly Les bancs calcaires, alternés de lits marneux, du Lias moyen sont ici affectés par une bande de froissure par cisaillement qui ne rompt pas les bancs mais les tord en une succession de plis couchés (l'ouest est à gauche) Le cisaillement se fait selon un plan, peu incliné vers l'est, qui est parallèle à la schistosité (s) des lits marneux, cette dernière étant disposée selon un angle très aigu avec les couches. La schistosité des bancs calcaires (c), est plus espacée, et plus fortement inclinée (c'est le phénomène, classique, de la "réfraction"). |
Les deux exemples microtectoniques présentés ci-dessus témoignent de ce que la pile des couches du Mont Joly a subi un fort cisaillement*. Le glissement de la matière, par le jeu des surfaces de schistosité, s'est fait presque parallélement aux surfaces de couches et avec une faible inclinaison par rapport à l'horizontale, à la façon du glissement (et du froissement éventuel) des feuilles de papier dans une pile que l'on aurait poussé vers l'ouest en appuyant par dessus.
Les rares charnières de plis de plus grande taille qui peuvent être observées semblent relever du même processus. C'est en particulier le cas des replis de bancs liasiques visibles sur le versant ouest de la crête, entre Mont Joly et Tête de la Combaz, lorsqu'ils sont soulignés par l'enneigement automnal :
![]() éc.st = écaille du sommet ; éc.s = écaille supérieure ; ØJ = chevauchement de l'unité du Mont Joly. Se reporter à la page "Mont Joly" pour replacer cette vue dans le panorama général du versant. |
Détail de la partie médiane du versant ci-dessus vu du nord, depuis le Mont Joux On voit clairement qu'il ne s'agit pas de la charnière d'un pli couché, mais de plissotis de couches en flanc normal (l'angle aigu entre l'orientation du versant, proche de N-S et celle de leur axe, voisine de N45, leur donne ici une apparence plus déversée qu'il n'en est réellement). Il s'agit d'une bande de froissement par cisaillement, comparable, en plus grand, aux petites bandes froissées visibles sous le sommet même (cf. ci-dessus). |
![]() |
B/ Analyse par "suivi des couches" dans les escarpements orientaux du Mont Joly :
On trouvera sur la photo d'ensemble du versant, à la page "Mont Joly", la localisation des secteurs analysés dans les clichés ci-après.
1 - Pyramide sommitale du Mont Joly
L'analyse détaillée du tracé des strates met en évidence plusieurs paquets que séparent des surfaces de discordance. De plus leur l'empilement correspond à des redoublements de la succession stratonomique des couches, compte tenu de ce que l'on sait que celle-ci se caractérise par la superposition de niveaux relativement riches en bancs calcaires, lotharingiens à carixiens, à des niveaux plus marneux, hettangiens à sinémuriens (ceci sans précision sur la position exacte des limites d'étages, d'ailleurs).
2 - Basses pentes méridionales du Mont Joly (ravins de La Combaz)
L'analyse détaillée du tracé des strates dans les versants de ces ravins permet d'y voir des figures qui caractérisent clairement des surfaces de chevauchement à vergence vers le NW (c'est-à-dire presque perpendiculaire à la surface topographique du versant).
image sensible au survol et au clic |
3 - Basses pentes septentrionales du Mont Joly
Les accidents chevauchants caractérisés dans les ravins de la Combaz se poursuivent jusqu'à l'extrémité septentrionale des escarpements. Mais les derniers de ceux-ci qui se terminent en pointe sous le vallon herbeux de La Clochette montrent une cassure plus oblique aux couches qui a l'apparence d'un pli-faille déversé vers le NE.
image sensible au survol et au clic image sensible au survol et au clic |
Cet accident est un exemple supplémentaire montrant que les torsions de couches du Mont Joly ne correspondent pas à des charnières de plis couchés à flancs parallèles.
Quant à la place de ce chevauchement dans le schéma tectonique général elle n'est pas évidente en raison du fait que ses prolongements sont masqués vers le haut comme vers le bas. La disposition du plan de cassure le conduit apparemment à se prolonger vers le haut en suivant le pied des abrupts le plus septentrionaux du Mont Géroux ce qui peut porter à se demander s'il ne pourrait pas s'y connecter au chevauchement basal du Mont Joly (voir le cliché d'ensemble à la page "Mont Joly") |
C/ Disposition des couches dans les abrupts sud-occidentaux de l'Aiguille Croche :
Les observations à distance faites à la jumelle montrent des bandes de froissement (sans flancs inverses) ainsi que l'existence de deux surfaces de chevauchement, qui y sont repérables par des biseautages de couches :
|
En conclusion aucune observation ne montre le moindre dispositif géométrique laissant penser qu'il y ait une structuration en plis couchés au sein des couches liasiques de l'Unité du Joly. Les seules torsions de couches observables s'avèrent être des crochons ou des torsions en "bandes froissées"* qui résultent d'un cisaillement par glissement couches sur couches au sein d'une pile de strates qui reste par ailleurs disposée à l'endroit et à peu près monoclinale.
|
Aller à la page "Aiguille Croche" |
![]() |