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L'extrémité septentrionale du Vercors correspond à l'interruption brutale de ses reliefs par le cours de la vallée de l'Isère, qui traverse les massifs subalpins entre Grenoble et Voreppe en séparant le Vercors de la Chartreuse. On a coutume de désigner ce trait de relief du nom de "Cluse de l'Isère" bien que ce qualificatif ne s'avère pas tout-à-fait pertinent. Cette trouée est orientée N-NW - S-SE : elle est orthogonale aux autres parties du cours de cette rivière, qui sont NE-SW en amont comme en aval, mais cette orientation lui fait couper les structures (plis et failles) des massifs subalpins de façon oblique au lieu de s'inscrire perpendiculairement à leurs axes.
Cette trouée d'origine fluviatile a été aménagée, élargie et calibrée en U, par les passages successifs du glacier de l'Isère à chacune des crues qui l'ont amené à l'emprunter au cours du Quaternaire. Ces passages répétés ont donné de l'abrupt à ses flancs, au passage de ses principaux reliefs bordiers (notamment à son débouché, traversant la montagne du Ratz, en aval de Voreppe).
Les extrémités de ces langues glaciaires se sont étalés à sa sortie, dans le sillon périalpin, en y laissant des moraines qui sont disposées concentriquement autour de l'ombilic* de Moirans que ceinturent les pentes du plateau de Chambaran et les collines de Voiron. On désigne par ce terme la zone la plus surcreusée par les glaces, qui fut ensuite longtemps occupée, après leur fonte, par un lac (qui remontait d'ailleurs loin en amont, jusqu'à inclure tout le Grésivaudan). Son fond est entièrement occupé par une plaine alluviale d'une largeur moyenne de 3 kilomètres, constitué par les alluvions d'origine fluviatile qui ont colmaté ce lac.
![]() La "cluse de l'Isère" à son débouché aval, vue d'avion, depuis le SE vers le NW, c'est à dire de l'amont vers l'aval. Le Bec de l'Échaillon et la Montagne de Ratz sont les deux morceaux d'un même "mont" jurassien, coupé presque transversalement par la vallée. Ils appartiennent au chaînon le plus méridional du Jura qui ait été dégagé par l'érosion de l'ennoiement sous les molasses du Bas Dauphiné (il diffère en cela des autres chaînons jurassiens plus occidentaux, comme celui de Poliénas). L'ombilic de Moirans est une plaine alluviale fluvio-lacustre qui occupe la zone surcreusée par les glaciers quaternaires au débouché de la Cluse, à la faveur des oscillations de la position de leur front. La photo date de 1968, époque où la plaine alluviale était encore très agricole et où l'autoroute A.48, construite à l'occasion des jeux olympiques, s'arrêtait à Veurey (angle inférieur gauche du cliché) ... |
La trouée de Grenoble franchit la barrière des massifs subalpins de la Chartreuse et du Vercors en tranchant leurs plis, qu'elle traverse tour à tour. Mais elle ne leur est nulle part vraiment orthogonale et les coupe plutôt en biseau, surtout dans sa partie médiane. Ce n'est vraiment une cluse typique qu'à ses deux extrémités, en amont de Saint-Égrève et en aval de Voreppe.
D'autre part ces plis sont pour la plupart rompus par des chevauchements et, de ce fait, leur flanc ouest plus ou moins supprimé par l'érosion, de sorte que les barres calcaires que cette dernière a dégagé sur ses deux rives sont très généralement inclinées dans le même sens, vers l'amont.
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La coupe naturelle fournie par la "cluse" de l'Isère en aval de Grenoble est célèbre et elle a été souvent visitée, avant que les privatisations rendent pratiquement impossible la visite d'une grande partie des affleurements.
La partie de cette coupe comprise entre Le Chevalon de Voreppe et Le Fontanil - Cornillon a été beaucoup étudiée du point de vue stratigraphique et a été prise comme référence pour la définition des formations du Crétacé inférieur des environs de Grenoble (et notamment de celle des calcaires du Fontanil).
Le problème se pose a priori des rapports entre les structures de ses deux rives. Il s'avère leurs correspondances sont fort bonnes (voir le schéma cartographique ci-après), car leur analyse ne met en évidence aucune discontinuité dans le tracé des axes des plis qu'elle traverse.
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Légende des accidents tectoniques figurés (du NW au SE) aR = anticlinal du Ratz (charnière en genou
de La Buisse) ; FB = faille des Balmes (du Ratz ); fM
= flexure de la Dent de Moirans (flanc est de aR); fP
= flexure de la Poste de Voreppe (flanc ouest de sV) ; sV
= synclinal de Voreppe ; cV = chevauchement de Voreppe
; aE = anticlinal des Égaux (= anticlinal frontal
de la Chartreuse occidentale) ; sA = synclinal d'Autrans
; cS = chevauchement de Sautaret ; aSo = anticlinal
de Sornin ; fN = flexure de Noyarey (flanc est de aSo);
fE = flexure des Engenières ; FF = failles
du Fontanil ; fVa = flexure de la Grande Vache ; sSa = synclinal de Sassenage
(≈ sC) ; sC = synclinal du Cornillon (≈ sSa) ; cSa = chevauchement de Sassenage (≈ cM) ; cM = chevauchement
de Mont-Saint-Martin (≈ cS) ; aSa = anticlinal de Sassenage
(≈ fG ?) ; fG = flexure de Génieux (≈ aSa ?) ; sP = synclinal de Proveysieux ; ØcO = chevauchement
de la Chartreuse orientale ; sN = synclinal du Néron ; FBa = failles
de la Bastille ; aEc = anticlinal de l'Écoutoux
; sS = synclinal du Sappey. |
Toutefois ces correspondances sont moins évidentes qu'on pourrait le croire de prime abord. En effet, la vallée n'étant pas perpendiculaire à l'allongement des structures : c'est donc obliquement à ses rives qu'il faut les rechercher, en veillant à se baser sur la disposition dans l'espace des surfaces de cassure pour les failles et des plans axiaux pour les plis. De plus il apparaît que le niveau de dissection par l'érosion est plus profond sur la rive de la Chartreuse que sur celle du Vercors : cela se manifeste par le fait que carapace urgonienne des anticlinaux n'est bien conservée que sur cette dernière et cela aboutit à une dissemblance dans l'aspect du relief.
![]() ![]() La trouée de l'Isère : Panorama de sa rive droite vu depuis sa rive gauche, du col des Bannettes. Seules sont indiquées les structures majeures, de rupture ou de torsion des couches. |
On trouvera des données complémentaires relative au versant opposé de la trouée de l'Isère à la page qui lui est consacrée dans la section Chartreuse.
(figure agrandissable) |
Liste des abréviations désignant les
accidents, dans l'ordre où on les rencontre successivement,
du nord-ouest au sud-est. Les symboles entre parenthèses,
précédés de "=", indiquent les
correspondances (d'une rive à l'autre) qui sont seulement
très vraisemblables : Liste des abréviations stratigraphiques : |
Le creusement de la Trouée de l'Isère au travers les massifs subalpins est ancien car, déjà au Miocène (10 MA), il existait une rivière à son emplacement : en témoigne le fait qu'à cette époque il s'est construit, autour son débouché occidental, un puissant delta qui s'avançait jusqu'à Bourgoin dans le bras de mer périalpin. Concernant son implantation deux aspects sont à prendre en compte : son orientation et le choix de sa localisation ici, plutôt que sur une autre transversale aux massifs subalpins septentrionaux.
Concernant son orientation aucune particularité de la structure géologique ne permet de l'expliquer : quoi que l'on en ait dit elle ne suit aucune de fracture qui rompe ou décale les plis qu'elle traverse ni même d'abaissement de la voûte de ces derniers : le plus probable en définitive est que cette direction SE-NW est tout-à-fait originelle et correspond à la ligne de plus grande pente de ce versant des Alpes au début de leur surrection miocène.
L'abaissement, sur les deux rives, des lignes de falaises, qui convergent ainsi vers l'axe de la vallée, peut donner l'impression que la vallée correspondrait à un abaissement d'axe des plis. Ceci est illusoire et relève d'un simple dispositif de "V topographique".
Or tous les axes de plis de la rive gauche, entre Saint-Égrève et Voreppe s'élèvent vers le nord (c'est-à-dire depuis le Vercors vers la Chartreuse), à la seule exception du synclinal du Néron dont l'axe s'abaisse vers la vallée (encore cet abaissement s'annule-t-il au niveau de la cluse, l'axe du pli devenant là horizontal : voir la page "Néron"). Quant à l'anticlinal du Ratz il dessine même une culmination transaxiale à l'emplacement où il est coupé par la cluse de Voreppe (on peut d'ailleurs trouver un peu paradoxal que ce soit précisément là, où ce pli offrait l'obstacle le plus haut, que l'Isère à "choisi" de l'entailler transversalement).
![]() La trouée ("cluse") de l'Isère, vue dans l'axe depuis l'aval (en sens inverse de la précédente), depuis la ligne de moraines de Charauze (Bas Dauphiné : collines du Voironnais). Les tirets gras (a.R) soulignent le dessin incurvé de la voûte urgonienne de l'anticlinal du Ratz (et donc de son axe, lequel est perpendiculaire à la direction du regard) : à l'endroit même où elle est percée en cluse cette voûte ne présente pas un ensellement, mais une culmination. L'ombilic de Moirans est caché par la crête morainique du Carlin (stade 3b). On distingue bien, par contre, la blessure blanche des carrières de La Buisse, ouvertes dans ces couches au flanc ouest de la montagne de Ratz. Ti-Be = calcaires péri-récifaux du Tithonique et du Berriasien ("B-K"sur les coupes ci-après). |
En définitive on peut dire que la trouée de l'Isère n'est clairement pas dirigée par les structures puisqu'elle les coupe toutes obliquement et que, du fait de cette forte obliquité comme de sa largeur, elle ne mérite pas vraiment d'être qualifiée de cluse, comme on le fait traditionnellement.
Concernant sa localisation l'on ne voit de prime abord aucune particularité qui justifie qu'elle se situe à cet emplacement de la barrière des massifs subalpins.
Toutefois son entrée amont, aux abords de Grenoble, révèle quelques particularités qui sont susceptibles de fournir une piste explicative : il s'agit des rapports entre le chevauchement de la Chartreuse orientale et le chevauchement du Moucherotte (voir la page "Vercors NE").
En effet ces deux accidents, par leurs caractéristiques et leur position, identique par rapport aux plis qui passent d'un massif à l'autre, ont tout pour paraître se prolonger de part et d'autre de la Trouée de l'Isère. Or les tracés par lesquels ils y aboutissent montrent un net décalage de sens sénestre. Toutefois si en Chartreuse (au Muret) c'est bien une surface de chevauchement qui disparaît vers le sud sous les alluvions la situation n'est pas identique en Vercors (à Seyssinet nord) où c'est une déchirure un peu oblique au chevauchement du Moucherotte (la faille des Perrières) qui se perd sous les alluvions. .
Cette interprétation suggère qu'une déchirure, symétrique par rapport à la direction du serrage c'est-à-dire NW-SE, pourrait également avoir affecté les rapports le chevauchement de la Chartreuse orientale et son autochtone au niveau de son aboutissement dans la plaine de l'Isère : cette hypothétique "faille de La Buisseratte" (voir la carte ci-dessus) constituerait la limite nord-orientale d'un poinçon dont la pointe s'avancerait vers le SE sous la plaine de l'Isère jusque entre Seyssinet et La Bastille (et cette double déchirure aurait dont pu être la cause de la localisation de la cluse de l'Isère). Un tel accident limitant le massif de la Chartreuse à l'entrée amont de la Cluse de l'Isère (entre Grenoble et Saint-Égrève) est plausible : en effet sa présence expliquerait le fait que l'Urgonien du synclinal du Néron s'interrompt là brutalement par une falaise dont le tracé, rectiligne et oblique au synclinal, est précisément orienté selon cette direction NW-SE. Toutefois sa présence n'est pas une nécessité explicative car on peut aussi prendre en considération le fait que c'est là que le grand synclinal méso-subalpin (récemment mis en évidence) traverse la trouée de l'Isère. Or son effet semble y être (voir la page "Néron") de pivoter le tracé du chevauchement de la Chartreuse orientale dans le sens anti-horaire, lui donnant ainsi une direction N100, ce qui le mène sans autre complication à rejoindre en rive gauche la faille des Perrières (voir la page "Moucherotte"). |
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(Rive gauche de la Cluse) | LOCALITÉS VOISINES | rive droite de la cluse |
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