Aiguille et vallon de la Grande Sassière
le versant français de la crête frontière à la latitude de Tignes

Le sommet de la Grande Sassière, qui culmine à 3747, est le plus élevé de la frontière franco-italienne en haute Tarentaise. Cette montagne est entièrement constituée de schistes lustrés, que les auteurs récents attribuent à deux nappes superposées, en haut celle de la Sassière et en bas celle de Méan Martin, dont les rapports sont clairement observables, en rive droite du vallon de la Sassière, dans la face sud de son sommet.

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Le versant méridional de la Grande Sassière vu des chalets de la Sassière (peu en amont du Saut).
n.Sa = nappe de la Sassière ; n.MM = nappe de Méan Martin ; ØSL = surface de chevauchement basale des nappes de schistes lustrés ("ligures")


La nappe de la Sassière est constituée par un empilement extrêmement monotone de plaquettes calcaires centimétriques à décimétriques. Elle ne montre ici que le rebord méridional d'un pupitre rocheux penté vers le nord-ouest qui est garni côté nord par le glacier de la Sassière. Ses affleurements dessinent au total une klippe quadrangulaire d'environ 5 km de côté, dont le bord septentrional est constitué par l'entaille du cirque des Balmes, en marge sud du vallon du Clou. Du côté oriental il est limité par l'arête frontière du Nancruet qui domine la partie la plus haute du Valgrisanche (où la Dora prend sa source).

La nappe de Méan Martin, à matériel plus argileux, héberge les lentilles de "roches vertes" (ici des prasinites) que l'on repère assez facilement dans la face qui domine le vallon de la Sassière.


A/ Au nord du débouché du vallon de la Sassière la crête occidentale de la montagne prend, à partir de son épaule 3313, la direction du NW ; de ce fait son versant occidental s'épanouit dans les pentes de La Grande Combe, puis de La Davie, qui descendent en direction du lac du Chevril. La structure de la partie basse de ce versant prolonge celle donnée par la coupe du ravin du Saut en aval du vallon de la Sassière (voir la page "Franchet"). Par contre ses pentes de mi-hauteur montrent des complications supplémentaires qui consistent pour l'essentiel en ce que les surfaces de charriage mises en évidence dans l'entaille E-W du vallon de la Sassière y changent de géométrie : elles s'y prolongent par des cassures sub-verticales en subissant donc une transformation comparable à celles des rapports entre le fond et la paroi latérale d'un tiroir (voir la page "rampes latérales").

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Le versant sud-occidental de la montagne de la Grande Sassière vu du sommet du téléphérique de la Grande Motte.
L'avant plan (montagne de la Tovière), qui appartient à la rive gauche la vallée de l'Isère, a été surchargé d'un voile noir, pour ne pas le confondre avec les pentes de rive droite (pour la partie basse de ces dernières, voir les pages "Chevril" et "Franchet".
n.Sa = nappe de la Sassière ; n.MM = nappe de Méan Martin ; ØSL = surface de chevauchement basale des nappes de schistes lustrés ("ligures") ; ØS = chevauchement du Saut (prolongement oriental vraisemblable de celui de La Sache) ; f.Da = faille de la Davie ; f.Br = faille des Brévières.
"J" = marbres et brèches du Jurassique ; "Pzi" = gneiss et micaschistes du socle cristallin paléozoïque du massif du Pourri.

L'unité de la Sassière y constitue la crête du Rocher de la Davie puis celle du Doumé, et ses schistes lustrés y conservent un pendage sensiblement parallèle à la ligne de crête. Mais à l'ouest de la Grande Combe, en contrebas ouest du Rocher de la Davie, ils ne reposent plus sur ceux de l'unité de Méan Martin. Ils s'appuient au contraire latéralement contre des schistes cristallins paléozoïques des alpages de La Davie, dont les affleurements sont ceux les plus méridionaux du socle du massif du Mont Pourri. La surface de chevauchement de l'unité de la Sassière y fait donc place à une cassure sub-verticale, la faille de La Davie, contre laquelle elle doit donc venir buter ou, plus vraisemblablement, se raccorder.

En contrebas ouest de cette faille de La Davie ce socle cristallin vient en contact avec les schistes lustrés de l'unité inférieure ("de Méan Martin") par un chevauchement à vergence du nord vers le sud, car la bordure orientale de ces affleurements de socle décrit une charnière anticlinale déversée vers le sud-est. Cette dernière est bien dessinée par les terrains sédimentaires briançonnais (marbres et brèches jurassiques) du Rocher Blanc, qui reposent stratigraphiquement sur ce socle.

Plus bas, dans le secteur de la Revirette, on constate enfin que les affleurements les plus septentrionaux de l'unité de schistes lustrés de Méan Martin s'engagent du côté NW dans un repli synclinal également déversé vers le sud-est, dont le flanc normal se rattache aussi au socle cristallin du Mont Pourri. Les couches de ce dernier, associées alors à des calcschistes du crétacé supérieur, s'avèrent représenter le prolongement vers le NW de l'unité du Saut (voir la page "Franchet"). Or, à cette latitude, dans les escarpements du Chevril, on constate que son accident basal (le chevauchement du Saut) se transforme aussi, à son tour, en une faille verticale, laquelle n'est autre que l'extrémité sud de la faille des Brévières (voir la page "Brévières").


 Ce dispositif complexe apparaît finalement comme le résultat d'un mouvement de rétro-chevauchement vers le sud-est se combinant avec une composante de décrochement dextre. En effet il connecte le "chevauchement de la Sache" de la rive gauche de la vallée de l'Isère, au chevauchement du Saut, en rive droite, ceci au prix d'un décalage par le jeu en coulissement la faille des Brévières (voir la page "Brévières"). C'est sans doute de la même façon que le chevauchement de la Sassière doit se connecter, par l'intermédiaire de la faille de la Davie, avec les schistes lustrés pincés dans le talweg de l'Isère au niveau de la Savinaz

Plus au nord les échines encadrant le vallon de Nant Cruet supportent deux autres témoins du socle du massif du Pourri, l'un coiffant la crête de Doumé et l'autre, plus au nord, posé au flanc sud-ouest des Rochers de Pierre Pointe. Ils reposent très clairement en klippes* sur les schistes lustrés de la nappe de la Grande Sassière et témoignent donc sans ambiguïté de la tectonique de charriage vers le sud-est (="rétro-charriage") qui régit les rapports entre les unités tectoniques de ce secteur.

B/ Le vallon de la Sassière s'allonge vers l'est, au pied sud de la montagne de la Sassière, sur plus de 2 km, jusqu'au lac du même nom.

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Le vallon de la Sassière vu de l'ouest, depuis les chalets de la Sassière.
ØSL = chevauchement basal des nappes de schistes lustrés ("ligures") ; ØS = chevauchement du Saut.
En arrière-plan les notations désignent le matériel de l'unité de la Tsanteleina : "jsBr" = marbres à brèches du Jurassique ; "csBr" = brèches à énormes éléments ("méga-brèches") du Crétacé supérieur.

L'érosion qui a creusé ce vallon a atteint, en amont du Chalet du Saut, le soubassement briançonnais des nappes ligures. Elle l'a dénudé en aval des affleurements de schistes lustrés qui servent d'appui au modeste barrage par lequel le niveau du Lac a été rehaussé, mais il n'affleure que de place en place, car il est en général caché sous les éboulis et les alluvions fluvio-glaciaires qui s'y étalent en formant un plan alluvial : il y montre alors un pendage très faible vers le nord, ce qui correspond au fait que l'on se trouve là à la voûte de l'anticlinal du Villaret (voir la page "Franchet").

Le terme supérieur de ce substratum briançonnais est constitué par une unité, l'"Écaille du Saut", apparemment très continue bien que son épaisseur ne dépasse guère la centaine de mètres (on peut donc penser que la minceur traduit sans doute un effilement sous l'effet du chevauchement des nappes de schistes lustrés). Elle est constituée de calcschistes néocrétacés qui reposent sur une dalle de quartzites et qui incluent une bande de schistes permiens (ils y sont sans doute "reconstitués" à partir des éléments d'une brèche).

Elle recouvre, par l’intermédiaire d'une lame de cargneules discontinue, une autre unité briançonnaise, l'"Écaille du Franchet" dont le corps correspond aux quartzites plus épais qui affleurent aux chalets du Saut, mais dont la couverture est essentiellement réduite à une lame de calcaires triasiques.

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Le vallon de la Sassière, vu d'enfilade, de l'ouest (vue pseudo aérienne d'après une image extraite de "Google Earth").
ØsL = chevauchement des schistes lustrés ; n.mM = nappe de schistes lustrés de Méan Martin ; u.Ts = unité de la Tsanteleina ; ØTs = sa surface de chevauchement ; ØS = chevauchement du Saut (prolongement présumé de celui de la Tsanteleina) ; f.lS = faille du Lac de la Sassière ; a.Ba = anticlinal de la Bailletta.

C/ En rive gauche (sud) du vallon de la Sassière les schistes lustrés couvrent une bien moindre surface qu'en rive droite, car ils n'affleurent guère que sur le versant nord de la Pointe de Picheru (ils en couronnent également le sommet en y formant une klippe), et en fond de vallon au niveau de l'appui ouest du lac de la Sassière.

D'autre part dans les abrupts occidentaux de cette Pointe de Picheru (voir la page "Franchet") il est bien visible que les schistes lustrés reposent sur des brèches jurassiques et néocrétacées qui sont caractéristiques de l'unité de la Tsanteleina (ces couches en sont les affleurements les plus occidentaux reconnus). Ces couches affleurent en effet en continuité avec celles de cette unité qui garnissent, plus à l'est, les pentes inférieures du versant septentrional du chaînon Dôme - Bailletta (elles plongent là dans le lac de la Sassière, en raison du fait qu'elles appartiennent au flanc septentrional de l'anticlinal de La Bailletta).

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Le fond du vallon de la Sassière : sa rive gauche (méridionale), vue du sentier du col de Rhêmes - Golette.
ØSL = chevauchement des schistes lustrés ; n.MM = nappe de schistes lustrés de Méan Martin ; u.Ts = unité de la Tsanteleina ; ØTs = sa surface de chevauchement ; f.lS = faille du Lac de la Sassière ; a.Ba = anticlinal de la Bailletta.
Remarquer l'aspect déchiqueté de la crête de l'Aiguille du Dôme, qui n'a, en rien, la forme suggérée par son nom.

Par contre les pentes de la rive nord du lac ainsi que celles du vallon montant au col de Rhêmes - Golette sont formées par les schistes lustrés de la Grande Sassière. Ces deux groupes d'affleurements très différents sont séparés le long de ce vallon par un accident qui semble couper en biais la succession des schistes lustrés de la Grande Sassière : on peut l'appeler la faille du Lac de la Sassière, puisqu'il ne semble pas les superposer aux brèches de la Tsanteleina mais plutôt les y juxtaposer.

 Sur la carte géologique du BRGM cet accident est même interprété comme un tronçon d'une grande "faille de Rhêmes - Chardonnet". Mais en premier lieu il paraît bien peu convaincant d'admettre que son tracé détermine, du côté NE, la vallée de Rhêmes. D'autre part il est difficile d'admettre et qu'elle se poursuit à l'ouest de la vallée de l'Isère (voir la page Franchet) et encore plus qu'elle y délimiterait, au delà, la klippe de schistes lustrés du Chardonnet du côté septentrional (voir la page "Tignes").


À l'ouest du lac rien ne justifie le tracé, au pied du versant nord de l'Aiguille de Picheru, adopté par la carte géologique au 1/50.000° pour la prolongation de cette cassure.
Par contre il est beaucoup plus plausible que cette prolongation corresponde (comme indiqué sur les clichés) à la faille sub-verticale qui passe peu au nord de ce sommet. En effet la direction de son tracé est beaucoup plus conforme à son orientation au SE du Lac et elle abaisse fortement, selon le rejet voulu, les schistes lustrés de sa lèvre septentrionale par rapport au mince chapeau qui coiffe, dans sa lèvre méridionale, les brèches de la Tsanteleina formant ce sommet.
Cette interprétation pose cependant la question de savoir pourquoi des schistes lustrés sont présents dans le soubassement NE de l'Aiguille de Picheru en contrebas des falaises de brèches appartenant à l'unité de la Tsanteleina (effet d'une cassure extensive NW-SE ?).


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Le versant NW de la Tsanteleina et le Lac de la Sassière, vus des pentes supérieures de l'Aiguille de la Grande Sassière.
a.S = anticlinal du Santel ; a.Ba = anticlinal de la Bailletta ; u.Sa = unité de la Sassière ; u.Ts = unité de la Tsanteleina ; ØTs = chevauchement de la Tsanteleina ; u.Fr = unité du Franchet ; f.lS = faille du Lac de la Sassière.

Si l'on suit en sens inverse, depuis le lac en direction de l'ouest, cette lame intermédiaire qui prolonge l'unité de la Tsanteleina on constate que son épaisseur se réduit énormément, peut-être par laminage, jusqu'au pied nord de l'Aiguille du Franchet (la Combe du Mont) où s'observent ses derniers affleurements bien caractérisés. Au delà de ce point on ne trouve plus d'affleurements notables de telles brèches. Par contre la cartographie des affleurements de ce secteur porte presque obligatoirement à considérer que cette lame tectonique doit se prolonger vers le nord-ouest par l'unité du Saut (voir plus haut, partie A/), c'est-à-dire par la lame de calcschistes crétacés emballant des schistes permiens qui repose, en situation analogue, sur le dos des unités briançonnaises au nord du hameau du Saut (voir la page Franchet).

 

aperçu général sur la Vanoise

cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuille Tignes


Carte géologique simplifiée des abords de la Grande Sassière

redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M. Gidon (1977), publication n° 074
plus au nord ;
plus à l'ouest < cartes voisines > plus à l'est
plus au sud
Autre découpage de la même carte, par coupures moins agrandies et couvrant des secteurs plus larges

Brévières ; Savinaz

Arbine ; Le Clou

haut Val Grisanche
Tignes - Chevril

LOCALITÉS VOISINES

haut Val de Rhêmes

Franchet ; Bailletta

Tsanteleina

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